Alter ! Rappelant le titre du recueil de poèmes de mon ami Dario Pellegrini, Français bien provençal mais ô combien Toscan flânant sur les petits chemins de traverses des Alpilles. Plus que géophysique, la Méditerranée est un carrefour culturel permettant le brassage des langues et cultures, donnant ainsi des accents tantôt graves tantôt aigus, mais ô combien lyriques. Notre France recèle de potentialités que l’on se doit d’étaler au regard du monde. Mais alors et pourquoi ce refus de l’Autre, de l’Alter, du voisin de peau non point laiteuse mais bien mate ou noire d’ébène. L’esthétique est blonde aux yeux bleus, elle est aussi mate et noire d’ébène. Universelle, elle est aussi incarnée par la jeune Astou française d’ethnie Wolof, d’une beauté d’ange se promenant dans les ruelles du Midi, aidant la vieille dame à traverser la rue. Polie, elle a été éduquée à des valeurs de solidarité et de respect de l’aînée. Non pas d’indignation sélective ! Il est vrai que les Ukrainiens ont mal, cette tragédie ne doit point aussi occulter les maux des jeunes palestiniens. Que l’on se rappelle l’été 1914, les zouaves, Tirailleurs algériens, Tirailleurs sénégalais et Goumiers marocains débarquant aux ports de Sète et de Marseille. Il est à rappeler que la boue, les bombes, les canons du Chemin des Dames n’étaient point blancs ni noirs, mais bien gris pour ces vaillants soldats frères d’armes et d’âme ! Doit-on confier la destinée de la France à cette famille rétrograde… ? Doit-on se résigner et laisser une famille française prétendue de souche nous jouer une mauvaise comédie ? Imaginez un seul instant, à l’occasion des Jeux Olympiques de Paris 2024, que le vétéran tirailleur sénégalais Omar Dème reçoive la flamme olympique des mains de Marine Le Pen ! Quelle souillure face à l’Histoire !
Point de crainte Astou : la Gauche mitterrandienne, celle de la marche pour l’égalité des années 80, va se réveiller et s’unir pour un idéal commun, celui de paix et d’amour partagé. Le Rassemblement national d’aujourd’hui est issu de cette famille Le Pen du Front national d’hier ; oublieuse des tragédies historiques partagées, oublieuse d’une humanité si généreuse, oublieuse d’un monde ethnicolore, d’une France ô combien plurielle et cosmopolite, ne doit point nous gouverner ! Oui pour une ligne Maginot face à l’extrémisme de tout bord ! Que l’on donne le mot aux troubadours, gnawas et griots. Procédant du verbe, en bons passeurs de sens et de rêves, ils sont de véritables tisserands de liens sociaux, de mythes et d’imaginaires collectifs. Laissons les enfants s’émerveiller de leuk le lièvre, de l’âne du Clapas et des Alpilles. Métèque et noire, son voisin est amazigh et celui d’en face est occitan et provençal ; Astou adore l’igname et le pistou, elle n’aime pas le jambon, même de Bayonne, servi à table au banquet royal, que dis-je républicain, elle préfère en un temps être végétarienne. Qu’elle continue d’inviter son amie Charlotte et sa camarade Leïla, «la douce France» leur appartient.
Ni faire-valoir ! Ni bouc-émissaire, la nouvelle génération française fait maintenant de plus en plus du «Homecoming». Ils ont pour nom Farid ! Lahat ! Et même Jules, Lucas et Gaëlle les suivent et traversent en sens inverse la Méditerranée. Oui, là-bas, dans cette belle Langue de barbarie, ils seront dans un terroir paisible ! Oui, là-bas, l’Autre c’est lui, c’est elle ! C’est nous ! C’est Vous et moi ! Restez ! Ne partez pas, on aime vos tam-tams et balafons, les festivals du Sud arrivent ! Il nous faut remplir les arènes. Restez ! On adore vos muscles, il nous faut gagner la Coupe d’Europe de foot et remporter des médailles aux Jeux Olympiques de Paris 2024. Il nous appartient de mettre en place un observatoire de l’altérité afin d’alerter et de prévenir les traumatismes des jeunes face à cette bête immonde qui monte ; de créer des digues et passerelles par des actions citoyennes de proximité, pour installer dans nos cités des atmosphères paisibles. Il s’agit de la prise en compte de l’autre en tant qu’identité culturelle pour ainsi construire un mieux vivre-ensemble.
Habillé en tirailleur sénégalais avec mon ami Alexandre, toubab, je mettrai mon bulletin dans l’unique urne qui vaille les 30 juin et 7 juillet, celle de l’altérité, celle où l’étranger n’est point étrange ! Eh oui Astou, point de crainte ! Ni de Charles, ni de La Tour ! Mais bien Ismaël, Backa, Alexandre ! Charlotte ! Et c’est maintenant ; et pas après !

Mbaye Babacar
Sociologue-Expert en ingénierie culturelle et de coopération internationale