Allez, un gougnafier au Palais
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Je découvre avec gourmandise un député, récemment, dont le rude accent du Baol et la désinvolture malmènent la langue française pour nous annoncer sa candidature et brosser une esquisse de programme. Ben, pourquoi pas ? Ma seule certitude, si d’aventure il se fait élire le 2 avril 2024 au terme d’un marathon électoral de tous les diables, c’est qu’on ne s’ennuiera pas une seconde durant les cinq prochaines années…
Je ne sais pas par quelle magie ce brave homme se retrouve au Parlement, on me dira toujours que c’est au même moment que Guédiawaye plébiscite Ahmed Aïdara, devenu par la magie des urnes son député-maire…
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Donc, pourquoi ne pas y croire ? Il y a des chances… Premier écueil : lorsque son dossier atterrit sur la table de l’austère juge constitutionnel, au moment de signer au bas de la page, au regard de ses hésitations, il y a comme un doute : malgré ses lunettes cerclées d’or, Aladji Cheikh Candidat sait-il lire et écrire ?
Pour en avoir le cœur net, après concertation, les augustes juges décident de lui faire passer un test : ça ne le tuera pas de se pencher sur une dictée, quelques questions en histoire et géographie, une dissertation, un peu de maths et de sciences naturelles.
Puisqu’au Conseil constitutionnel, on n’a pas que ça à faire, un planton se dévoue pour aller chercher les épreuves de la dernière entrée en sixième que sa benjamine garde au fond de son cartable…
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Ils ne savent vraiment pas à qui ils ont à faire, ces juges ? Un politicien sénégalais, ça sait contourner les embûches… Le jour du test, c’est le sosie de Aladji Cheikh Candidat qui se pointe : il aura déniché à la dernière minute, un demi-frère des villes qui arbore la même bouille de déluré que lui, à la différence que leur polygame de paternel à l’affection sélective tient à ce que le frangin «dôm’ou madame» ait des urbanités et des humanités : il est donc un pur produit des écoles catholiques, tandis que Aladji Cheikh Candidat le «dôm’ou sokhna» de la brousse se coltine toute son adolescence un oustaz fruste à la chicotte prompte quand il n’est pas sous le soleil dans les champs à planter des cacahuètes.
C’est donc le moment de réparer l’injustice paternelle : le frérot s’y colle… Manifestement, ce n’est pas tous les jours qu’il s’affuble d’un sabador sur son tiaya, d’une chéchia et de marakiss ! Il passe les doigts dans le nez le test élémentaire, et le tour est joué.
Justement, à propos de doigts dans le nez : c’est le moment de sermonner Aladji Cheikh Candidat… Une fois qu’il sera élu, il lui faudra perdre cette habitude d’aller chercher ses crottes de nez avec l’index avant de les rouler avec le pouce et les balancer d’une pichenette aussi loin que possible.
Feu Son Excellence Bruno Diatta n’étant plus de ce monde, on va avoir du mal pour le dégrossir au Palais… Pour commencer, il devra bien prononcer un mot capital… Aladji Cheikh Président, répétez après moi : ci-vi-li-sé, on ne dit pas «silwissé».
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Pisser accroupi face à un arbre, aussi, faudra également qu’on lui explique que ça ne se fait pas au Palais, malgré l’abondante végétation et les majestueux arbres. Même si les Gardes rouges ceinturent les alentours et que le chef du protocole cherche des trésors de diplomatie dans son vocabulaire pour divertir l’ambassadeur du Japon venu présenter ses lettres de créances. Y’a des toilettes pour ça…
Ben oui, finalement, c’est au terme d’une âpre bataille que le Peuple le plébiscite face à un haut fonctionnaire qui connaît l’Etat sur le bout des doigts, mais que son accent d’Oxford perd à la veille du vote. On ne veut pas d’un toubab au Palais, désormais, dites donc Aladji Cheikh Président.
Tout de suite après la prestation de serment, la garde doit s’interposer : il y a quatre belles-familles qui veulent en découdre et une cinquième anonyme qui s’estime heureuse d’être présente à la cérémonie et regarde toute cette négraille bigarrée et furieuse de haut…
La question qui fâche : laquelle des épouses est la Première dame ? Comprenez, qui va occuper le Palais… Devant les risques de tuerie, on fait venir un architecte, ventre à terre qui, en trois coups de crayon, aménage un p’tit village face à Gorée, capable d’accueillir la tribu : la placide première et ses dix marmots, la diabolique deuxième et ses cinq moutards, la sulfureuse troisième et ses trois bambins, l’ingénue quatrième et son interminable série de jumeaux.
Quant à la mystérieuse cinquième, qui est sur le point de mettre bas, on en est à se demander s’il ne faut pas déloger d’autorité le Premier ministre du Petit Palais sur la Corniche pour l’y installer royalement.
Vous comprendrez que c’est la favorite de l’heure, n’est-ce pas ?
Aladji Cheikh Président, vous le remarquerez, ne blague pas avec la bagatelle. On peut quand même s’inquiéter : à quel moment trouvera-t-il du temps pour expédier les affaires courantes de la République ?
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Cela dit, il faudra procéder à quelques réajustements sans grande importance : on ne se mouche pas avec les doigts pour taper par terre la morve, surtout dans les couloirs du Palais au parquet astiqué. Cracher par terre en Conseil des ministres, non plus, ça l’affiche mal. Le Premier ministre a mieux à faire que de repasser la serpillière après chaque rendez-vous hebdomadaire.
Si Aladji Cheikh Président peut éviter de roter bruyamment avant de lâcher son «Alhamdoulilah» en présence des étrangers, ce serait pas mal. Eternuer avec un cri proche du kiaï, ce serait assez bien.
Ne pas péter, c’est encore mieux.
On ne le lui dira jamais assez, il nous honorerait grandement de porter ses chaussures en toutes circonstances : les orteils présidentiels en éventail et à ciel découvert, c’est aussi une question de souveraineté nationale et de dignité de la République.
Dernière recommandation quand même pour les prochaines années : même si notre pays devient sous peu producteur de gaz et de pétrole, ce ne sera pas une raison pour aller prier tous les vendredis à La Mecque.
L’avion présidentiel n’est pas fait pour ça…
Parions que pour les cinq prochaines années, le tube le plus diffusé sur les ondes sera «Aladji, kou la bayi ?».
Par Ibou FALL
1 Comments
Vos « sénégalaiseries » sont franchement des chefs-d’œuvre. Je vous tire mon chapeau et bonne continuation!!!