Les dirigeants et leaders de médias africains sont rassemblés à Nairobi au Kenya, depuis le 8 mai, pour échanger sur l’avenir des médias en Afrique. Les mutations auxquelles ils font face en Afrique, imposent à leurs responsables de s’accorder sur la meilleure façon de s’attaquer aux maux qu’ils ont en partage.

Le Forum des leaders des médias d’Afrique (Amlf), mis en place en 2008, se déroule à Nairobi sous le thème : «Repenser les médias d’Afri­que en période de mutations profondes.» Ce rendez-vous a pu rassembler des centaines de propriétaires et d’exploitants de médias, des leaders d’opinion, des responsables gouvernementaux, des universitaires et spécialistes de la communication, et des partenaires au développement pour amorcer une conversation que les enjeux de l’heure rendent inévitable. Pour les organisateurs du Sommet All Africa des leaders des médias africains (Amls 2024) dont le Sénégalais Amadou Makhtar Ba, l’Afrique au présent et celle à venir ne peuvent se faire sans que les médias ne jouent un rôle crucial. Il y a des mutations que l’essor technologique a apportées, ainsi que le changement des modes de consommation de l’information. Il y a désormais des populations de plus en plus jeunes, dont les acteurs des médias ne peuvent faire fi pour parler et analyser tout ce qui se fait en Afrique.

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Amadou Makhtar Ba invite à ce qu’un état des lieux des médias en Afrique soit fait avant toute chose, pour voir comment avancer et s’adapter aux changements qui se sont imposés depuis le début de la propagation du Covid-19. Le rapport à l’information des citoyens s’est transformé partout en Afrique, avec des médias classiques fortement concurrencés, voire dépassés par des médias nouveaux et la force des réseaux sociaux. Internet devient partout le premier moyen pour s’informer, avec une exposition à des contenus au format audiovisuel, écrit et interactif, auxquels beaucoup de médias classiques tentent vaille que vaille de s’adapter. On ne peut nier le retard accusé dans plusieurs nations africaines par les médias classiques dans leur transition dans cette ère du tout numérique. Mais, l’intérêt de l’état des lieux que fait le Forum des leaders des médias d’Afrique est d’avoir des repères ou «une matrice», pour reprendre le mot de Amadou Makhtar Ba, afin de pouvoir mesurer l’ampleur des responsabilités dans un secteur des médias qui fait face à des défis comme la transformation systématique des économies, de Nairobi à Dakar et du Caire au Cap, ainsi que l’impératif de bâtir une paix durable et de renforcer les passerelles de solidarité pour que l’intégration continentale cesse d’être un vœu pieux.

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Dans les défis qui s’imposent aussi aux médias africains, la création de modèles économiques viables pour un continent avec une classe moyenne en plein essor est plus que d’actualité. Le drame qu’est la faillite des médias face aux changements majeurs de nos économies et le défaut de viabilité de certains modèles d’affaires dans des environnements fortement concurrentiels suffit comme sonnette d’alarme sur les dangers qui guettent la survie des médias africains. A tous ces défis, il est à rajouter tous les effets de la «quatrième révolution industrielle» consacrant le primat de la technologie sur tout, avec un usage incontrôlé et peu régi de l’Intelligence artificielle, entraînant comme conséquence un règne d’un couple désinformation et mésinformation, qui a fini d’affecter la cohésion de nations et d’affaiblir la parole des Etats et de toute forme d’acteurs intentionnels.

La jeunesse comme compagnon de transition
Une invitation de plusieurs acteurs des médias prenant part au Sommet All Africa des leaders des médias africains (Amls 2024) est une plus grande prise en compte de la place des jeunes dans tout ce qui se fait dans l’industrie médiatique. Les médias et leurs opérateurs ne peuvent pas voir le plus grand bastion pour une audience et un lectorat à même d’aider à la survie des médias comme une couche démographique marginale. L’adaptation des contenus des médias aux méthodes de consommation de l’information par les jeunes est nécessaire dans un monde où le téléphone portable et les réseaux sociaux ont démultiplié les canaux pour trouver de l’information. En prélude aux activités du Sommet Amls 2024, un rassemblement de milliers de jeunes kényans s’est tenu à l’université de Nairobi pour que ces derniers communiquent leurs attentes des médias africains et de la façon dont ils souhaiteraient que l’information leur soit présentée.

 

Le chercheur zimbabwéen Ellington Kamba, collaborant avec l’Agency For Global Media du gouvernement américain, soutiendra, sur la prise en compte des jeunes dans les schémas à adopter pour les médias en Afrique, qu’il y a plusieurs rédactions qui tentent désormais de s’adapter. Il affirme qu’il y a beaucoup de jeunes actifs dans les médias, avec de nouvelles formes de rédaction, et le rajeunissement des effectifs est une réalité irréversible en Afrique. Le problème qui se pose avec ce changement de paradigmes dans l’industrie africaine des médias, reste celui des ressources financières et d’un capital conséquent pour amorcer les transitions.

Les problèmes sont bien identifiés et sensiblement identiques dans toutes les régions de notre continent. Il reste à œuvrer de façon concrète, de concert avec les pouvoirs publics et les institutions actives sur le continent. Le président de la Banque africaine de développement (Bad), Akin­wumi Adesina, qui a animé la conférence inaugurale du sommet des leaders des médias d’Afrique, aura proposé des pistes sérieuses sur l’avenir des médias.
Par Serigne Saliou DIAGNE  – saliou.diagne@lequotidien.sn (Envoyé spécial à Niarobi)