En décembre 2022, une fusée Ariane V, lancée depuis Kourou, emportera dans l’espace, l’œuvre d’un(e) artiste africain(e)… et un satellite de météorologie. Les Congolais Michel Ekeba et Geraldine Tobé et le Camerounais Jean-David Nkot, sont les finalistes.

Mieux que Jeff Bezos, Ri­chard Branson et Elon Musk réunis ! En 2022, ce n’est pas un milliardaire aventureux qui voyagera dans l’espace, mais bel et bien une œuvre d’art africaine. Après quelques tentatives infructueuses en Zambie ou en République démocratique du Congo, le continent pourra enfin s’enorgueillir d’avoir hissé ses plus belles couleurs au-delà de l’atmosphère ! Et non, nous ne sommes pas le premier avril : cette idée, saugrenue s’il en est, d’envoyer une œuvre d’art dans l’espace, a bel et bien germé dans l’esprit des dirigeants d’African artist for development (Aad), en partenariat avec Eumetsat, l’organisation européenne pour l’exploitation des satellites météorologiques. «Le programme African space art project (Asap), imaginé par Aad en partenariat avec Eumetsat, est né d’un constat : l’Afrique est le continent qui émet le moins de Co2, tout en étant celui qui souffrira le plus du réchauffement climatique. En 2022, un lanceur, Ariane V, mettra sur orbite au-dessus de l’Afrique, un nouveau satellite géostationnaire météorologique d’Eu­metsat, qui permettra de surveiller les changements climatiques et météorologiques du continent africain. Asap veut montrer l’importance stratégique pour le continent africain, d’un tel lancement. Ce satellite et les données qu’il fournira pour le continent, sont un enjeu sans égal», écrivent-ils. Mais de quoi s’agit-il exactement ? D’une exposition pour de potentiels habitants de Vénus ou Mars ? D’une nouvelle décoration pour l’Iss ? D’un nouveau débris en orbite autour de la planète bleue ? Rien de tout cela en fait, puisque c’est une reproduction d’œuvre d’art qui ornera la coiffe (la partie supérieure) de la fusée Ariane V, dont le lancement est prévu en décembre 2022 à Kourou (Guyane française).

Trois artistes lauréats
Annoncé en septembre 2018, ce projet est entré dans sa phase finale le 27 novembre dernier, avec la présentation à Rabat (Maroc), au musée Mohamed VI, des trois artistes lauréats encore en compétition. Au départ, 100 artistes ont été invités à participer au projet African space art. A l’arrivée, ils sont 51 à avoir répondu à l’appel et leurs dossiers ont été étudiés le 4 mars 2020, par un comité de quatre personnes : le galeriste et spécialiste de l’art contemporain Jean-Philippe Aka, l’artiste Mélissa Goba, les musiciens Gaël Faye et Keziah Jones. Trois d’entre eux ont été sélectionnés : les Congolais Michel Ekeba et Geraldine Tobé et le Camerounais Jean-David Nkot. Avec Kongo Astronauts, le premier entend proposer un collage représentant 54 Africains dans des combinaisons d’astronautes qu’il aura imaginées, flottant en apesanteur sous la calotte de la fusée, où seraient représentés le soleil et la lune, «deux astres qui gouvernent notre planète». Géraldine Tobé, connue pour ses peintures réalisées à la fumée de lampe à pétrole, propose de son côté trois silhouettes d’hommes «composées de fibres connectives avec de petits êtres humains, rattachés les uns aux autres». Enfin, avec Afronaute, Jean David Nkot propose de revenir sur l’expérience spatiale zambienne de 1964, avec «une création picturale préfigurant un timbre postal sur lequel sera représenté une jeune fille portant un chat, sur fond de carte de l’Afrique». Pourquoi un chat ? Parce qu’à l’époque, le professeur zambien, Edward Makuka Nkoloso, projetait d’envoyer douze Afronautes et dix chats dans l’espace, et qu’une jeune femme, Matha Mwamba, avait alors été sélectionnée pour participer au voyage…

Fort potentiel médiatique
Parmi ces trois projets, un seul sera sélectionné par les membres du jury composé de personnalités, telles que Mehdi Qotbi (président de la Fondation des musées du Royaume du Maroc), Stéphane Israël (Pdg d’Arianespace), Jean-Michel Abimbola (ministre du Tourisme, de la culture et des arts du Bénin), Phil Evans (Dg d’Eumetsat), Daouda Konaté (directeur de la Météorologie de Côte d’Ivoire), etc. Bien entendu, comptent aussi parmi les membres du jury, les collectionneurs français, Gervanne et Matthias Leridon. Lesquels sont les créateurs d’Aad, à l’origine de plusieurs projets artistiques et médiatiques autour de la création du continent, comme l’exposi­tion Lumières d’Afrique. Nul doute que ce nouveau projet à fort potentiel médiatique, de­vrait aussi permettre des retombées bien plus terre-à-terre.
Avec Jeune Afrique