Des mesures de rétorsion pourraient être ­infligées au Mali, au Burkina et à la Guinée par les dirigeants des pays membres de la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (Cedeao), à l’issue d’un sommet «très attendu» dans la capitale ghanéenne demain, dimanche. Des pays qui ont en ­commun le fait d’avoir été des théâtres de coups d’Etat et qui sont dirigés par des juntes militaires.

Le Mali, la Guinée et le Burkina Faso, trois pays qui ont été des théâtres de coups d’Etat, occuperont le cœur des débats lors du prochain sommet «très attendu» des chefs d’Etat des pays membres de la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (Cedeao). Ces derniers vont se réunir à cet effet, ce dimanche 3 juillet à Accra, la capitale du Ghana, aux fins de statuer sur les sanctions concernant les Etats en question.
Voulant coûte que coûte œuvrer à «un retour rapide des civils au pouvoir», les dirigeants de l’Afrique de l’Ouest vont discuter et décider des «vigoureuses mesures de rétorsion commerciales et financières infligées au Mali depuis janvier et celles, moins lourdes, du Burkina Faso et de la Guinée».
Tour à tour, les coups de force se sont produits en moins de deux ans en Afrique de l’Ouest. On peut noter ainsi : «Le 18 août 2020 et le 24 mai 2021 à Bamako, le 5 septembre 2021 à Conakry et le 24 janvier 2022 à Ouagadougou.» Une situation qui avait conduit la Cedeao à s’alarmer «du risque de contagion dans une région vulnérable, multiplie les sommets, les médiations et les pressions pour accélérer le retour des civils à la direction de ces pays», constate-t-on.
Le Mali, pays pauvre et enclavé, exsangue d’un conflit qui dure depuis plus d’une décennie, est confronté à un embargo sur les transactions commerciales et financières, hors produits de première nécessité. Le Burkina, autre pays sahélien pris dans la tourmente djihadiste, et la Guinée ne sont pour l’heure qu’à l’écoute des organes de la Cedeao. Mais les juntes en place entendent y rester pendant trois ans, exposant leur pays à un durcissement des sanctions.
La junte militaire malienne et la Cedeao ne sont même pas parvenues, après d’âpres négociations «en cours depuis des mois, à un compromis». Il n’y a eu aucune décision sur les sanctions contre des régimes putschistes et «la Cedeao s’est donné un mois de plus pour négocier et s’entendre sur une levée ou un maintien des sanctions», fait-on remarquer.
Entre-temps, le médiateur Goodluck Jonathan, ancien Président du Nigeria, est venu hier vendredi à Bamako pour rencontrer les autorités militaires. Si rien n’a officiellement filtré des échanges, un membre de son entourage a indiqué à l’Afp que «le Mali a fait d’énormes progrès». Même s’il reste «quelques réglages à faire», la junte malienne «fait du bon travail», a-t-il ajouté.
Les autorités ont annoncé mercredi un calendrier électoral fixant la Présidentielle à février 2024, le référendum constitutionnel à mars 2023 et les Législatives, entre octobre et novembre 2023. Il vient compléter l’adoption le 17 juin, d’une nouvelle loi électorale. Autant de prérequis indispensables pour la Cedeao dans l’optique d’une levée des sanctions infligées le 9 janvier au pays, pour stopper le projet des militaires de gouverner pendant cinq années. Un potentiel point de blocage dans les négociations peut néanmoins subsister : il s’agit de la possibilité donnée aux militaires, par la nouvelle loi électorale, de se présenter à une élection présidentielle.
Au Burkina Faso, la Cedeao a nommé un médiateur malgré son «inquiétude» devant les trente-six mois prévus pour la Transition. «Nous sommes sur la voie du compromis» avec ce pays, a dit à l’Afp un diplomate de la sous-région. Le médiateur, l’ancien Président nigérien Mahamadou Issoufou, doit se rendre à Ouagadougou vendredi en amont du sommet. Un calendrier électoral, présenté par la junte aux partis mercredi, doit lui être proposé. Il «porte sur deux aspects : la restauration de la sécurité et l’organisation des élections pour le retour à un ordre constitutionnel normal», a dit le Premier ministre burkinabè, Albert Ouedraogo. Plusieurs sources proches de l’organisation saluent, elles, cette recherche apparente de compromis.
En Guinée, pays qui a refusé jusqu’alors la venue d’un médiateur, la junte a acté une durée de Transition de trente-six mois. Un délai qualifié d’«impensable» par le Président sénégalais, Macky Sall, président en exercice de l’Union africaine (Ua). «La Cedeao va devoir prendre des mesures», a-t-il dit. L’organisation avait exprimé lors du dernier sommet, «ses graves inquiétudes» devant les tensions politiques et pressé les autorités d’établir un cadre de dialogue avec les acteurs politiques et la Société civile. Lundi, comme un premier pas, le gouvernement a reçu les principales formations politiques en vue d’engager un dialogue. Plusieurs partis ont conditionné leur participation à la nomination d’un médiateur ouest-africain.
Avec Le Monde