En publiant un communiqué qui insiste sur l’assistance juridique accordée à Mme Aïssa Kamara, qui s’en est pris à Macky Sall dans un avion de la Ram à Casablanca, le ministère des Affaires étrangères a donné un cachet diplomatique à l’incident comme il l’a qualifié. Alors que plusieurs témoins parlent d’une agression initiée par Mme Kamara à laquelle a répondu l’ancienne Première dame.
Par Bocar SAKHO – Cela aurait pu être un simple incident rangé dans les «faits divers». Mais, le ministère de l’Intégration africaine et des affaires étrangères a décidé de lui donner un caractère diplomatique, et même national. A bord d’un avion de la compagnie Royal air Maroc à destination de Paris, accompagné de son épouse, Macky Sall a été agressé verbalement par une dame nommée Aïssa Kamara. Agée de 62 ans, elle devait aussi se rendre à Paris, après avoir quitté Dakar et fait escale à Casablanca. Sur les réseaux sociaux, elle a revendiqué son acte en soutenant qu’elle a demandé à l’ex-Président pourquoi il a «tué nos enfants», allusion évidemment aux évènements de mars 2021 et juin 2023 qui rappellent les déboires judiciaires de Ousmane Sonko. «Je n’attendais pas des excuses, mais des explications. Il n’a pas répondu, il a regardé ses chaussures, sa femme a commencé à m’insulter… Je lui ai retourné ses insultes. Puis, les gardes du corps sont arrivés sur moi, de derrière… Et une dizaine d’accompagnants, ils ont…», a-t-elle expliqué après sa libération.
Cette version des faits de Mme Kamara, une militante de Pastef, est contredite par des témoins qui dénoncent sa provocation et son manque de respect envers l’ancien chef de l’Etat. L’ex-Première dame, Marième Faye Sall, qui assume les mots prononcés à l’endroit de «l’agresseur», refait le film de l’incident : «mon mari était concentré sur la lecture d’un bouquin lorsque cette dame l’a violemment pris à partie et taxé d’assassin. Il n’a pas réagi. L’élévation de la voix et le ton outrancier de l’agresseuse (sic) m’ont fait sursauter alors que j’étais concentrée à égrener mon chapelet. J’ai répondu à cette dame à la mesure de l’attaque. J’assume totalement ce geste que je suis prête à recommencer. D’ailleurs, elle doit s’estimer chanceuse que je m’en sois limitée à des paroles. On peut m’insulter, moi. Mais je n’accepte pas que quiconque insulte mon mari», dit-elle. Ses propos ont été transcrits par le journaliste Cheikh Yérim Seck, qui a été chargé de les porter «à la connaissance du public dans le souci d’éviter toute interprétation partiale, voire déformée de l’incident».
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Contrairement à certaines allégations, l’ex-chef de l’Etat n’a pas voulu porter plainte contre Mme Kamara. Elle poursuit : «Il y avait des Sénégalais choqués qui ont spontanément réagi pour fustiger l’attitude de cette dame. Suite à cela, le protocole royal du Maroc, qui nous a accompagnés à l’aéroport, est entré en action, faisant intervenir les Forces de l’ordre. Celles-ci ont demandé au Président Macky s’il voulait porter plainte. Il a répondu qu’il ne porte pas plainte contre une compatriote. Pendant toute la scène, mon mari n’a pas dit mot. Il a, au contraire, œuvré à clore l’incident pour ne pas pénaliser les passagers qui étaient dans l’avion. Aucun garde du corps n’a fait quoi que ce soit. Nous n’avons d’ailleurs pas de garde du corps, l’Etat du Sénégal ne nous en ayant pas donné. Nous étions avec un bagagiste et un agent de protocole. Voilà ce qui s’est passé. Tout le reste est pure affabulation.»
L’ambassade du Sénégal à Rabat vole au secours de Mme Kamara
Mais, le ministère des Affaires étrangères a rajouté un cachet étatique à l’incident en publiant, via l’ambassade du Sénégal à Rabat, un communiqué de soutien à la dame, tout en oubliant de condamner «l’offense» faite à l’ancien Président. «Une ressortissante du Sénégal du nom de Aïssa Kamara a eu une vive altercation avec l’ancien président de la République du Sénégal et son épouse, dans un vol Casablanca-Paris de la Ram (Royal Air Maroc). Elle a été arrêtée et présentée au juge, ce lundi 7 octobre 2024», relate l’ambassade du Sénégal au Maroc. Elle enchaîne : «Informée de l’incident, la ministre de l’Intégration africaine et des affaires étrangères du Sénégal a donné des instructions à l’ambassadeur du Sénégal au Maroc et au chargé d’affaires du Consulat général du Sénégal à Casablanca d’apporter une assistance juridique à notre compatriote. La décision qui a été rendue en ce jour a permis à notre compatriote de recouvrer la liberté et de poursuivre son voyage.»
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Cette sortie a ravivé des polémiques et des réactions outrées de plusieurs personnalités publiques et politiques, notamment ses partisans, qui condamnent ce soutien affiché de l’Etat à l’auteure de l’agression. En banalisant cet acte, cela risque à leurs yeux d’inciter d’autres à imiter Mme Kamara dans d’autres villes du monde. A l’opposé, Mme Kamara a été traitée dans certains cercles comme une héroïne, montrant la fracture sociétale qui ne cesse de s’élargir à cause des positionnements politiques.
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Il faut rappeler que depuis qu’il a quitté le pouvoir à l’issue de ses mandats, l’ancien Président Macky Sall n’a pu encore bénéficier des moyens matériels et humains que la Constitution accorde à tout ancien chef d’Etat. Contrairement à ses prédécesseurs qui, eux, n’ont fait l’objet d’aucune privation, Macky Sall est obligé, pour le moment, de prendre lui-même en charge ses moyens de déplacement et sa sécurité. Tout cela, sans qu’aucune explication ne lui soit fournie.
bsakho@lequotidien.sn