Affaire Softcare : NOUVELLE COUCHE DE SCANDALE – L’Arp prise dans ses contradictions : les enquêteurs démentent le communiqué officiel


L’affaire Softcare ne se résume plus à une simple inspection d’usine. Elle révèle aujourd’hui une crise de confiance majeure au sommet de la structure. Entre des rapports d’experts confirmant la présence de produits périmés et une communication officielle qui tente de les minimiser, le secteur de la régulation pharmaceutique est en plein séisme. Alors que des inspecteurs assermentés confirment la présence de matières premières périmées chez le fabricant Softcare, une déconnexion flagrante apparaît entre les rapports techniques de terrain et la communication officielle des autorités de tutelle.
Par Bocar SAKHO – C’est un bras de fer inédit qui oppose désormais les techniciens de terrain à leur hiérarchie politique. Ce qui semblait être une procédure de contrôle de routine est en train de virer au scandale d’Etat. Au cœur de la tourmente : la société Softcare Sn Company Limited, spécialisée dans les couches et serviettes hygiéniques, et la direction de l’Agence de régulation pharmaceutique mise à l’index. L’analyse croisée de trois documents clés publiés ce jeudi met à nu un dysfonctionnement institutionnel profond.
Le point de rupture a été atteint avec la publication d’un «communiqué officiel de l’équipe des pharmaciens-inspecteurs» qui ont mené la mission en question. Ce document, signé par Dr Moussa Diallo (directeur de l’inspection) et ses chefs de service, est un véritable acte de défi professionnel. Les inspecteurs confirment «sans ambages» la présence de matières premières périmées dans le processus de fabrication. Ils affirment que le communiqué précédent de la cellule de communication de l’Arp (daté du 16 décembre) «ne reflète pas la réalité des faits» et qu’il a été publié avant même que leur rapport officiel ne soit finalisé ou transmis. Les inspecteurs maintiennent que le retrait des produits du marché est «irréversible» jusqu’à une mise en conformité réelle. Ils affirment sans ambiguïté que leur rapport de mission -menée en collaboration avec la Gendarmerie nationale- confirme la présence de matières premières périmées dans le processus de fabrication des couches et serviettes hygiéniques. Selon eux, le retrait des produits du marché reste impératif jusqu’à une mise en conformité réelle de l’usine.
Cette dissonance a immédiatement provoqué la colère du Syndicat autonome des médecins, pharmaciens et chirurgiens-dentistes (Sames). Dans une lettre adressée au Directeur général de l’Arp, la section syndicale dénonce une gestion «médiatique et réglementaire» désastreuse. Le syndicat souligne un paradoxe dangereux : alors que l’agence avait suspendu l’entreprise le 8 décembre pour protéger la santé publique, la cellule de communication a opéré un virage à 180 degrés le 16 décembre, sans explication technique préalable. Pour le Sames, cette séquence porte «gravement atteinte à la crédibilité» de l’inspection et de l’image de l’agence devant les citoyens.
Le ministère de la Santé tente de reprendre la main
Face à l’ampleur de la polémique qui enfle et à la menace sur la santé publique, le Ministère de la santé et de l’hygiène publique (Mshp) est sorti de son silence ce 18 décembre pour essayer de reprendre la main. Il annonce une «mission conjointe sans délai», avec le ministère du Commerce, pour arbitrer ce différend. Face aux accusations de dissimulation, le Mshp s’engage à revenir vers le public avec des informations «vérifiées et conformes à la réalité». Le texte promet des «mesures correctives nécessaires» conformément aux principes de justice et d’équité. Il promet de prendre toutes les mesures correctives nécessaires pour préserver la sécurité sanitaire des populations.
Enquête sur une faillite de régulation et un péril sanitaire
Au-delà du risque sanitaire direct lié à l’utilisation de produits d’hygiène potentiellement dangereux, cette affaire pose la question de l’indépendance et de la crédibilité des organes de contrôle. Lorsque les rapports des experts assermentés sont contredits par des communiqués de presse institutionnels avant même d’être finalisés, c’est tout l’édifice de la régulation pharmaceutique qui vacille.
Aujourd’hui, l’affaire Softcare pose une question fondamentale : qui décide de la sécurité sanitaire des Sénégalais ? Les experts assermentés sur le terrain ou les communicants dans les bureaux ? En attendant les résultats de la mission conjointe, le Sames et les inspecteurs restent sur le pied de guerre, rappelant que la protection de la santé publique ne peut faire l’objet de compromis politiques ou commerciaux.
La persistance des inspecteurs à maintenir le retrait des produits du marché souligne la gravité des risques potentiels pour la population, notamment dermatologiques : car l’usage de matières premières périmées dans des produits d’hygiène intime (couches, serviettes) peut entraîner des dermatites sévères, des irritations chimiques ou des infections bactériennes.
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