Affaire Mame Mbaye Niang-Sonko : La Cour Suprême n’ a rien cassé
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La Cour suprême confirme la décision en Appel dans l’affaire Ousmane Sonko contre Mame Mbaye Niang. Ousmane Sonko est définitivement condamné pour diffamation à 6 mois de prison avec sursis et à payer 200 millions de dommages et intérêts au ministre du Tourisme Mame Mbaye Niang. Toutefois, le juge a écarté la contrainte par corps fixée par la Cour d’appel de Dakar. Par Malick GAYE –
La Chambre de cassation a rejeté hier le recours en inconstitutionnalité introduit par les avocats de Ousmane Sonko. Vidant le pourvoi en cassation introduit par la défense, la Cour a confirmé la décision en Appel, qui est une peine de 2 ans de prison avec sursis pour Ousmane Sonko et 200 millions de francs de dommages et intérêts à payer au ministre Mame Mbaye Niang. Cependant, le juge de la Cour suprême a écarté la contrainte par corps fixée par la Cour d’appel de Dakar.
Une affaire politique ! C’était la ligne de défense des avocats de Ousmane Sonko. C’est Me Ousseynou Fall, le premier à s’écarter du Droit, pour expliquer «les persécutions» que son client subit. «Ousmane Sonko est persécuté sans cesse par Macky Sall. Parce qu’il a l’ambition de lutter contre la politisation de la Justice, parce qu’il est arrivé 3ème pour sa première participation à la Présidentielle. Sonko veut combattre la corruption et il est l’avenir du Peuple», a-t-il affirmé pour ouvrir les plaidoiries.
Plus modéré que ses collègues de la défense, Me Bamba Cissé a voulu que le juge statue sur l’exception d’inconstitutionnalité, avant de plaider sur le fond de la cassation. Ce que le président de la Cour a refusé. «Les observations vont être jointes dans le dossier, alors plaidez», lui rétorque le président de l’audience. «La Cour a deux exigences : le pourvoi est-il recevable et la Cour est-elle compétente ? Pour les deux exigences : Oui. Mame Mbaye Niang a comparu en tant que cadre de l’aviation et non ministre. Et dans le moyen, on nous dit diffamation contre un ministre ? Alors, on ne peut pas critiquer un citoyen qui demande des comptes à quelqu’un qui est dépositaire de deniers publics ?», a-t-il déclaré. Avant de demander à la Cour de surseoir à statuer. Et de laisser à l’appréciation du Conseil constitutionnel, conformément à l’article L.22 de la loi organique portant création de la Cour suprême.
Le verbe moins diplomatique, Me Khoureyssi Bâ n’y est pas allé par 4 chemins. «Tout le monde sait que ce procès est la dernière chance pour éliminer Sonko. Cet arrêt ne peut être cassé et renvoyé. Vous allez refuser pour l’ensemble de votre carrière. Je vous connais, personnellement. Alors, pourquoi vous accepterez que notre ami (Président Macky) qui part dans un mois, détruise une vie ?», a-t-il dit au juge.
Plus incisif, Me Youssoupha Camara dit ne pas comprendre la décision de la Cour d’appel, qui a condamné son client à 6 mois de prison assortis du sursis pour «diffamation et injures». Pour la robe noire, Ousmane Sonko n’a jamais injurié Mame Mbaye Niang. «Ousmane Sonko n’a jamais dit que Mame Mbaye est un menteur. Et dans l’arrêt, il est mentionné que Sonko a traité Mame Mbaye de menteur. Ce que Ousmane Sonko a dit c’est : «S’il dit qu’il n’est pas épinglé par un rapport, il ne dit pas la vérité.» Ce qui n’est pas une injure. Parce que celle-ci n’a rien d’outrageant. Donc, nos moyens sont bien recevables. Donc, nous considérons sur ce point de vue, que cet arrêt mérite une information», a-t-il affirmé.
S’agissant de la sanction pécuniaire infligée à Sonko, Me Camara de soutenir que ce dossier est «éminemment politique. Comment dans le dossier Ndiaga Diouf, on accorde à la partie civile 25 millions F Cfa, et pour l’honneur de Mame Mbaye Niang, on met 200 millions ?», s’interroge l’avocat. Avant d’ajouter : «C’est quelle Justice ? Quand on vous demande de régler des problèmes politiques, vous sortez de votre sacerdoce.»
Ce que Me Ousmane Thiam, avocat de Mame Mbaye Niang, balaie d’un revers de la main. «Ces moyens non seulement ils sont nouveaux, mais ils ne sont pas de pur Droit.» Pour lui : «Quelqu’un qui ne comparait pas ne peut pas prétendre à soulever de moyens.» «M. le président, on vous a saisi d’un autre moyen qui ne figure pas dans la décision initiale. Alors, les moyens additionnels soulevés sur la base de l’exception d’inconstitutionnalité, est-ce qu’il a été mentionné dans le dossier ?», s’interroge l’avocat. Avant de dire : non. Donc ce moyen ne peut être accueilli, encore moins recevable. La jurisprudence de 2019 qu’est la vôtre est claire et règle le problème, a-t-il déclaré. Me Thiam de s’attaquer au deuxième moyen soulevé par la défense. «Ils ont parlé de L.399 du Code de procédure pénale qui serait violé. Je pense que ce texte est clair. Si la citation n’a pas été délivrée à la personne du prévenu et s’il n’est pas établi qu’il ait eu connaissance de cette citation, la décision, au cas de non-comparution du prévenu, est rendue par défaut», a-t-il expliqué. «Ce moyen aussi ne peut pas être accueilli, parce que la connaissance a été acquise par le prévenu. La citation ne souffre d’aucun doute», a-t-il détaillé.
A propos du troisième moyen, Me Thiam souhaite qu’il soit déclaré irrecevable. «Parce que la partie adverse, tantôt ils nous parlent d’infraction politique, tantôt c’est un délit de presse, parfois même on nous sert que c’est assimilable à un délit de presse. Nous sommes dans une juridiction de Droit, vous n’avez pas besoin de faire ces dilatoires», a-t-il affirmé. Pour le quatrième moyen, «le juge n’a pas dépassé la peine prévue. C’est une fourchette qui lui a été donnée et c’était entre 4 mois et 2 ans. En se basant sur L.261, rejetez le moyen à défaut de le déclarer irrecevable», a-t-il conclu.
L’Avocat général demande la cassation de l’arrêt de la Cour d’appel
L’Avocat général a demandé la cassation de l’arrêt de la Cour d’appel condamnant Sonko à 6 mois de prison avec sursis et à payer 200 millions de dommages et intérêts.
«Nous avons deux observations : une sur la forme et une autre sur le fond. Pour la première, la question qui se pose, c’est la recevabilité ou non de la requête. Si l’on se fie à L.42 de la loi organique portant création de la Cour suprême, il n’est pas prévu de déposer un mémoire additionnel. S’agissant de L.34, les moyens nouveaux ne sont pas recevables à la Cour suprême. Alors déclarez le pourvoi irrecevable du mémoire produit sur l’inscription d’inconstitutionnalité déposé hors délai», a demandé l’Avocat général.
Par ailleurs, il indique que la contrainte par corps n’est pas applicable au délit de diffamation. Il évoque l’arrêt rendu en 1999 opposant le journal Sud Quotidien à Mimran. Donc, l’arrêt de la Cour d’appel a violé L.711 en fixant la contrainte par corps. «Pour la citation, qui aurait été servie à Sonko, la Cour d’appel ne semble pas avoir justifié le défaut réputé contradictoire», a-t-il dit.
«Pour l’injure, c’est une interprétation abusive de la Cour d’appel quand elle dit que le prévenu a traité Mame Mbaye Niang de menteur. Alors, en définitive, le ministère public demande la cassation de l’arrêt rendu par la Cour d’appel», a-t-il argumenté.
mgaye@lequotidien.sn