Au regard des faits recueillis de part et d’autre, on se rend compte que la situation contentieuse qui oppose la chambre de commerce et l’Union nationale des chambres de commerce a pour origine une multitude de facteurs dont certains sur lesquels nous mettrons l’accent.
D’abord, il y a lieu de retenir que la chambre de commerce de Dakar comme d’ailleurs toutes les chambres de commerce a, entre autres, une fonction de conseil, d’assistance d’encadrement et de formation à l’endroit des opérateurs économiques. A cet effet, elle bénéficie d’une autonomie de gestion tant au plan administratif qu’au niveau financier.
Cependant, malgré cette autonomie, la chambre de commerce est soumise à une double tutelle à savoir : la tutelle technique assurée par le ministère du Commerce, et la tutelle financière assurée par le ministère des Finances. A ce niveau, toutes les chambres de commerce bénéficient annuellement des contributions financières disproportionnées de la part de l’Etat, ce our combler l’insuffisance de leurs ressources propres. Le président de la chambre de commerce étant élu par ses pairs membres titulaires, engage l’institution au plan juridique tant au niveau interne qu’externe.
Il est assisté d’un bureau qui exécute la politique consulaire et rend compte aux membres de l’Assemblée générale considérée comme organe délibérant. En réalité, le président de la chambre de commerce a un rôle plus honorifique dans la gestion de la chambre de commerce. La clé de voute de cette institution est le Secrétaire général, nommé par le président, qui doit informer le ministère du Commerce et le ministère des Finances. C’est le Secrétaire général qui assure l’administration de la chambre (budget, objectifs moyens, délais, évaluation du personnel, etc.)
Quant à l’Union nationale de la chambre de commerce, elle a été créée sous la présidence de feu Issa Diop. L’Union des chambres de commerce n’est pas en réalité un organe au même titre que la chambre de commerce. En effet, l’objectif assigné a L’union est d’être un instrument de coordination des politiques des chambres de commerce et d’identification des goulots d’étranglement qui handicapent leur fonctionnement, en vue de trouver des solutions communes. Ainsi, l’Union des chambres, sous la présidence d’un membre désigné à cet effet, se réunit par rotation dans chacune des chambres de commerce du Sénégal. En outre, il n’existe pas un lien hiérarchique entre la chambre de commerce et l’union des chambres de commerce, qui est une émanation de toutes les chambres de commerce du Sénégal. En théorie, toutes les chambres de commerce du Sénégal sont membres de l’union. Mais dans les faits, plusieurs chambres restaient des mois sans verser leurs contributions à l’union, a fortiori, assister aux réunions. Cela peut s’expliquer par le fait que les chambres de commerce n’ont pas les mêmes capacités financières. A ce niveau, la chambre de commerce de Dakar est première, la deuxième celle de Kaolack, et la troisième, Saint-Louis. S’agis­sant du manque de dynamisme des chambres de commerce au niveau du développement économique et social du pays, plusieurs explications sont plausibles. D’abord il faut avoir à l’esprit que les pouvoirs publics n’ont jamais eu la volonté politique d’impliquer réellement les chambres consulaires tant dans la conception qu’au niveau de l’exécution des politiques publiques. Le constat qui découle de ce fait est que les pouvoirs publics se bornent souvent à recevoir des observations pertinentes formulées dans divers domaines (industriel, économique, commercial, agricole, etc.) qu’ils ne prennent pas souvent en considération. Par ailleurs, les chambres de commerce ont initié de nombreux projets tels que la gestion des gares routières, du port autonome de Dakar, du parking automobile qui n’ont jamais eu d’approbation de la part des pouvoirs publics. Il faut aussi retenir que, lors des nombreux bechmarking effectués par la chambre de commerce dans la sous-région, il a été constaté que les chambres de cette zone ont un dynamisme très frappant dans le développement économique et social de ces pays. Ensuite, les contributions financières allouées à ces chambres par ces Etat sont plus substantielles que celles allouées aux chambres de commerce du Sénégal.
Exemple : là où le budget de la chambre de commerce du Burkina Faso s’élevait à 1 milliard 200 millions F Cfa, celui de la chambre de commerce du Sénégal s’élevait à 400 millions F Cfa. Par ailleurs, chaque fois que la chambre de commerce de Dakar initie des projets de grande portée économique, le pouvoir public s’en approprie. Exemple : c’est le cas du guichet unique. Enfin la loi 2017-15 du 06 février qui remplace la loi n° 89-08 du 17 janvier 1989 (chambre de commerce) porte la création de la chambre nationale du commerce d’industrie et des services et les chambres régionales de commerce d’industrie et de services, cela en attendant la création d’une chambre nationale d’agriculture. A notre avis, ce n’est pas l’avènement d’entités nouvelles à la place des chambres de commerce qui va apporter une innovation majeure.
Comme nous l’avons souligné précédemment, tant que toute structure créée n’est pas impliquée, concernée, intéressée dans la conception et l’exécution des politiques publiques, le même constat va se reproduire. Si les chambres de commerce n’ont pas eu toute leur plénitude de participer au développement économique et social du pays, c’est parce que, entre autres, elles ont été considérées comme des organismes professionnels dont les observations à fort contenu économique, social, industriel et agricole ont été rangées dans les placards ou armoires.

Kossoro CISSOKHO
Ancien secrétaire général adjoint, conseiller juridique et chef du personnel de la chambre de commerce d’industrie et d’agriculture
de Dakar