Reportage réalisé par Pape Moussa DIALLO – La Falémé, qui arrose le Sénégal et le Mali, est un trésor menacé par la pollution. Ses eaux sont devenues rougeâtres, les espèces qui peuplent ses profondeurs sont menacées. Les activités d’orpaillage illicite sur la Falémé inquiètent. En plus de la pollution des eaux, cette activité illicite sur cet affluent du fleuve Sénégal qui prend sa source dans la partie nord du Fouta-Djalon et le sépare du Mali, a fini par être une bombe écologique à désamorcer avant que le pire ne se produise. Face à cette situation préoccupante, le chef du village de Satadougou, situé dans le département de Saraya et dernier village frontalier avec le Mali, tire la sonnette d’alarme et interpelle les autorités étatiques et le gouvernement.
Situé à 123 kilomètres de la commune de Kédougou, dans le département de Saraya, Satadougou est l’un des derniers villages sénégalais frontaliers du Mali. Il se situe à quelques kilomètres de ce pays voisin dont il est séparé par la Falémé. Sur le site de la Falémé, le constat est à la fois écœurant et alarmant. L’eau ne coule plus. Il ne reste que des mottes de terres, des points d’eau par-ci, par-là dont la couleur, à vue d’œil, ne rassure point. Bien sûr que l’eau est incolore et inodore, mais au niveau de la Falémé, elle a une couleur jaunâtre avec l’effet de l’exploitation illicite de l’or intensifiée par des orpailleurs maliens dans un premier temps. Des deux côtés de la rive, se dressent des jardins et autres plantations d’arbres fruitiers. Sous nos yeux, un contrebandier en provenance du Mali traverse avec sa moto, transportant de la marchandise.
Après quelques hésitations, il finit par engager la route et remonter la pente pour rejoindre le coté sénégalais. Au même moment, une moto tricycle se démène pour passer un point d’eau dans lequel il s’est embourbé, provoqué par une mauvaise manœuvre du conducteur impatient à première vue. La moto hurle, mais ne bouge toujours pas. Pourtant, le conducteur n’a pas l’air inquiet.
Après de longues et continues manœuvres, il finit par passer l’obstacle et poursuivre son chemin de l’autre côté. Un endroit boueux.
Devant la situation qu’offre la Falémé, le chef de village de Satadougou n’a pas de mot. Il a le cœur gros et le regard impuissant. «Vous constatez avec nous la situation. Voici ce qui reste de la Falémé.» Un long fleuve qui s’assèche à cause des actions de l’homme. Très en verve, Kalé Seydikora martèle : «C’est un sentiment de détresse et de mécontentement qui m’anime face à l’irresponsabilité des agents de l’Administration du Mali qui ont autorisé les orpailleurs à détruire la Falémé.»
La qualité de l’eau est déplorable. Elle est impropre à la consommation à cause de sa pollution par les produits toxiques utilisés dans le traitement de l’or. «La boulimie et la cupidité humaines vont nous perdre», se désole le chef de village. C’est le même son de cloche chez le président de la Jeunesse de Satadougou. Cheikhou Seydikora estime que la situation de la Falémé est «déplorable». Il renseigne : «La jeunesse s’est mobilisée à maintes reprises pour alerter et dénoncer ce qui se fait au niveau de la Falémé. Qu’est-ce qu’on peut faire ? On n’a pas la force.»
Pour lui, ce sont les Maliens qui ont commencé l’œuvre de destruction de la Falémé. Mais, ils ne sont plus seuls aujourd’hui. «Les Sénégalais ont pris la relève», s’est-il offusqué.
Aujourd’hui, les populations attirent l’attention des autorités sur la pollution de la Falémé. Le chef de village Kalé Seydikora informe que les autorités sont informées de cette tragique situation. Il dit : «Le Préfet et même l’Armée, lors de ses patrouilles, ont été de passage pour constater l’ampleur des dégâts au niveau de la Falémé.» Evidemment, il soulève une certaine sensibilité de la question, mais il assure que cela doit se régler entre les Etats du Mali et du Sénégal. «Je rappelle aux autorités sénégalaises, encore une fois, l’urgence que constituent la dépollution et la préservation de la Falémé pour protéger les populations et le développement d’activités maraîchères», note Kalé Seydikora.
Un programme spécial de dépollution et de protection des eaux de la Falémé
Dans un contexte de rareté des ressources, l’ancien Premier ministre Amadou Ba avait présidé un Conseil interministériel sur les projets de mobilisation et de valorisation des eaux de surface. Sur les 15 recommandations qui ont été retenues, figure en cinquième position la mise en place d’un programme spécial de dépollution et de protection des eaux de la Falémé par le ministre de l’Eau et de l’assainissement, en collaboration avec les ministres de l’Environnement et des Mines.
Lors de cette rencontre, M. Ba avait assuré que l’objectif de l’Etat du Sénégal est d’élaborer une stratégie globale et cohérente impliquant tous les acteurs en charge de la ressource, sachant que le potentiel des eaux de surface renouvelables sur le territoire national est estimé entre 40 et 50 milliards de mètres cubes par an répartis entre 7 bassins versants dont les bassins des fleuves Sénégal et Gambie, des cours d’eau au niveau de la Casamance, de la Kayanga, du Sine et du Saloum. Une enveloppe de plus de 398 milliards de nos francs avait été annoncée pour la mobilisation et la valorisation des eaux de surface.