Dans cette seconde partie accordée au journal «Le Quotidien», l’édile de Guédiawaye indique la manière dont il prépare les échéances électorales à venir, la question du futur Premier ministre, et ses ambitions à venir une fois la bataille de la mairie remportée. (SUITE ET FIN)Sur la bande des filaos, l’Union des magistrats sénégalais (Ums) a obtenu 4 ha offerts depuis 2018 par le président de la République. Seulement, le décret de déclassement oblige à réaliser une étude d’impact environnemental, pas réalisée jusqu’ici. Avez-vous interpellé l’Ums sur ce manquement ?
Je n’ai pas à interpeller l’Ums. Au contraire, j’ai aidé l’Ums à s’implanter, parce que ce sont des hauts magistrats, la classe moyenne, pour ne pas dire des gens aisés. Moi, je veux avoir ici des magistrats, des médecins, des gens qui ont des revenus, pour créer une mixité sociale. Donc, j’encourage des gens d’un certain revenu à venir s’installer, de la même façon que je défends des populations démunies à avoir accès à la bande.
En respectant le droit quand même…
Je suis d’accord mais moi je n’ai pas donné. Il faut le demander à l’Etat qui a donné, aux Eaux et forêts. Ce n’est pas moi qui applique l’étude d’impact environnemental. N’étant pas propriétaire du foncier, rien ne me donne les compétences pour interpeller qui que ce soit pour une étude d’impact environnemental. En revanche, quand une entité bénéficie d’un espace, je l’accompagne à avoir de l’éclairage, des routes, à respecter le cadre de vie…
Comment vous préparez-vous pour les élections locales du 23 janvier 2022 ?
Depuis 2 mois, je suis quasiment 6 jours sur 7 dans ma mairie et dans ma ville, parce que je ne prends pas ces élections à la légère. Même si j’ai fait un bilan avec mon équipe et que je suis à l’aise pour le défendre. Je sais qu’une élection n’est jamais gagnée d’avance. Il faut présenter le bilan aux gens et leur dire ce que vous leur proposez demain. Mais au-delà de tout, il faut qu’ils vous voient, vous sentent. Je suis dans ce train au quotidien. Etre dans un parti au pouvoir, ce n’est pas facile. Nous avons vécu des investitures très difficiles, pour choisir les têtes de liste et concevoir ces listes. Cela a créé beaucoup de frustrations et de mécontentements. Mon devoir en tant que patron de la coalition dans ce département est d’apaiser tout cela. C’est un travail hardi. Tous les jours, je suis là au plus tard à midi et je reste jusqu’à minuit, voire une heure du matin, pour rencontrer les gens, les notabilités. C’est un vrai travail et c’est comme ça que je prépare les élections. Pendant le mois de décembre, nous allons, sans dévoiler des secrets, rencontrer toutes les forces vives de Guédiawaye pour présenter notre bilan et décliner nos perspectives, parce que la campagne ce sont 15 jours et ce n’est pas beaucoup de temps. Si tu attends la campagne, tu ne peux pas voir les gens. Nous sommes sur le terrain. Nous occupons le terrain.
Lors du choix de Lat Diop comme candidat à Golf Sud, vous avez traité Néné Fatoumata Tall de «khouss ma niap». Cette déclaration va-t-elle dans le sens de l’apaisement ?
D’abord, je n’ai pas choisi, c’est le président de la République, même si j’ai très tôt affiché mon soutien à Lat Diop à Golf Sud. La politique est une affaire de combinaisons. Quoi que l’on puisse dire, Néné Tall et Aliou Sall, c’est la même famille politique. C’est un accompagnement de très longue date. Il n’y a pas de militants de Néné Tall et de Aliou Sall. Nous avons été ensemble à toutes les batailles, nous avons traversé toutes les difficultés et nous avons gagné ensemble toutes les batailles politiques. Donc elle et moi, c’est pareil. Mais en face de nous, il y avait Lat Diop. Aujourd’hui Lat est complètement intégré. On ne peut pas tout prendre et laisser Lat Diop en rade. Ce ne serait pas rationnel ni le meilleur moyen de rassembler toutes les forces. Evidemment, Néné Tall a le profil pour diriger la commune de Golf Sud. Elle mérite même plus que ça. Il y a des gens qui l’aiment bien, son entourage et tout, les militants que l’on partage n’étaient pas contents. Mais en politique, les choix sont extrêmement durs. Aujourd’hui, je suis heureux de constater que non seulement Néné Tall a compris le choix du Président et a dépassé cette étape de frustration. Elle est complètement engagée avec moi, Lat Diop et les autres responsables, pour qu’on gagne les élections locales le 23 janvier 2022 d’autant plus qu’elle a accepté et j’en suis très heureux, d’être ma directrice de campagne.
Vous aurez en face de vous Ahmed Aïdara…
(Il coupe) J’aurai en face de moi 5 candidats.
Personne ne sort du lot ?
Je ne juge pas mes adversaires. Je les prends tous très au sérieux. Mais je préfère me concentrer sur ma campagne et celle de Benno bokk yaakaar.
Des membres de la coalition Yewwi askan wi soupçonnent Malick Gakou d’être en connivence avec le pouvoir. L’avez-vous approché ?
Franchement, pour dire la vérité, cela fait au moins 6 mois que je n’ai pas vu ni appelé au téléphone Malick Gakou. Ce n’est pas parce qu’il y a un malaise, non au contraire. Je le prends comme mon grand frère. On a des relations fraternelles, correctes, mais c’est mon adversaire politique. Mais ces derniers mois, je suis concentré sur la nécessité de gagner encore. Donc, je ne peux pas me concentrer sur ce que pense mon adversaire ou ce qu’il fait. Je pense à ce que je dois faire pour gagner et non sur les problèmes de mes adversaires. S’ils ont des difficultés, ce sont leurs problèmes. Malick Gakou, depuis qu’il n’est plus dans la coalition et a créé son parti, je le considère comme un membre de l’opposition. La preuve, il a même tenté de présenter sa candidature à la Présidentielle de 2019. Donc, c’est un adversaire politique. Mais je ne considère pas l’adversité politique comme une bataille d’ennemis. C’est pourquoi je fais toujours des efforts d’entretenir des relations correctes et même régulières avec des adversaires. Sinon, c’est la catastrophe : si on est tous de Guédiawaye et qu’on ne sait pas se parler… Quand Balla Gaye doit aller lutter et qu’il doit y avoir une mobilisation départementale, vous ne pouvez pas imaginer toutes les forces qui doivent aller ensemble. En ce moment, on ne voit plus de Malick Gakou ou Aliou Sall. C’est avec toute cette jonction que nous le soutenons. Je parle de Balla Gaye, mais c’est valable quand c’est Gfc qui joue. Donc nous sommes obligés de travailler ensemble sur des sujets précis, mais nous sommes des adversaires politiques. Je souhaite, comme j’ai eu toujours à le dire, qu’il rejoigne la majorité, parce que sa place n’est pas dans l’opposition. Il faut qu’on se dise la vérité, ce n’est pas son style. J’étais meurtri quand je l’ai vu dans une manifestation courir avec des bambins. Malick Gakou mérite mieux que ça. Il a des choses à offrir à son pays et je pense qu’il doit venir. Je suis sûr qu’il serait plus à l’aise avec nous qu’avec certains radicaux qui veulent mettre le pays à feu.
Qui sont-ils ?
Vous les connaissez, je n’ai pas besoin de les citer.
Craignez-vous que la campagne à venir soit émaillée de violences ?
En tout cas nous, notre mot d’ordre est que chaque fois, dans un endroit où on nous annonce la présence d’un adversaire, on va éviter d’y aller. On va éviter de faire des manifestations devant les domiciles de nos adversaires.
C’est valable pour Guédiawaye ou partout ?
Je parle de Guédiawaye. Quand il y a un évènement non politique, si j’apprends la présence d’un adversaire, je vais attendre qu’il parte pour me rendre là-bas. La violence ne m’arrange parce que je pense que je suis majoritaire. Donc, je ne veux pas de violence, je ne l’incite pas et je dis à tous ceux qui m’aiment et sont avec moi vraiment de ne pas répondre aux provocations, ni aux insultes, aux attaques, même physiques. Il faut faire le poltron parce que nous, c’est la paix qui nous arrange.
Donc vous allez signer la charte de non-violence ?
Absolument !
Le Président Macky Sall engage la coalition Benno bokk yaakaar à signer cette charte…
Je n’ai même pas suivi la déclaration du Président mais ça ne m’étonne pas. Quand des gens qui ne sont pas politiques disent vouloir une charte de non-violence, c’est tellement évident que tous les acteurs doivent signer ça. Un avis contraire est irrationnel.
Ousmane Sonko a dit qu’il ne va pas signer cette charte ?
C’est son problème !
Pour l’opposition, c’est le pouvoir qui exerce la violence
Les Sénégalais ne sont pas dupes. Ni vous ni moi ne pouvons tromper les gens qui sont des observateurs et suivent ce qui se passe dans le pays. Ils sont juges. Il ne faut pas croire que les gens peuvent dire des choses et être crus comme ça. Dire que c’est le pouvoir qui exerce la violence, c’est exprimer ce que l’on souhaite que les gens pensent, mais ce n’est pas évident que les gens vont gober cela.
Durant la rencontre entre le Président Sall et le Cadre unitaire de l’islam au Sénégal, la semaine dernière, la question d’une amnistie pour Khalifa Sall et Karim Wade a été agitée. Etes-vous pour ou contre ?
Ce sont des sujets sur lesquels je ne souhaite pas me prononcer.
Sur la question du Premier ministre il y a beaucoup de spéculations sur le meilleur profil à ce poste. A un moment, Aliou Sall avait dit qu’il ne s’interdisait que le poste de président de la République, mais n’écartait pas même un poste de Premier ministre. Serait-ce maintenant le moment pour Aliou Sall de briguer ce poste ?
Pour vous dire, je ne suis candidat à aucun poste nominatif. Même si on me le proposait, je ne le prendrai pas. Ça je vous l’affirme. En ce moment, aucun poste nominatif ne m’intéresse.
C’est drôle parce qu’à une époque il était dit que le Président ne nommera jamais Aliou Sall. Mais on a vu qu’il l’a fait…
Heureusement qu’il l’a fait. Moi, j’avais un défi, c’est de dire qu’il l’a dit, mais que ce n’est pas juste. Aliou Sall est un citoyen, même si il est frère du président de la République. J’ai droit à tout ce à quoi un citoyen à droit y compris à être nommé. C’est révoltant qu’on me dise que tu ne vas pas avoir accès à un poste. Ce n’est pas normal. Ne serait-ce que d’avoir été nommé directeur de la Caisse de dépôts et de consignations, était une satisfaction pour moi. Ce n’est pas normal qu’on dise de quelqu’un il ne doit pas être nommé. Mais je vous affirme qu’en ce moment, ça ne m’intéresse pas d’être nommé à quelque poste que ce soit. Et si on me le proposait, je déclinerais poliment.
En banlieue, beaucoup de jeunes n’ont pas d’emploi. Quels leviers avez-vous mis en place pour permettre à ces jeunes de trouver un emploi ?
La question de l’emploi est une question très difficile. L’Etat a fait beaucoup d’efforts, en matière de promotion de l’entreprenariat, en matière de financements de l’Emploi. Et ça a donné des résultats. Rien que la convention Etat-employeurs permet aujourd’hui a beaucoup de Pme de recruter des jeunes qui autrement ne seraient jamais recrutés. A notre niveau, ce que nous pouvons faire réellement, c’est d’abord de promouvoir l’employabilité. En mettant en place une plateforme d’information en rapport avec l’Etat, pour que les jeunes qui veulent se former à des métiers puissent avoir l’information. Et nous avons réussi à le faire à travers notre direction de l’Education qui a établi des partenariats avec beaucoup d’établissements de formation.
Nous allons faire du prochain mandat, un mandat d’économie. Parce que quand vous voulez faire une ville de service, quand vous voulez faire de Guédiawaye un hub médical, quand vous voulez faire un pool de service pour tout ce qui est transport, autrement dit développer l’artisanat et l’automobile, la mécanique, la tôlerie, la peinture etc. mais aussi les métiers de l’esthétique, vous créez un bassin d’emplois. C’est cela notre rôle. Mais nous ne pouvons pas recruter les jeunes. Mais l’emploi des jeunes sera un axe prioritaire parce que nous sommes entièrement sensibles à la question de la jeunesse.
Etes-vous pour un statut pour le maire ?
C’est notre bataille. La situation de maire au Sénégal c’est inadmissible. Comment pouvez-vous comprendre qu’un maire qui a deux mandats, trois mandats, je connais des maires qui ont cinq mandats… Ça veut dire 25 ans voir 30 ans de sa vie, le gars s’est consacré à sa mairie. Il termine sa carrière, il n’a pas d’assurance maladie. Moi qui vous parle, je n’ai pas d’assurance maladie. Pensez-vous que ça c’est normal ? Alors que je travaille pour les populations. Je n’ai pas de retraite, pensez-vous que ça c’est normal ? Je n’ai aucune protection juridique, c’est-à-dire que si je sors et qu’on m’agresse, je suis traité de la même façon que tout autre citoyen, même si je suis plus exposé qu’un ministre de la République. Donc c’est tout ça, le statut de l’élu et du maire. Et ça c’est une bataille qu’il faut continuer à mener et qu’il faut gagner.
Mahmout Saleh a dit, parlant de ces Locales, qu’elles vont déterminer la question du 3ème mandat…
Moi, je ne parle pas du 3ème mandat. (Rires) Je suis interdit de parler du 3ème mandat, je n’en discute pas, je ne donne pas mon avis…
Vous n’êtes pas nommé, vous pouvez donner votre avis !
Non ! Il ne s’agit pas d’être élu ou nommé. Ce n’est pas par peur de sanctions. C’est une question d’appartenance politique. Etre dans une formation politique, c’est renoncer à une certaine liberté. Je suis dans un parti, il y a un mot d’ordre, je le respecte. Point !
Propos recueillis par Abdou Latif MANSARAY, Babacar G. DIOP,
Mohamed GUEYE – latifmansaray@lequotidien.sn –
mgueye@lequotidien.sn – bgdiop@lequotidien.sn