Après l’éclatement de ce qu’il est convenu d’appeler l’affaire Souleymane Téliko, le Groupe africain de l’Union internationale des magistrats avait soutenu ce dernier et interpellé Me Malick Sall «sur la situation du président de l’Ums, afin qu’une solution allant dans le sens du respect des garanties statutaires des magistrats et de l’indépendance du pouvoir judiciaire soit trouvée». Il avait «fermement condamné les entraves et abus dont fait l’objet le président de l’Ums dans l’exercice des missions qui lui sont confiées par les statuts de l’Union, en matière de défense des magistrats et de respect de l’indépendance du pouvoir judiciaire».
Dans sa réponse au Groupe africain de l’Union internationale des magistrats (Gauim) qui avait apporté son soutien au juge Souleymane Téliko, le ministre de la Justice a rappelé que «le président de l’Ums et membre du Csm n’a pu exercer ces fonctions que par sa qualité de magistrat». En conséquence, dit Me Malick Sall, «il n’en est pas moins soumis, au même titre que ses autres collègues, au respect de son serment». Par conséquent, poursuit le garde des Sceaux, «il ne peut en aucun cas être relevé de ce serment», car «il doit alors s’abstenir de commenter publiquement ses propres décisions ou celles de ses collègues lesquelles par leurs motifs se suffissent à elles-mêmes». Il rappelle dans sa lettre qu’en «commentant dans les médias une décision rendue par les juridictions sénégalaises, le magistrat Souleymane Téliko a manifestement violé son serment et traduit devant le Csm siégeant en matière disciplinaire, conformément à l’article 24 de la loi organique portant statut des magistrats». Pour montrer la neutralité de l’Exécutif dans cette procédure, il précise «que le Conseil de discipline statue hors la présence du président la République et du ministre de la Justice». Il soutient que «pour délibérer valablement, il doit comprendre outre son président au moins deux tiers de ses membres. Les sanctions sont prises à la majorité. En cas de partage de voix, celle de son président est prépondérante. Toutefois, la révocation et la mise à la retraite d’office ne peuvent être prononcées qu’à la majorité des deux tiers de ses membres présents et votants du Conseil de discipline, conformément à l’article 10 du Csm».
Par rapport à la nomination des magistrats, Me Sall cite l’article 7 de la loi organique portant organisation et fonctionnement du Csm, «qui dispose que pour la nomination des magistrats, l’avis du Csm est donné sur les propositions du ministre de la Justice après un rapport établi par un membre du conseil». Selon lui, «cette procédure peut se faire suivant deux formes conformément à l’article 6 de la loi organique sus visée qui précise que : le Csm se réunit au moins deux fois par an, sur la convocation de son président. Toutefois en cas d’urgence, le Csm peut statuer par voie de consultation à domicile». Pour Me Sall, «la réunion du Csm n’est pas exclusive de la présence de ses membres. Je puis donc vous affirmer qu’aucun magistrat n’a jamais été affecté hors la saisine du Csm». En réponse aux accusations de violation du principe d’inamovibilité des juges du siège, après l’affectation de Ngor Diop qui a saisi la Cour suprême pour casser la décision, il affirme que ce principe «n’est pas remis en cause». En revanche, il soutient que «le magistrat du siège qui occupe une fonction provisoire, limitée dans le temps, ne peut certainement pas être considéré comme un magistrat inamovible. C’est le cas du magistrat nommé par intérim. En effet, il y a une très grande incompréhension entre l’emploi occupé et la fonction exercée. Cette distinction à faire entre l’emploi auquel un magistrat peut être nommé et la fonction réellement exercée est à circonscrire dans la limite de l’emploi par intérim». Il détaille : «Il faut dire en effet que du fait de l’avancement de grade, le magistrat peut être nommé à un grade supérieur pour occuper un emploi judiciaire correspondant à sa hiérarchie et cela sans exercer les fonctions attachées à cet emploi. Cette nomination peut survenir pour diverses raisons dont la plus importante est l’insuffisance d’effectifs.» En d’autres termes, explique-t-il, le magistrat qui est affecté à une fonction dont il n’occupe pas l’emploi judiciaire y est nommé par intérim. D’après lui, «la caractéristique de l’intérim est sa précarité du fait qu’elle est provisoire, aménagé pour une durée qui ne peut pas excéder trois ans». Il soutient alors que «cette précarité qui est textuelle souligne à suffisance que le magistrat du siège, qui est nommé par intérim, n’occupe à titre principal la fonction qu’il exerce au nom de l’intérim et dont il n’est pas titulaire. Il ne peut donc pas se prévaloir de l’inamovibilité des juges du siège». Au final, conclut-il dans sa lettre adressée au Groupe africain de l’Union internationale des magistrats, le ministre de la Justice écrit que «l’argument consistant à dire qu’il est inamovible pour trois ans ne résiste pas également à l’analyse dans la mesure où une durée de trois ans est très différente d’une durée qui ne peut en aucun cas excéder trois ans».
A LIRE AUSSI...