Plus d’un million de ménages ont pu bénéficier d’une assistance alimentaire durant le Covid-19 et 186 milliards 950 millions de francs Cfa investis dans le programme des bourses sociales selon Aminata Sow. La Déléguée générale à la protection sociale et la solidarité nationale dresse dans cet entretien, un bilan reluisant de sa société dont malgré les résultats probants depuis 2012, le secteur connaît des difficultés multiples, notamment au plan juridique, où la Loi d’orientation de la protection sociale tarde à être finalisée. S’y ajoute la question du financement qui reste une entrave du secteur.Pouvez-vous nous faire la présentation de votre structure ?
La Délégation générale à la protection sociale et à la solidarité nationale (Dgpsn) est créée en 2012 par le président de la République Macky Sall pour lutter contre les inégalités sociales. La Dgpsn constitue la vitrine de la politique d’inclusion sociale des populations pauvres et vulnérables, qui émane du programme «Yoonu Yokkuté» du Président Macky Sall par lequel il a défini les grandes orientations en matière de protection sociale et de réduction de la pauvreté. Ses missions sont fixées par le décret 2012-113 du 16 novembre 2012. A la lumière de cette réglementation, quatre missions majeures lui sont conférées. Il s’agit principalement du pilotage et de la coordination, de la régulation, de la promotion et de l’évaluation du secteur de la protection sociale (…).
Quel est l’impact du Covid-19 sur votre structure ?
A l’image des autres structures de l’Etat, la crise sanitaire du Covid-19 a ralenti les activités de la Délégation générale à la protection sociale et à la solidarité nationale (Dgpsn). Certaines activités de renforcement de capacités et de sensibilisation au profit de nos cibles telles que les bénéficiaires du Programme national de bourse de sécurité familiale (Pnbsf) ont été suspendues en 2020 avant d’être reprises récemment.
Combien de Sénégalais impactés par la pandémie ont pu bénéficier de la protection sociale et de la solidarité nationale à ce jour ?
La pandémie du Covid-19 a impacté tous les Sénégalais de toutes catégories socio-professionnelles confondues. Néanmoins, ses effets sont plus ressentis par les groupes pauvres qui ont vu leurs conditions de vie se détériorer au quotidien. C’est dans ce contexte que le président de la République, soucieux du bien-être des populations, a mis en place le Plan de résilience économique et sociale (Pres) dans lequel un volet important est consacré à la protection sociale des groupes démunis. Ainsi, 1 million 100 mille ménages ont pu bénéficier d’une assistance alimentaire, soit plus de neuf 9 millions de Sénégalais, si on considère que la taille moyenne par ménage est de 8,3 individus, selon le Recensement général de la population et de l’habitat, de l’agriculture et de l’élevage (Rgphae 2013). A cela s’ajoutent des milliers de nos compatriotes des secteurs de l’artisanat et du transport qui ont reçu des subventions de l’Etat pour minimiser les pertes de revenus.
Pouvez-vous nous faire un bilan de vos interventions depuis de la création de la Dgpsn ?
Dans ce domaine, je reste prolixe à plusieurs égards. La Dgpsn a mis en œuvre le grand programme de lutte contre la pauvreté et l’exclusion sociale que le Sénégal n’ait jamais connu. Le succès du Programme national de bourses de sécurité familiale (Pnbsf) dépasse largement les frontières, il est cité en exemple partout en Afrique et dans le monde. Actuellement, le programme totalise 316 mille 833 ménages bénéficiaires, composés de 291 mille 270 ménages issus des différentes générations (cohorte) de bénéficiaires, inscrits dans le Registre national unique (Rnu), de 25 mille 507 bénéficiaires de Carte d’égalité des chances (Cec) et de 60 ménages d’enfants dans la rue. Pour rappel, le Pnbsf octroie une allocation annuelle de 100 mille aux ménages vivant dans l’extrême pauvreté. Ce transfert monétaire, conditionné à l’enregistrement des enfants à l’état civil, l’inscription et le maintien des enfants à l’école et la vaccination, permet d’interrompre la transmission intergénérationnelle de la pauvreté par le renforcement du capital humain. De 2013 à 2020, le chef de l’Etat a inscrit dans le programme, un montant global de 186 milliards 950 millions de francs Cfa. Par ailleurs, la Dgpsn a mis en place le Registre national unique (Rnu) qui est une base de données contenant l’ensemble des informations démographiques et socio-économiques des ménages à faible revenu et vulnérables. Le Rnu est établi sur la base d’un questionnaire unifié qui intègre entre autres les privations socio-économiques de l’ensemble des ménages pauvres du Sénégal. Il permet de réduire la fragmentation et d’améliorer la coordination des interventions en matière de protection sociale. Aujourd’hui, le Rnu compte plus de 588 mille ménages, soit environ 30% de la population sénégalaise.
Eu égard à son importance dans les politiques sociales, le chef de l’Etat a acté son institutionnalisation par décret n°2021-1052 du 2 août 2021. Cette formalisation consacre le Rnu comme l’unique instrument de ciblage des projets et programmes sociaux. Il fait obligation à tout programme social ou toute structure offrant les prestations sociales ciblant les ménages à faible revenu et vulnérables de l’utiliser pour cibler ses bénéficiaires (ménages et individus). En outre, avec l’appui de la Banque mondiale, la Dgpsn a mis en œuvre le Projet d’appui aux filets sociaux pour soutenir la mise en place des éléments constitutifs du système de filets sociaux et d’améliorer l’accès des ménages démunis et vulnérables aux programmes ciblés et adaptatifs. Dans cette perspective, des projets-pilotes ont été développés pour renforcer la résilience des populations pauvres et vulnérables tels que le Projet pour l’accès aux intrants agricoles subventionnés et le Projet Yook Koom Koom. Plus de 10 mille ménages bénéficiaires ont été sélectionnés à partir du Rnu avec l’intervention des comités de ciblage dans les régions de Kaolack (3114 ménages), Kaffrine (2860 ménages), Kolda (3041 ménages) et Sédhiou (1483 ménages). Le montant global s’élève à 2 milliards 99 millions 800 mille. Chaque bénéficiaire a reçu un transfert monétaire d’une valeur maximale estimée à 200 mille francs. L’objectif est d’aider les ménages à s’acquitter de la part non-subventionnée des intrants. Grâce au Projet Yook Koom Koom, la Dgpsn a pu constituer 380 Associations communautaires d’épargne et de crédit (Acec) et financer 6 mille 089 projets pour un montant de 1 milliard 522 millions 250 mille francs Cfa. Par ailleurs, la Délégation a procédé à la reformulation de la Stratégie nationale de protection sociale (Snsp) sous le prisme du Plan Sénégal émergent (Pse) et des agendas régionaux et internationaux auxquels le gouvernement a souscrit. La Snsps 2016-2021 est bâtie dans une approche cycle de vie qui prend en charge les problématiques de protection sociale de la naissance à la vieillesse. La Snps traduit toute l’ambition du gouvernement dans le long terme. Il s’agit de construire non seulement un système de protection sociale accessible à toutes les Sénégalaises et à tous les Sénégalais, fournissant à chacun (e) un revenu minimum garanti et une couverture maladie, mais aussi un filet de sécurité global assurant la résilience face aux risques sociaux et à tous ceux qui souffrent des chocs et crises pouvant les faire basculer dans la pauvreté. A la lumière de tout ce qui précède, il ne serait pas prétentieux de ma part de dire que le bilan de la Délégation est reluisant. Ses actions ont impacté positivement les conditions de vie des populations pauvres et vulnérables. Elles ont également contribué à la réduction de l’extrême pauvreté. Les résultats de l’Enquête harmonisée sur les conditions de vie des ménages (Ehcvm) au Sénégal de l’Agence nationale de la statistique et de la démographie (Ansd) du mois de septembre montrent à suffisance une baisse de 5,4 points du taux d’extrême pauvreté qui est passé de 12,2% en 2011 à 6,8% en 2018.
Quelles sont les entraves à la protection sociale et à la solidarité nationale ?
Malgré les résultats probants depuis 2012, le secteur de la protection sociale connaît des difficultés multiples. Au plan juridique, la Loi d’orientation de la protection sociale tarde à être finalisée. Son adoption devrait permettre de mieux clarifier les rôles et les responsabilités des acteurs de l’écosystème de la protection sociale. La fragmentation des interventions avec la multiplication des petits projets et programmes. Cette segmentation révèle un manque de synergie entre les acteurs. Aussi, la question du financement est-elle une entrave du secteur. Les efforts consentis par le gouvernement au cours de ces dernières années ne sont jamais égalés, mais la demande reste importante. Des réflexions sont menées en relation avec le Bureau international du travail (Bit) sur les options de financement de la protection sociale au Sénégal à travers l’identification des espaces budgétaires que le gouvernement pourrait recourir pour assurer un financement adéquat et durable du secteur de la protection. Parallèlement les contributions des entreprises par le truchement de la Responsabilité sociétale de l’entreprise (Rse), des collectivités territoriales sont des niches de financement du secteur qui méritent d’être analysées.
Vous souhaitez élargir votre action à l’étendue du territoire national, à ce jour quels sont les zones ou domaines couverts ?
Permettez-moi tout d’abord de préciser que la Dgpsn intervient dans toutes les régions et communes du Sénégal à travers le Programme national de bourses de sécurité familiale (Pnbsf). Toutefois, certains de ses projets-pilotes concernent quelques régions prioritaires. Certes leur passage à l’échelle s’appuiera sur le principe de l’équité territoriale pour intéresser les zones sud-est où on note un fort taux de pauvreté.
Quelles sont vos perspectives à court et long termes ?
Les perspectives à court et long termes de la Dgpsn sont à inscrire dans le renforcement de la résilience des populations pauvres face aux chocs. En effet, la Dgpsn a obtenu de la Banque mondiale un financement additionnel de 110 millions Usd, soit environ plus de 60 milliards de francs Cfa pour le Projet d’appui aux filets sociaux (Pafs). Dans ce cadre, la Dgpsn prévoit, conformément à la volonté du président de la République, de soutenir les ménages pauvres impactés par le Covid-19. Ainsi, une assistance exceptionnelle sous forme de transferts monétaires de plusieurs dizaines de milliards sera accordée aux ménages inscrits dans le Rnu pour soulager les effets de la crise sanitaire. Dans le même sillage, il est prévu le passage à l’échelle du Projet Yook Koom Koom à 45 mille ménages pour renforcer la résilience climatique et le potentiel productif des ménages du Programme national de bourses de sécurité familiale (Pnsbf) en favorisant la diversification des sources de revenus et la création d’activités non agricoles. Plus de 5 milliards seront consacrés à ce projet. Cette mise à échelle concerne aussi le projet d’appui à l’accès aux intrants agricoles subventionnés pour les ménages du Rnu pour un montant de plus de 1 milliard 800 millions de francs Cfa. Ce projet devra contribuer à l’augmentation de la production agricole de ces ménages et améliorer leur situation nutritionnelle. La Dgpsn s’est également lancée dans un processus d’extension du Rnu à 1 million de ménages pour élargir la «portée» des programmes en réponse aux chocs. Cette extension prend en compte les vulnérabilités liées aux changements climatiques. Elle permettra au gouvernement d’intervenir avec célérité en cas de chocs…