Le Programme d’Achats des aliments locaux (Paa) est mis en œuvre dans la région de Kédougou depuis 2012. Cette phase-pilote et de consolidation va s’élargir aux autres régions du pays. Dans cet entretien qu’il a accordé au journal Le Quotidien le jeudi dernier en marge de l’atelier national sur le projet d’extension du Paa, le directeur du Programme alimentaire mondial (Pam), Guy Adoua explique les nouvelles orientations prises par l’organisation qui fait le pari de s’approvisionner en vivres auprès des producteurs locaux.
Le Pam a installé des cantines scolaires dans plusieurs régions du pays. Quel est l’intérêt de ces cantines et que représentent-elles pour les populations ?
C’est à travers l’éducation que l’on prépare l’avenir d’un pays. Quand les enfants sont bien éduqués, on peut dire que l’avenir du pays est assuré. Mais pour ce faire, il faut que ces derniers, pendant qu’ils sont à l’école, bénéficient de toutes les conditions nécessaires pour mieux étudier, mieux échanger pour qu’à la fin, ils puissent être ce que l’Etat attend d’eux. Le programme des cantines scolaires, est un des éléments à prendre en compte pour s’assurer que les enfants étudient dans des conditions idéales. Quand un enfant mange, il a tout le temps de se concentrer sur ses études, de travailler à la maison, d’échanger avec tout le monde. Comme on dit, ventre affamé n’a point d’oreille. Quand l’enfant ne mange pas, il n’est pas dans les conditions d’étudier. On aura beau investir, on n’est pas sûr que l’enfant est dans les conditions de digérer ce qu’il a appris à l’école. Au-delà de l’éducation, il y a aussi que l’alimentation scolaire, c’est comme un filet de protection sociale. Surtout quand les aliments qui sont consommés à l’école sont produits localement. Cela veut dire que quelque part, les producteurs en amont ont un marché sûr pour vendre leurs aliments qui sont récupérés à l’école. Mais l’alimentation à l’école, c’est aussi corriger les problèmes de santé, de nutrition.
Est-ce qu’il y a beaucoup d’élèves qui viennent à l’école sans manger ?
En fait, le programme cible d’abord les zones les plus vulnérables où il y a des problèmes de sécurité alimentaire. Là où il y a disponibilité d’aliments, le projet s’assure que le surplus est envoyé vers les écoles. Ici, il n’est pas forcément question des enfants qui mangent ou ne mangent pas, mais plutôt de créer un cadre pour que les enfants se retrouvent, qu’ils mangent ensemble et pour mieux étudier. Mais la priorité, c’est là où les enfants ont des difficultés pour avoir ce repas qui devrait leur permettre de mieux étudier à l’école.
Et avec le Paa, ce sont leurs parents qui cultivent ce qu’ils vont manger ?
Le Paa, c’est soutenir, renforcer et encourager la production agricole locale dont une partie devrait aller vers les écoles. On veut avoir des programmes d’alimentation scolaire ou toute la nourriture, tous les aliments sont produits localement. En faisant ainsi, on encourage aussi le développement de la production locale en renforçant les capacités des producteurs, en créant des circuits de commercialisation et en créant les structures pour améliorer l’hygiène des aliments. De façon à ce que l’aliment qui est produit localement, soit de très bonne qualité et que ce produit permette aussi de corriger les problèmes de carences nutritionnelles et au final, avoir une chaine à partir de tout ce qui est produit localement. Nos pays africains sont des pays où la majorité des populations en milieu rural, s’investissent dans les activités agricoles. Ces paysans produisent et ils fondent leur économie sur les activités agricoles. De l’autre côté, si on n’arrive pas à écouler sa production, on est rapidement découragé. Avec ce projet, l’avantage pour nous, c’est qu’on arrive à assurer la commercialisation des produits de ces paysans. Dans le passé, une bonne partie des vivres distribués par le Pam, venaient de l’extérieur. Maintenant qu’il y a un élan de production locale de vivres avec des filières mil, maïs, niébé, patates etc., on va avoir le double avantage de produire et de consommer localement. L’argent qui était utilisé hier pour acheter à l’extérieur est injecté localement et devrait permettre aux populations d’en profiter, de multiplier les activités génératrices de revenus. Et c’est par là que nous allons commencer à combattre les germes de la pauvreté. C’est vers cette direction que nous voulons aller.
Et donc, vous allez étendre le programme vers d’autres régions après la phase-pilote sur Kédougou ?
Les résultats de cette expérience-pilote à Kédougou ont été salués par tout le monde. Il faut donc en faire bénéficier l’ensemble des régions du pays. Nous voulons essayer d’établir une feuille de route en tirant les leçons de tout ce qui s’est passé à Kédougou et en voyant comment amener ça à l’échelle des autres régions. De façon à ce que dans les années à venir, on trouve le Paa dans toutes les régions du pays. Et ça, c’est au bénéficie des élèves comme des petits producteurs dans toutes ces communautés.