A qui le monopole de l’indignité ?

En ramenant sur le devant de la scène la loi portant amnistie, votée en 2024, le parti Pastef ne recherche rien d’autre qu’à perpétrer un simulacre de justice, à s’octroyer une réhabilitation bon marché. Lorsque Pastef se répand en explications et multiplie les numéros de contorsionniste, il y a un loup. En l’espèce, la manœuvre a pour objet de présenter sous un jour acceptable, ce qui n’est rien de plus qu’un reniement, une trahison. De la promesse fermement réitérée d’abrogation d’une loi dont Pastef a clamé urbi et orbi qu’il n’était pas demandeur, la clarté de naguère se mue en proposition de loi interprétative de la loi portant amnistie.
Le mysticisme du mot reprend du service. Le juridisme pédant des culs-terreux envahit l’espace médiatique avec la prétention de refaire le Droit. Le député dont le nom est d’ores et déjà associé à cette infamie fanfaronne avec la morgue d’un arracheur de dent pour expliquer que nous n’y entendons rien en abrogation et aux conséquences que celle-ci emporte. Soit ! La vérité, c’est que l’interprétation annoncée n’est qu’un pis-aller car la loi initiale n’est ni obscure ni équivoque. Elle ne présente aucune situation de conflit entre la lettre et l’esprit. Le but est clair : détourner les consciences de la forfaiture en gestation. Ça cuisine à grand renfort de grandiloquence, d’arguties de rabatteurs de gare routière, une loi taillée sur mesure pour donner l’absolution sans confession aux pécheurs que tout le monde connaît.
La surchauffe artificielle de l’opinion au sujet de cette proposition de loi est le produit d’une machination cynique orchestrée à trois desseins au moins : éluder le vrai débat qui n’est pas juridique mais moral, donner un gage aux militants que la diabolisation et l’acharnement contre le Président Macky Sall et sa famille politique ne connaîtront pas de répit, réécrire l’histoire de manière ignoble et indigne en légitimant les casseurs, les insurgés, et en jetant l’opprobre et le discrédit sur nos vaillantes Forces de défense et de sécurité.
Passer de la promesse d’abrogation à une loi dite interprétative est un naufrage moral. Il est vrai, le parti Pastef n’a pas son égal en reniements et revirements. La comptabilité fournie des promesses non tenues ne cesse de s’allonger. Passe encore de se dédire sur des promesses, dès le départ, dénoncées comme irréalistes et fallacieuses. En revanche, la rétractation en cours de la promesse sans équivoque ni nuance d’abroger la loi est moralement inacceptable. Le sujet est trop sérieux pour se prêter à la ruse ou au tour de passe-passe. Cette loi a touché à la vie, à la sueur, au sang et aux larmes de beaucoup de Sénégalais. Pour l’intérêt supérieur de la Nation et parce que le Sénégal valait ce sacrifice, leur peine a été passée par pertes et profits. Ce prix payé pour en arriver là a été à ce point exorbitant qu’aucun gain de clan ne justifie d’instrumentaliser cette loi en remettant une pièce dans la machine. La décence eut été, pour Pastef, de faire profil bas et de laisser l’amnistie votée en paix.
Cette loi fait partie de la mémoire de la Nation, faite d’heures de gloire et de périodes sombres. On n’y doit toucher qu’avec des mains tremblantes, une conscience bouleversée. Elle mérite mieux que l’instrumentalisation abjecte et politicienne et que le parti Pastef en fait. En dépit des dénégations et objurgations, Pastef est associé à tous les faits délictuels ou criminels commis dans le pays sous la période visée et que cette loi est venue amnistier, pour que vive ce qui est plus grand que nous, au-dessus de nous : le Sénégal. Réveiller les haines et les détestations que ces années noires ont cristallisées au motif d’une revanche contre la famille politique du Président Macky Sall ou pour se payer la tête de prétendus bourreaux, est une forfaiture morale inadmissible. Sauf à chercher à noyer le premier anniversaire au pouvoir dans une polémique qui divise, aux fins d’échapper à un bilan qui se résume à douze mois de désillusions pour les populations et de divagations au sommet de l’Etat. Que nul ne s’y trompe. Le parti Pastef n’a cure de chercher la justice ou la vérité. L’objectif unique est d’assouvir une soif de vengeance contre le pouvoir sortant, de lui coller l’étiquette de bourreaux. La recherche sélective des responsabilités n’a d’autre but que de tenter d’entamer le crédit en reconstitution de l’Alliance pour la République. Pour leur malheur et à leur grand désespoir, chaque acte posé pour salir le Président Macky Sall et sa famille politique leur revient comme un boomerang sous une avalanche d’indignations, de réprobations, de scepticisme à tout le moins. Le crédit de l’Apr se reconstitue à bas bruit. L’échec et la faillite résument les douze premiers mois aux responsabilités du nouveau régime. Dans les chaumières, des Sénégalais de plus en plus nombreux regrettent le magistère éclairé, la guidance sûre et prudente du Président Macky Sall. Parmi les 54% de Sénégalais qui ont porté leurs suffrages sur Pastef, certains, résignés, continuent d’espérer contre toute espérance. D’autres, comme des supporters désabusés, sont en train de quitter le stade, comprenant que le score est scellé, le match est perdu. L’horizon 2050 n’a pas fait rêver plus d’une lune. Il s’est perdu, comme le Projet, dans le néant programmatique du régime, et surtout dans l’obsession de la solution finale pour étêter l’Apr.
La réécriture de l’histoire que sous-tend cette proposition de loi est le point culminant de l’indécence. Il ne s’agit rien moins que de mettre la meute des insurgés, des casseurs, des pillards au-dessus de nos Forces de défense et de sécurité. Les Fds ont été un rempart, un bouclier face aux menées subversives du parti Pastef et de son leader qui n’avaient d’autre but que de faire voler la République en éclats. Ces hommes et femmes dignes, républicains méritent mieux que des insinuations injurieuses. N’en déplaise aux pastéfiens, ils ne sont que d’un seul camp, celui de la République, qu’ils ont juré de servir au prix de leur vie. La République, ce sont eux ! Penser pouvoir en atteindre certains, sous couvert de poursuivre des donneurs d’ordre tapis dans l’Apr, est une entreprise vaine. Pour l’éternité, le Général Moussa Fall et ses hommes, le Commissaire Bocar Yague et ses hommes, toutes nos Fds seront honorablement mentionnés comme ceux à qui le Sénégal doit sa continuité républicaine et institutionnelle, quand le parti Pastef et son leader vouaient plonger le pays dans le chaos, la désolation et le rendre ingouvernable. Associer ceux qui ont défendu la République aux violences, aux crimes, aux atteintes aux biens publics et des personnes perpétrés au nom de l’insurrection de Pastef est inacceptable. Il faudrait ne regarder l’histoire que d’un œil, pour oser une entreprise de réécriture à travers cette loi d’ignominie.
Le bouclage de l’an 1 de Pastef aux responsabilités aurait dû être un long jour de fête. Hélas, de quelque côté que l’on regarde, impossible d’apercevoir le coureur porteur de bonnes nouvelles. Sous le nouveau magistère, le pays continue de se fracturer. Les libertés reculent, l’arbitraire et la justice sélective crèvent l’écran. L’embastillement à tour de bras sur la base de chefs fallacieux et légers commence à agacer certains maillons de la chaîne judiciaire. Le front social bruit de craquèlements alarmants. Le bruit qui court d’une levée progressive ou ciblée des subventions sur injonction du Fmi ne faiblit pas. Pendant ce temps, «Gros calibre» est sur les planches chaque semaine pour un spectacle dont il n’est plus acceptable de rire. Sarré-tte s’emballe et cavale à bride abattue, menaçant à tout moment d’envoyer sur le bas-côté ce qui reste du prestige de notre Etat. Alors, interprétez ! Surtout, interprétez-nous cette petite phrase : «Enfin un Diola.» A qui le monopole de l’indignité ?
Louis Mory MBAYE