La problématique qui se pose ici est celle de savoir si une association des maires autre que celle des maires du Sénégal peut avoir jour au Sénégal. Pour tenter de répondre à cette question il y a lieu d’examiner les deux procédés de répartition des pouvoirs à la lumière du droit public qui sont les suivants :

La centralisation La décentralisation
En ce qui concerne la centralisation, elle consiste à confier la direction de toutes les affaires administratives au pouvoir central. Avec ce procédé, l’Etat est de toutes les collectivités locales et publiques, la seule à posséder une personnalité juridique et par conséquent la seule à pouvoir assumer toutes les responsabilités. C’est l’Etat dans toute sa plénitude qui doit pourvoir à la satisfaction des besoins d’intérêt général de ses nationaux. Depuis la défense nationale jusqu’à l’enlèvement des ordures en passant par l’éducation et la santé de ses citoyens. En un mot, toutes ces tâches relèvent dans ce système de la compétence exclusive du pouvoir central. Ce faisant, pour des raisons de commodité et d’efficacité administratives, le territoire national est découpé en circonscriptions qui ne sont que des cadres administratifs sans personnalité juridique, destinés à permettre une implantation rationnelle des services centraux sur l’ensemble du territoire. Le choix porté sur ce système par les dirigeants leur permet d’imposer leur idéologie aux populations par un contrôle étroit et strict sur les agissements de celles-ci, même dans les coins les plus reculés du pays. Cependant du point de vue technique, la centralisation rend les solutions des affaires administratives lentes et rigides, en même temps, elle encombre les administrations centrales du fait que toutes les décisions depuis les moins importantes jusqu’aux plus importantes doivent venir d’en haut. Enfin, ce qui est grave dans ce système de centralisation, c’est que les autorités qui détiennent le pouvoir effectif de décision se trouvent concentrées dans la capitale, donc loin des circonscriptions administratives et dans ce cas ne peuvent jamais connaître à fond les questions qui leur sont posées pour mieux adapter leurs décisions aux réalités locales. Nonobstant ces inconvénients, il faut reconnaître que c’est un procédé transitoire nécessaire qui sans lequel, risquerait de sombrer dans l’anarchie ou dans la guerre civile.

Quant à la décentralisation, c’est un procédé de direction des affaires administratives qui consiste à transférer certaines attributions du pouvoir central au profit des collectivités dotées de la personnalité juridique. Avec la décentralisation, l’Etat n’est plus le seul à détenir le pouvoir de décision. Les autres circonscriptions territoriales qui, dans le système précédent, sont de simples fractions géographiques sans personnalité juridique, deviennent avec ce procédé, de véritables personnes morales de droit public interne. Ici l’Etat se réserve la satisfaction des besoins collectifs essentiels ressentis de la même façon par l’ensemble de la communauté nationale (défense nationale, enseignement, justice, entretien et construction de grandes voiries de communication, etc.). Les autres besoins estimés secondaires sont laissés entre les mains des collectivités locales qui se chargent de la gestion (voiries, nettoiement, distribution d’eau, de gaz, transport urbain, etc.)

La décentralisation permet ainsi d’associer les administrés locaux à la prise de décisions qui concernent leur vie quotidienne. Ils deviennent plus actifs, c’est-à-dire à participer et non à subir.

Intéresser les populations locales aux problèmes les concernant c’est aussi les donner une éducation politique qui les rend aptes à mieux comprendre et à mieux s’intéresser aux problèmes nationaux. Si la centralisation est assortie de décontraction qui permet d’atténuer ses effets, la décentralisation quant à elle est assortie de la tutelle administrative. Il faut retenir que la décentralisation se trouve toujours limitée par le procédé de tutelle administrative qui peut se définir comme un contrôle administratif exercé par l’autorité centrale sur les actes des collectivités locales et leurs organes. A cet effet, l’autorité de tutelle dispose à l’égard des collectivités locales décentralisées un pouvoir d’approbation, un pouvoir d’annulation et un pouvoir de substitution. Au regard de toutes ces analyses, on peut se poser la question de savoir s’il peut exister une autre association des maires autre que celle qui existe actuellement qui regroupe l’ensemble des maires du Sénégal. En effet, la Constitution garantit à toute personne morale ou physique la création d’une association dans quelque domaine que ce soit. C’est pourquoi il y a lieu de se demander si la création de l’association parallèle des maires n’entraînerait pas un fractionnement institutionnel des collectivités locales entre autres, allant par là même à l’affaiblissement de l’Etat en tant garant de l’unité nationale. A ce niveau, le «commun vouloir de vie commune», la concorde et l’unité nationale qui ont été les ressorts de l’élection de tous les maires doivent conduire les initiateurs de ce projet à une réflexion approfondie, sage et patriote avant sa mise en œuvre.
Kossoro CISSOKHO
Docteur en droit Spécialiste en administration publique Certifié de l’institut international du droit de développement de Rome
Expert juriste consultant