«Je suis là en tant que moi-même et en tant que fille d’un pédo-criminel ; donc fille d’un monstre.» Du «courage», Audrey Pulvar admet qu’il lui en a fallu pour s’exprimer lundi matin sur France Inter. La voix tremblante d’émotion, l’ancienne journaliste et adjointe à la maire de Paris s’est exprimée sur les accusations de pédophilie formulées à l’encontre de son père, Marc Pulvar, par trois de ses cousines. Dans une lettre, les trois femmes qualifient cette figure du syndicalisme martiniquais, décédée en 2008, de «prédateur sexuel» et l’accusent d’attouchements lorsqu’elles étaient âgées de 7 à 10 ans.
Audrey Pulvar a eu connaissance des accusations contre son père il y a 19 ans, en 2002. A cette époque, ses trois cousines, alors âgées d’une trentaine d’années, en ont parlé à leurs parents et à la mère de Audrey Pulvar. «Je les ai crues parce que je suis toujours du côté des victimes, de celles et ceux qui dénoncent ce type de crimes», a expliqué celle qui avait 5 ans au moment où les faits se seraient produits.
«Depuis 45 ans, je sais qu’il s’est passé des choses confusément. Quand j’étais très petite, il s’est passé des choses que je ne savais pas normales», explique-t-elle avant de partager ses souvenirs d’enfance lorsqu’elle partait en camping sauvage pour les vacances d’été avec son père, ses cousines et d’autres adultes. «J’étais avec l’une de mes cousines sous la garde de mon père et je sentais qu’il y avait un climat que je ne comprenais pas, mais je ne savais pas ce que c’était.» Pendant une dispute avec l’une de ses cousines, alors âgée de 7 ans, celle-ci lui a lancé : «Ton père, il met sa main dans ma culotte». «Ça m’avait tétanisée. J’avais 6 ans. Ces souvenirs-là, ils ont été cadenassés dans mon cerveau pendant 25 ans en revenant par flashes sans que je sache ce que c’était», complète Audrey Pulvar qui admet qu’elle n’a jamais eu l’idée de dénoncer son père. «Ce n’était pas à moi de le faire. Je ne savais pas que je savais. Ce n’est pas quelque chose qui est là, devant vous, et que vous identifiez.»
Au micro de la radio, celle qui est aujourd’hui candidate aux Régionales a aussi adressé un message à ses «détracteurs» et à ceux qui pensent qu’il y a un lien entre la médiatisation des accusations de ses cousines et le début de sa carrière politique. «Je suis là pour dire à toutes celles et tous ceux qui pensent que l’action de mes cousines qui aujourd’hui parlent à travers une lettre, 45 ans après les faits, serait une manœuvre politique, soit pour m’atteindre moi qui suis candidate soit pour abîmer la mémoire de mon père. Tous ceux-là ont tort», a-t-elle ajouté, rappelant que dans ce genre d’affaires, le processus pour que les victimes verbalisent ce qu’elles ont subi peut prendre beaucoup de temps. «Mes cousines parlent quand elles peuvent parler, quand les conditions sont réunies pour elles de pouvoir s’exprimer. Avoir la force, avoir assez mâturé les choses pour pouvoir se les dire à soi-même, le dire à ses parents, le dire à un cercle plus large, ça prend du temps. Et quand elles le disent, il faut respecter cette parole, il faut l’entendre, il faut l’écouter, il faut la respecter et non la dévaloriser en la mettant en doute.»

«Ecoutez les
victimes, écoutez
ce qu’elles ont à vous dire»
A propos des moyens à la disposition des victimes pour briser le silence, Audrey Pulvar a émis le doute que les réseaux sociaux soient «le bon médium pour raconter tout ça». Ses trois cousines ont choisi d’écrire une lettre qu’elles ont d’abord proposée pour publication à un hebdomadaire martiniquais qui s’y est refusé. «Dans cette lettre, elles disent les choses de façon extrêmement puissante, extrêmement digne, extrêmement rayonnante parce que même si ce qu’elles décrivent est terrible, la façon dont elles en parlent, la résilience dont elles font preuve, est non seulement le signe d’une énorme force et d’un énorme courage de leur part et je pense que c’est une lettre qui peut aider d’autres personnes qui ont été victimes de ces crimes, des crimes qui détruisent profondément les êtres et tous les êtres qui sont concernés», a-t-elle témoigné.
Interrogée sur la manière dont la société pourrait prévenir la pédocriminalité et l’inceste, Audrey Pulvar a souligné à quel point ce genre de violences est «extrêmement répandu dans l’ensemble de la société» et n’épargne aucune catégorie sociale. «Ce qu’il faut faire, ce n’est pas seulement réparer ou écouter la parole des victimes, c’est faire en sorte que ça n’arrive plus. Que cette société se pose la question de à quel point chacun et chacune d’entre nous est concerné par ce qu’il se passe et comment chacun et chacune d’entre nous à son niveau doit se poser la question de la façon dont on identifie les signaux, dont on empêche ce genre de crimes d’arriver de se produire et dont évidemment, malheureusement quand ils se sont produits, on prend en compte la parole des victimes et on sanctionne les auteurs. Ecoutez les victimes, écoutez ce qu’elles ont à vous dire, n’en faites pas des victimes permanentes et respectez leur parole s’il-vous-plaît», a-t-elle plaidé, en larmes.
Paris Match