Le premier président de la Cour suprême, Mamadou Badio Camara, a répondu aux avocats de l’ex-maire de Dakar qui parlaient de «précipitation» dans le traitement de son dossier. C’était hier à l’occasion de la rentrée des Cours et tribunaux 2018-2019.

Mamadou Badio Camara est rouge de colère. En réaction aux nombreuses critiques, notamment dans des dossiers politico-judiciaires comme les affaires Khalifa Sall et Karim Wade, dont a essuyé la Magistrature, accusée d’être à la solde de l’Exécutif, le premier président de la Cour suprême a remis les choses à l’endroit lors de la rentrée solennelle des Cours et tribunaux. Dans le cas de l’ex-maire de Dakar, ses avocats ont dénoncé «la précipitation» dans le traitement de l’affaire devant la Cour suprême. Très offensif, M. Camara a exprimé d’abord les motifs pour lesquels cette juridiction suprême s’est appuyée pour vider l’affaire de la caisse d’avance. Il dit : «Les contentieux concernant des personnes en détention ont toujours fait l’objet d’un traitement urgent et prioritaire sur les affaires dans lesquelles les plaideurs sont en liberté, attendent à la maison ou vaquent à leurs occupations. Ainsi, le fait de juger une affaire pénale, impliquant des détenus, dans un délai d’environ quatre mois, après le prononcé de la décision attaquée, n’est ni précipitée ni accélérée. Bien au contraire, en d’autres circonstances, on aurait pu considérer que ce délai est excessif. Peut-on attendre d’une Cour suprême qu’elle juge des condamnés à l’emprisonnement ferme postérieurement à l’expiration de leur peine ? Evidemment non. Ce serait même une faute lourde au regard des règles de discipline et de déontologie.» Selon lui, l’affaire a été traitée dans les délais requis par la loi.
Après avoir répondu indirectement aux critiques par rapport à la «rapidité» dans le traitement du dossier Khalifa Sall par la Cour suprême, Mamadou B. Camara a témoigné son soutien et sa solidarité à ses collègues des Tribunaux et des Cours d’appel en charge du recensement des votes à la Présidentielle, mais aussi aux «7 sages» du Conseil constitutionnel «attaqués de toutes parts» après la validation des parrainages. Il assure que «les magistrats sont parfaitement en phase avec leur métier : l’application de la loi sans haine et sans crainte» tout en saluant le rôle qu’ils ont joué dans l’avènement des deux alternances démocratiques survenues au Sénégal. Dans son discours, M. Camara a laissé transparaître que ses collègues et lui ne sont pas ébranlés par ces jugements négatifs. «Nous sommes conscients des menaces à peine voilées que nous prenons au sérieux et des invectives de toutes sortes visant l’institution judiciaire et au-delà toutes les institutions de la République. Les magistrats sénégalais sauront résister vigoureusement à toutes formes de pression et d’intimidation d’où qu’elles viennent. Pour cela, il leur suffit de s’appuyer sur les traditions d’impartialité, d’intégrité et de sérénité», assure-t-il.
Pour sa part, Macky Sall, président du Conseil supérieur de la magistrature, a mis en garde les pourfendeurs de la justice en indiquant que force restera à la loi. Le président de la Répu­blique a estimé qu’il s’agit «d’accusations fallacieuses, perpétuelles, des menaces quasi quotidiennes». Garant des institutions de la République, le chef de l’Etat a soutenu que «l’Etat prendra toutes les mesures qu’impose la situation pour la défense des magistrats de tous les ordres puisque, hélas, notre pays a connu des épisodes douloureux et l’Etat n’attendra pas que de telles situations se fassent à nouveau pour réagir». Et de renchérir : «Vous consacrez toute votre énergie pour donner, en dépit de ces accusations et de la permanence des critiques injustifiées, une crédibilité reconnue à travers le monde. La confiance en à la justice est un élément essentiel dans une démocratie. La remettre en cause, c’est mettre en doute les fondements de la République.» De son avis, personne n’a intérêt à affaiblir la justice de son pays.

La protection de Macky
Dans son intervention par rapport au thème de cette année, à savoir «Protection des données personnelles», le président de la République a remarqué que «de plus en plus il est observé dans l’espace public sénégalais, je devrai dire médiatique, et sur les réseaux sociaux les atteintes d’une particulière gravité à la vie privée des personnes. De pareils faits dérogent à notre légendaire sens de la famille, à notre attachement à la dignité, à la pudeur et au respect de la vie humaine». Toutefois, Macky Sall a appelé les populations à la vigilance et les auteurs de ces dérives à la responsabilité. Par ailleurs, il a décliné ses ambitions pour l’indépendance de la justice sans dire s’il va quitter ou non la tête du Conseil supérieur de la magistrature, comme réclamé par l’Union des magistrats sénégalais. «J’ai l’ambition d’œuvrer à la modernisation de notre système judiciaire afin de le rendre plus accessible, plus fiable et plus apte à garantir l’égalité de tous devant la loi. C’est pourquoi j’ai inscrit la justice au cœur de l’axe 3 du Plan Sénégal émergent : gouvernance, institution, paix et sécurité en vue d’engager les grandes réformes devant permettre à l’institution de jouer pleinement son rôle dans notre quête d’émergence», dit-il. Sur la requête du bâtonnier de l’Ordre des avocats, Me Mbaye Guèye, sur l’aide juridictionnelle, le chef de l’Etat a donné des instructions au Premier ministre. Il a demandé à Mahammed Boun Abdallah Dionne de prendre les dispositions nécessaires pour qu’au plus tard à la fin du mois de février que les arriérés de 300 millions de francs Cfa de cette aide juridictionnelle soient épongés.
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