L’élimination malheureuse des Lions du Sénégal à la Coupe d’Afrique des nations 2023, face au pays-hote, la Côte d’Ivoire, a été une grosse déception. Les étoiles étaient alignées avec une équipe bien plus puissante sur toutes les lignes que celle qui nous a valu le sacre en terre camerounaise. Le groupe avait une telle cohésion et une parfaite alchimie à évoluer ensemble qu’on ne pouvait pas s’imaginer qu’il y ait des choses qui peuvent le stopper en si bon train, surtout après des phases de groupe menées en cadence de champions, venus défendre leur pot d’or.

Il est une loi immuable dans le sport qu’il n’y a de défaite que pour ceux qui savent «compétir». Les revers viennent des faits de jeu, des actes manqués, des tentatives qui n’ont pas abouti et lors de jours sans. Le goût de l’échec, les meilleurs des athlètes, les plus performantes des équipes le connaissent parce qu’il forge, sert de repère et donne de la force supplémentaire pour d’autres conquêtes. L’échec de l’Equipe nationale du Sénégal en terre ivoirienne, après avoir atteint les étoiles à Yaoundé, est à voir comme une motivation supplémentaire pour ce groupe avec un renouvellement progressif des générations, pour se préparer du mieux aux prochaines échéances. C’est en cernant nos vulnérabilités au rendez-vous ivoirien que la démarche sera consolidée dans les phases éliminatoires au Mondial nord-américain de 2026. Et c’est dans ce même élan que les premiers jalons d’une dynamique victorieuse en 2025 pourront être installés.

Comme dans toute œuvre humaine, on ne peut empêcher les gens de spéculer après un échec et à chercher des têtes à qui faire porter cette responsabilité. Dans cette volonté de trouver un bouc émissaire ou d’incriminer une personne ou un groupe à l’origine de nos maux, la tête du sélectionneur sénégalais commence à être mise à prix dans un processus des plus infamants. On ne peut qu’être meurtri de voir qu’à l’arrivée à Dakar des Lions, un groupe de zélés s’est permis de huer et chahuter Aliou Cissé avec des téléphones à la main pour immortaliser leur indigne forfait. Les actes lâches ont la similarité que les auteurs se pensent en plein droit et sont marqués d’un quelconque courage. Ils occultent le ridicule avec lequel ils s’enduisent à vouloir dépeindre un mal ou jeter l’opprobre. Cet acte de hyènes crieuses, qui ne trouvent d’épanouissement qu’en fonçant tête baissée sur une bête blessée, est regrettable au plus haut point, surtout si on prend pleine mesure de la contribution de Aliou Cissé en tant que sélectionneur du Sénégal cette dernière décennie. D’aucuns me diront qu’il y a des malotrus partout et qu’une forme d’insolence et d’irrévérence que rien n’explique a gagné notre jeunesse en affectant (voire infectant) tout le fonctionnement de notre société, mais on ne peut s’empêcher de pointer l’ingratitude à vouloir cracher sur l’œuvre de Aliou Cissé.

Son travail à la station la plus convoitée du football sénégalais est inégalé. Des records, il en a explosé et a mis la barre tellement haut qu’il sera difficile à tout successeur qu’il aura d’avoir un délai de grâce. En 93 matchs aux commandes de la Tanière, Aliou Cissé affiche une invincibilité sur 80 matchs (59 victoires et 21 matchs nuls). Les revers de l’Equipe nationale de football sous son management sont au nombre de 13. Il nous aura conduits à deux finales consécutives de Coupe d’Afrique des nations en 2019 et en 2021. Cette dernière finale aura permis aux Lions d’offrir le graal suprême à tout un Peuple en février 2022 au Cameroun. Pour bien peu, on voit Hervé Renard porté en légende ultime sur le continent africain pour ses exploits respectifs avec la Zambie et la Côte d’Ivoire sur des piges serrées.

La série de trois années consécutives à la tête du classement Fifa en Afrique et les participations à deux phases finales de Coupe du monde (2018 et 2022) attestent d’une constance et d’une méthode qui peuvent faire des heureux, comme elles drainent aussi des foules d’opposants. Une rigueur et un sérieux ont pu être instaurés dans la Tanière, faisant comprendre à tout joueur qu’il y a l’écusson du Sénégal, brodé au maillot qui dépasse toutes nos personnes et est au-dessus de tout ego et état d’âme. Cet état d’esprit, Aliou Cissé a su le mettre dans la Tanière et beaucoup de composantes du pays seraient bien en droit de s’en inspirer ! Aliou Cissé a su, face à l’adversité et tous les procès d’intention, protéger l’Equipe nationale de tous les démons qui, dans son passé de joueur, ont miné le football sénégalais et l’ont empêché d’être performant. Il a toujours pu, face aux médias, avoir le mot juste, rester droit dans ses bottes, sans aucune forme de compromission, tout en apportant éclairages et explications là où il fallait. Face à la provocation et aux actes de sabotage, il a su se taire, battre en retraite et surtout économiser ses forces pour répondre par les actes et remplir son tableau de chasse de victoires. Si c’est d’un tel sélectionneur que le Sénégal ne veut plus, elles feront foule les nations d’Afrique et d’autres continents à vouloir l’employer pour que son modèle de gestion y fasse tache d’huile.

En tant que Peuple, nous excellons à vouloir demander des comptes, exiger des performances et un label qualité, tout en refusant d’accepter que les bonnes choses se construisent dans un temps long. La victoire des Lions au Cameroun s’est bâtie sur toute une décennie. A l’heure où les colonnes solides sont mises en place avec une sélection prête à conquérir plusieurs titres, le pire des schémas serait d’affaiblir le premier dépositaire de toute cette réussite.
Les détracteurs de Aliou Cissé, qui crient avec les loups, étaient bien aphones quand celui-ci, dans la dignité, taisait des arriérés de salaires à la tête de la sélection pour ne laisser prospérer aucun facteur de déstabilisation de son groupe. Je n’ai pas en mémoire, un sélectionneur étranger auquel le Sénégal a dû un tout petit franc.

On n’empêchera pas une société de crabes de tenter de faire tomber à tout prix le premier d’entre eux qui, par accident ou impertinence, tenterait de sortir ses pinces du panier. C’est aussi ça quand la haine de soi est têtue et tenace. C’est également ça quand on ne veut que nul ne brille sous le soleil. Ironie, c’est dans un des pays où on aime crier partout la nécessité de porter tout haut nos héros qu’on descend tout fils qui a la chance de se faire une légende dans son œuvre et par ses actes.

Pour tout ce que Aliou Cissé a fait et fera pour le football sénégalais, la gratitude, en tant que supporter inconditionnel des Lions, lui est infinie. Pour haïr après avoir aimé, c’est qu’en réalité on n’aura jamais aimé. Jerejëf Aliou, garde la tête haute et que ta couronne de Lion ne glisse jamais au bal des hyènes.
Par Serigne Saliou DIAGNE / saliou.diagne@lequotidien.sn