Affaire Us Ouakam-Stade de Mbour : Non Messieurs les fédéraux, l’arbitre du Tas a tout faux !
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Le Tas vient de donner en appel une décision sur «l’affaire Us Ouakam-Stade de Mbour» qui montre la méconnaissance des réalités de l’environnement de nos sports en général, et de notre football en particulier, par l’instance faitière du football qui, voulant tout régenter, fait même fi de la jurisprudence en la matière.
Ainsi, il ressort de l’analyse de ce retournement que soit le dossier ait été mal défendu ou pas défendu du tout, soit le Tas, notamment l’arbitre désigné, n’a rien compris aux réalités d’un pays dont l’écrasante majorité, la jeunesse, émarge dans la rue et prend de ce fait les joutes sportives comme un exutoire à leur trop-plein d’énergie. Les autorités font face avec les moyens de bord, la police étant souvent dépassée par l’ampleur des événements avec des agressions avant, au cours et après les matchs de foot, de basket et séances de lutte.
Face à cette furie qui n’est pas seulement l’apanage des supporters de Ouakam, mais aussi ceux des écuries de lutte qui sont les plus virulentes, de basket, de régate (qui ont été suspendues pour faits de violence), des sanctions comme celles prononcées lors des incidents dramatiques du match Uso-Stade de Mbour, même si elles semblent très sévères, sont tout à fait salutaires.
Mais que Monsieur l’arbitre, vivant dans un pays où le football est une fête, ne peux comprendre. Il ne s’est même pas posé la question de savoir comment les autorités du football européen et les pouvoirs publics en sont arrivés à pacifier ces espaces de jeu sur le vieux continent.
Alors, nous allons lui rafraîchir la mémoire en reprenant in extenso le compte rendu du «Drame du Heysel» et lui donner la possibilité de remplacer les acteurs et les lieux par les noms des protagonistes des événements qui ont endeuillé tout un pays et laissé des stigmates qui prendront du temps à se refermer, pendant que Monsieur l’arbitre pourra siroter tranquillement sa tequila en regardant les joutes apaisées du football avec ses enfants à Bernabeu, au Nou Camp, à Anfield Road…
«Ce mercredi soir, plus de 60 mille personnes doivent assister à la finale dans l’enceinte du stade du ‘’Heysel’’. Les conditions de sécurité et de confort sont mauvaises, et en raison de nombreuses failles dans le système de contrôle, plusieurs milliers de fans sans billet ont transformé l‘enceinte en boîte de sardines…»
«La tribune des fans des ‘’Reds’’ est séparée du fameux bloc Z par un no man’s land d’une quinzaine de mètres. Vers 19h 10, plus d’une heure avant le début programmé de la rencontre, la tension entre supporters des deux clubs monte d’un cran, se traduisant d’abord à des insultes et des jets d’objets divers. Des fans de Liverpool chargent en direction des gradins du bloc Z qui devaient être occupés par des Belges neutres, mais où se trouvent de nombreux ‘’Tifosi’’ italiens. Quelques gendarmes postés dans un couloir de séparation entre les deux groupes sont rapidement débordés…»
«Vers 19h 20, une centaine d’Anglais envahissent la tribune des Italiens. C’est une prise de tribune, typique de la culture ‘’hooligan’’. Sous la poussée, les Italo-Belges qui n’ont pas l’habitude de ces pratiques réservées jusque-là aux Îles britanniques reculent et se replient vers l’autre extrémité de la tribune, causant une bousculade. En bas des gradins, des portes donnant accès à la pelouse sont fermées. Les forces de police présentes sur la pelouse repoussent même des spectateurs qui tentent de fuir par celle-ci. Le piège est en place. Les grilles de séparation et un muret s’effondrent. Des dizaines de personnes sont piétinées et le bilan est lourd : 39 morts au total dont 32 Italiens, 4 Belges, 2 Français et un nord-Irlandais.»
«A la suite du visionnage des cassettes de caméra et à des dénonciations, 26 supporters britanniques sont inculpés de coups et blessures volontaires avec préméditation…»
«Un an plus tard, le 28 avril 1989, le verdict du Tribunal tombe : 14 supporters britanniques sont condamnés à trois ans de prison, dont 18 mois avec sursis et 60 mille francs belges d’amende (1 487 euros). Onze autres supporters sont acquittés, le plus souvent au bénéfice du doute… Le procès en appel en 1990 confirme les sanctions, aggrave les peines des hooligans et condamne le secrétaire général de l’Uefa, Hans Bangerter, à trois mois de prison avec sursis et 30 mille francs belges d’amende. En octobre 1991, les pourvois en cassation des parties civiles sont rejetés. Le montant des indemnisations avoisinant les 250 millions (6,2 millions d’euros) est réparti entre l’Etat (42,5%), l’Urbsfa (42,5%) et l’Uefa (15%)…»
«La justice belge a condamné lourdement les autorités responsables pour avoir autorisé la tenue d’un match dans une enceinte vétuste.»
«L’Uefa a mis dans la foulée en place toute une batterie de normes strictes, avec obligation des places assises et a interdit pendant 3 ans tous les clubs anglais de participation en coupes d’Europe (la durée sera finalement prolongée à 5 ans après de nouveaux incidents impliquant des supporters anglais lors de l’Euro 88 en Allemagne). Liverpool a été interdit de coupe d’Europe pendant 10 ans, peine finalement réduite à 6 ans.»
Ces décisions, certes sévères pour tous les clubs anglais qui ne «sont que partiellement responsables», ont été salvatrices pour le retour de la discipline et d’une certaine «civilité» dans les stades, surtout en Angleterre. Alors, pourquoi nous refuser cette occasion ? Et qu’est-ce qui a changé depuis le «Heysel» ?
Soit Monsieur l’arbitre est né après 1989, soit il se fout éperdument des vies menacées lors de nos joutes sportives, des conducteurs violentés après les matchs et les combats de lutte, des familles qui n’osent mettre le nez dehors, de la circulation perturbée par des centaines de supporters «hooliganisés» qui «s’en foutent du score».
Monsieur l’arbitre, la sécurité de nos «socios» et de nos familles vaut bien aussi celle de n’importe quelle famille européenne, et ce qui est valable pour elle vaut aussi pour nos pauvres pays.
Messieurs les fédéraux, le «principe de précaution» et «d’ordre public» valent bien une peu de respect et une protestation énergique, même de principe auprès de la Fifa qui, somme toute, aussi puissante qu’elle soit, n’est pas un Etat, alors que vous vous êtes délégataires de pouvoir.
Je rappelle aussi à Monsieur l’arbitre les décisions salutaires des autorités égyptiennes après les incidents aussi tragiques que ceux vécus à «Demba Diop» avec la suspension du championnat sine die et les matchs joués à huis clos après la levée de cette suspension.
D’ailleurs, le rapport du Conseil national des activités physiques et sportives en France sur la «violence dans les sports», publié en 2007, concluait déjà que «violence, racisme, hooliganisme, débordements, mort de spectateurs, mort de supporters, de terribles images que les médias ont portées au bout du monde ont entaché, depuis déjà très longtemps, l’image du sport. Globalement, il n’y a jamais eu autant de prises de conscience et autant de volonté de réagir contre la violence. Selon les milieux policiers interrogés, le seuil de tolérance est de plus en plus faible et les mesures de plus en plus nombreuses» ! Dix ans après, ces conclusions valent aussi pour l’ensemble de nos sports, surtout ceux qui drainent des supporters et font appel à la puissance de l’argent.
Pour prévenir et endiguer ces violences gratuites, il y a certes l’éducation, mais aussi des mesures dissuasives à mettre en œuvre, comme celles prises après le «Heysel» et après les incidents tragiques de «Demba Diop».
Concluons avec ce journaliste marocain sur le football de son pays qui, «naviguant entre un professionnalisme affiché et un amateurisme vécu, continue de jouer avec le feu en laissant la violence s’installer sournoisement à l’intérieur des stades». Et le Tas doit aider les pouvoirs publics à gérer ces phénomènes au lieu de renforcer les fauteurs de trouble et décrédibiliser les instances du football national.
Il est simplement dommage de voir nos dirigeants sportifs, délégataires de pouvoirs, dérouler le tapis rouge à la Fifa en invoquant un faux principe «d’absence de recours» qui n’existe pas dans le droit positif, sauf dans les tribunaux d’exception que le Tas n’est point (vous pouvez interjeter appel de la décision définitive du Tas devant la Cour divisionnaire, mais seulement s’il s’agit d’une erreur de droit et pas d’une conclusion de fait ou demander un réexamen de la décision, dixit «Règlement du Tas»).
Alors, Messieurs, un peu de préférence nationale dans vos rapports avec la Fifa ne ferait que renforcer votre crédibilité et la confiance placée en vous pour mener notre football au pinacle, seul accomplissement qui vous permettrait légitimement, comme Monsieur Hayatou en son temps, de prétendre aux hautes fonctions dans les instances dirigeantes du football africain.
Sportivement !
Colonel (er) Mamadou ADJE
Expert des «Affaires Civiles» et Sportif de cœur et d’esprit
makoumba4@yahoo.fr