Abdoulaye Bathily est persuadé que la Cedeao saura trouver la solution «nécessaire» au règlement de la crise gambienne. Il regrette aussi les luttes d’influence et les amalgames entretenus autour des candidatures – dont la sienne – à la présidence de la Commission de l’Union africaine (Ua).
Abdoulaye Bathily se dit surpris du revirement du Président gambien, Yahya Jammeh, qu’il ne connaît pas «personnellement». Le candidat sénégalais à la présidence de la Commission de l’Union africaine (Ua), qui s’est confié à Jeune Afrique, n’en estime pas moins qu’«accepter sa défaite aurait été un signe d’élégance et de responsabilité». «Dans n’importe quel pays, les résultats des élections doivent être acceptés par tous, surtout quand les règles du jeu sont convenues à l’avance», explique Pr Abdoulaye Bathily. Evoquant la question de l’éventuelle intervention militaire de la Cedeao pour résoudre la crise gambienne, l’ancien ministre sénégalais se veut prudent. Tout en n’écartant pas une autre solution que celle militaire, Abdoulaye Bathily soutient : «Nous verrons. Mais c’est un fait que la Cedeao a eu à gérer de très graves crises dans le passé, que ce soit au Liberia, en Sierra Leone ou au Mali, et qu’elle a une expertise certaine en la matière. Je n’ai aucun doute qu’elle saura trouver en son sein l’énergie et la fermeté nécessaires pour que cette page sombre de l’histoire gambienne soit rapidement tournée».
Les candidatures à la présidence de la Commission de l’Ua sont aussi revenues dans le propos du candidat sénégalais. Qui va lâcher : «Ce que je sais, c’est que le président de la Commission de l’Ua n’est pas là pour défendre la politique étrangère de son pays. Ne prête-t-il pas un serment de neutralité lorsqu’il entre en fonction ? Pour ma part, je ne serai pas le porte-parole du Sénégal. Je veux être au service du continent. J’ajoute que ce serait une erreur de désigner un candidat en fonction de son pays d’origine. Seuls importent son profil, son expérience et ses compétences.» D’où sa proposition pour que des confusions ne soient pas entretenues au sujet des candidatures à la présidence de la Commission de l’Ua. «Sans doute cela joue-t-il, c’est incontestable. Et sans doute faudrait-il à l’avenir réfléchir à un autre mode de désignation, de manière qu’il n’y ait plus d’amalgames.»
Regrets
Abdoulaye Bathily déplore aussi le fait que l’élection du président de la Commission de l’Ua donne lieu à «de redoutables luttes d’influence, surtout depuis la bataille qui a opposé Jean Ping à Nkosazana Dlamini-Zuma». Tout comme il «regrette que certains tentent de faire de cette élection une lutte entre tel ou tel pays, telle ou telle région, tel ou tel bloc linguistique». «Je ne veux entrer dans aucune de ces catégories. Je vous l’ai dit : pendant des décennies, j’ai été impliqué dans les luttes du continent, pas dans ce que l’on pourrait appeler des combats de coqs», tient-il à préciser.
Revenant sur le retrait de certains pays africains de la Cpi, le Professeur Bathily estime que «les pays ont souverainement décidé d’y adhérer. Si individuellement, certains décident qu’il doit en être autrement, alors ce sera une décision de souveraineté que nous devrons respecter». «Il appartient à nos dirigeants de prendre leurs responsabilités à cet égard et de bâtir une Afrique en paix avec elle-même, une Afrique où la justice peut être dite», note-t-il.
«La Cpi, c’est un instrument parmi d’autres, au même titre que le Tssl (Tribunal spécial pour la Sierra Leone) ou que les Chambres africaines extraordinaires qui ont été chargées de juger Hissein Habré. Mais si la question est de savoir si oui ou non, plus de cinquante ans après les indépendances, nous pouvons assister les bras croisés à des massacres et à des violations des droits de l’Homme, alors la réponse est non. Et Cpi ou pas, l’Ua doit être capable d’innover en la matière», a-t-il conclu.
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