La proposition des Etats-Unis, jeudi, d’élargir le Conseil de sécurité avec 2 sièges pour l’Afrique, a semblé surprendre certains. C’était lors de la session ordinaire de la 79e Assemblée générale des Nations unies. Depuis 1945, les Etats-Unis, la Russie, la France, la Chine et la Grande Bretagne composent ce cénacle onusien, très stratégique, grâce au droit de véto. Les choses n’ont pas changé depuis. Tous les continents y sont représentés, excepté l’Afrique.
Cette grande injustice est dénoncée aussi bien au Nord qu’au Sud depuis plusieurs années. Pourtant, le continent ne manque pas d’atouts. Avec 54 Etats indépendants, il est le bloc le plus important des Nations unies avec 28% des voix, contre 27% pour l’Asie, 17% pour les Amériques et 15% pour l’Europe occidentale. En 2020, la moitié des questions inscrites au Conseil de sécurité et 70% de celles inscrites au titre du chapitre VII de la Charte concernaient l’Afrique. Enfin, il est l’un des grands pourvoyeurs de Casques bleus dans les opérations de maintien de la paix, dont 7 sur les 14 se déroulent sur son sol.
C’est pourquoi, en 1997, l’Oua exigeait des réformes en profondeur, en sollicitant 2 sièges dans la «Déclaration de Harare». En 2005, l’Ua avait remis à Kofi Annan une proposition de réforme, dite «Consensus d’Ezulwini», et mis en place un comité «C10», présidé par la Sierra-Leone, et composé de 10 pays, pour travailler sur ses propositions de réformes.
L’Amérique suit aujourd’hui les pas d’autres membres du Conseil de sécurité (France, Grande Bretagne, Russie) pour une représentation africaine. D’aucuns pensent que c’est l’évolution de la géopolitique africaine qui l’incite à infléchir sa position : émergence du Grand Sud, création du Focac (Forum Afrique/Chine), élargissement des Brics+ (Brésil, Russie, Inde, Chine, Afrique du Sud, Ethiopie, Egypte, Emirats Arabes Unis, Iran, Arabie Saoudite) et retrait de la France au profit de la Russie et de la Chine.
L’Ag de l’Onu va se poursuivre jusqu’à la fin septembre, avec le Sommet du futur (22/23) suivi du débat général. Maintenant, pour que la réforme passe, il faut qu’elle soit votée par l’Ag et que la Charte ainsi modifiée (articles 108 et 109) soit ratifiée par la majorité qualifiée des Etats membres dont les 5 membres permanents du Conseil de sécurité. Après quoi, l’Ua décidera (sur la base de critères convenus) de ses 2 candidats. En principe, les critères devront porter sur la bonne gouvernance et la démocratie, la puissance économique, le leadership régional et continental, le poids démographique ou l’engagement dans les missions de maintien de la paix.
Pour le moment, le G4 (Brésil, Inde, Japon, Allemagne), qui souhaite également siéger au Conseil de sécurité, n’a pas encore réagi. Ces pays, il faut le dire, sont des bailleurs reconnus des Nations unies. Par exemple, pour le budget ordinaire de l’Onu (fonctionnement, salaires) pour 2021, la première contribution est celle des Etats-Unis avec 22%, suivis par la Chine, le Japon et l’Allemagne.
Pour le budget des opérations de maintien de la paix et des tribunaux internationaux, les Etats-Unis, avec 28%, sont devant la Chine 16%, le Japon 9% et l’Allemagne 6%. Dans les deux cas, on voit que ni le Japon ni l’Allemagne ne siègent au Conseil de sécurité, alors qu’ils contribuent plus que la France et la Grande Bretagne. C’est paradoxal. En Afrique, les possibles candidats sont, entre autres, le Nigeria, le Maroc, l’Afrique du Sud, l’Algérie, l’Ethiopie, le Ghana, le Cap-Vert, le Sénégal, le Botswana et l’Egypte. Cependant, il y a des craintes à avoir. La proposition américaine sans droit de véto ne risque-t-elle pas de créer des membres de seconde catégorie ? Ne risque-t-elle pas de raviver les rivalités régionales ou entre pays (Egypte/Ethiopie, Algérie/Maroc, Nigeria/Afrique du Sud) ? L’Union africaine sortira-t-elle indemne du processus de sélection ou d’un difficile consensus ? Au G4, pour des questions de rivalités régionales, il est à craindre que la Chine n’oppose un véto à la candidature du Japon au Conseil de sécurité comme permanent. On peut penser à un possible lobbying du Pakistan contre l’Inde, de l’Argentine et du Mexique contre le Brésil.
Ce sont des questions légitimes que plusieurs experts se posent.
La problématique sur les réformes de la gouvernance mondiale sera au cœur du Forum du Cap que nous organiserons en juillet 2025.
Dr Ndiakhat NGOM
Président de l’Institut Transatlantique sur les Coopérations Sud-Sud (ITCSS)
Président du Forum du Cap
ndiakhatngom@gmail.com