Le temps s’est arrêté hier à Yoff et Cambérène où les fidèles ont passé la journée à pleurer le décès de Serigne Abdoulaye Thiaw Laye.Par Babacar Guèye DIOP

– Les scènes sont d’une tristesse absolue. Abasourdis par la nouvelle, les fidèles se prennent pour la plupart la tête, ont le regard dans le vide, comme si le sol se dérobait sous leurs pieds. Dans la cour de la résidence du khalife général des Layènes à Yoff, les dizaines de fidèles, toute génération confondue, racontent les bienfaits du défunt Serigne Abdoulaye Thiaw Laye, rappelé à Dieu dans la nuit du lundi. Vêtues de blanc, les femmes égrènent leur chapelet. L’ambiance est lourde. Sur leur visage se mêlent les sentiments de mélancolie et de tristesse.
Il est 19h hier, soit 24 h après la disparition du Baye Ablaye, comme l’appellent affectueusement les Layènes, la maison mortuaire rythme aux chants à la gloire de Dieu. A cause du Covid-19, l’accès au domicile du défunt khalife est restreint. Les visages sont fermés, les mines renfrognées et les corps lourds. Tous pleurent et regrettent la perte d’un homme aux «multiples dimensions, un grand messager de la parole du Mahdi et un infatigable promoteur du dialogue inter-confrériques et islamo-chrétien».
A 95 ans, Serigne Abdoulaye Thiaw Laye, 5ème khalife de Seydina Limamou Laye, laisse derrière lui une communauté profondément sous le choc. Il a été enterré hier à Cambérène, à côté de son père Seydina Issa Laye, premier khalife de Seydina Limamou Laye. Dans cette commune, les fidèles encore groggys après la nouvelle se sont déplacés en masse dans la cité centenaire depuis 2014 pour se recueillir dans le mausolée du disparu. «La ilaha ilala, la ilaha ila lala», scandaient en chœur des centaines de fidèles, armés de foi et de dévotion. Toute sa vie durant, le défunt s’est donné corps et âme pour le triomphe de la doctrine layène. Au Sénégal comme partout dans le monde, Serigne Abdoulaye Thiaw Laye n’a jamais ménagé sa peine. Baye Ablaye a allié éloquence et élégance, humour et perspicacité pour convaincre les plus sceptiques que Seydina Lima­mou Laye est l’incarnation du prophète Seydina Mohamed (Psl).
Grand conférencier, Baye Ablaye était depuis quelques années éloigné des festivités liées à l’Appel de son grand-père Seydina Limamou Laye à cause d’une maladie. Tout jeune, il était un puits de dévotion sans fond pour les Layènes, un leader né chargé d’une mission, tel un Almoravide : porter le message du Mahdi dans tous les coins du monde. Enterré à côté de son père Seydina Issa, le grand frère de Chérif Ousseynou Laye a très vite vu la flamme d’un messager s’allumer en lui. Avant d’embarquer pour Bango en compagnie d’un certain Abdoulaye Wade, ancien président de la République, ou de Serigne Cheikh Mbacké Gaïndé Fatma, il confie à son père : «Je veux aller faire le service militaire pour revenir propager le messager de mon grand-père. Abdoulaye Wade, lui, rêvait d’aller étudier en France pour revenir servir son pays», rapporte Baye Ablaye dans une de ses conférences. Avec le gestuel, les anecdotes, l’humour, les petites histoires de toutes les confréries, le discours de Baye Ablaye ne laissait personne indifférent. Y compris dans la communauté layène où il laisse un vide abyssal.
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