Il y a beaucoup de gens qui font du bien autour d’eux, de façon conjoncturelle, ou presque par hasard, mais qu’on ne peut pas caractériser comme des hommes de bien. Me Alioune Badara Cissé faisait partie de cette race d’hommes auxquels on ne pouvait penser sans un cortège de notions comme le Bien, la Justice et l’Equité. Le jour où il a été nommé médiateur de la République, je me suis fait cette remarque silencieuse : voilà que, par les sinuosités d’une histoire presque lisible d’avance, A B C, (comme tout le monde avait fini par l’appeler affectueusement) vient d’occuper, au cœur de la Cité, la place qui le fait coïncider avec son propre concept, comme Hegel disait de Napoléon qu’il incarnait l’idée de la grandeur.
Et d’ailleurs, dès sa désignation comme ministre des Affaires étrangères, il n’a jamais cessé de figurer le relationnel, pont jeté entre le même et l’autre. La Convention des Saint-Louisiens, dont nous avons été les cofondateurs (avec Saër Niang et quelques autres), peut en témoigner abondamment.
Je ne retiendrai qu’un seul souvenir qui m’a particulièrement marqué. Comme il ne m’appelait jamais que «Professeur» ou plus affectueusement «Grand bi», j’eus à le prendre en aparté dans une chambre de chez Saër (qui avait l’habitude de nous inviter autour d’un festin la nuit du Laylatul Khadri), alors que la rumeur publique lui prêtait une décision grave qu’il était sur le point d’entreprendre. J’ai réussi à faire comprendre à ce patriote, nourrissant une passion tyrannique pour sa ville et son pays, qu’il ne saurait être question de poursuivre son dessein. Le cadeau qu’il me fit fut acté dès le lever du soleil.
Après les Pr I Pierre Ndiaye et Moustapha Sourang cette année, voilà une autre étoile lumineuse qui s’efface du ciel de Saint-Louis, du Sénégal et de l’Afrique.
Pr Mamoussé DIAGNE