Le rapport 2017-2018 d’Amnesty international sur la situation des droits de l’Homme au Sénégal relève des atteintes aux droits à la liberté de réunion, d’expression, des procès inéquitables. Mais pour le ministre de la Justice, il «n’est pas crédible parce que notre pays s’illustre par sa vocation à respecter et à sacraliser les droits». «Les droits à la liberté de réunion pacifique et à la liberté d’expression sont restés soumis à des restrictions. Les conditions de détention demeuraient particulièrement dures. Des enfants ont cette année encore été contraints à mendier dans la rue. Rien n’a été fait pour empêcher les auteurs de violations des droits humains de bénéficier de l’impunité», lit-on dans le document consulté par l’Aps. Dénonçant des «procès inéquitables», le rapport cite le procès du maire de Dakar Khalifa Sall et ses co-accusés poursuivis pour un détournement présumé de 1,8 milliard de francs Cfa de la Caisse d’avance de la ville de Dakar.
Au sujet des libertés de réunion, Amnesty écrit que «les autorités ont interdit des manifestations pacifiques et arrêté des manifestants, en particulier à l’approche des élections de juillet».
Pour les libertés d’expression, le rapport relève que «des journalistes, des artistes, des utilisateurs des médias sociaux et d’autres personnes qui exprimaient des opinions dissidentes ont été arrêtés de manière arbitraire».
Il cite les exemples de la journaliste Oulèye Mané et trois autres personnes interpellées pour «publication d’images contraires aux bonnes mœurs» et «association de malfaiteurs» après avoir partagé des photographies du Président sur WhatsApp. Elles ont été libérées sous caution le 11 août 2017.  Le document évoque aussi l’affaire de la chanteuse Ami Collé Dieng qui a été arrêtée à Dakar le 8 août 2017 pour «outrage au chef de l’Etat» et «diffusion de fausses nouvelles» après avoir envoyé sur WhatsApp un enregistrement sonore critique à l’égard du Président.  Selon Amnesty toujours, «le problème de la surpopulation carcérale persistait et les conditions de vie dans les établissements pénitentiaires étaient toujours très éprouvantes. Au moins quatre personnes sont mortes en détention».  Concernant les longues détentions, le rapport cite le cas de l’imam Alioune Badara Ndao dont le procès s’est ouvert le 27 décembre, «alors que cet homme avait déjà passé plus de deux ans en détention pour plusieurs chefs d’inculpation, notamment actes de terrorisme et apologie du terrorisme».
Pour la justice internationale, Amnesty souligne qu’en avril, les Chambres africaines extraordinaires, établies au Sénégal, ont confirmé la déclaration de culpabilité et la peine de réclusion à perpétuité prononcées contre l’ex-Président tchadien Hissein Habré pour des crimes de guerre, des crimes contre l’humanité et des actes de torture perpétrés au Tchad entre 1982 et 1990. Réagissant à la publication de ce rapport, le ministre de la Justice Ismaïla Madior Fall a déclaré : «Il faut d’abord prendre le temps de lire le rapport de façon sereine pour identifier tous les points soulevés et formuler les réponses adéquates». «Mais je pense que ce rapport critique sur l’état des droits humains n’est pas crédible, parce que notre pays s’illustre par sa vocation à respecter et à sacraliser les droits. Un rapport sur le Sénégal ne peut être que laudateur, parce que notre pays s’illustre par sa stabilité», a-t-il ajouté.
Amnesty international note qu’en 2017, «le monde a connu un recul des droits humains. Les signes de cette régression étaient visibles partout». «Dans le monde entier, des gouvernements ont poursuivi leur offensive contre le droit de manifester et les droits des femmes ont été particulièrement attaqués aux Etats-Unis, en Russie et en Pologne», écrit l’Ong de défense des droits de l’Homme. En Afrique, «la situation des droits humains s’est caractérisée par une violente répression des manifestations pacifiques et des attaques concertées visant des opposants politiques, des défenseurs des droits humains et des organisations de la société civile».  «Dans le même temps, la stagnation des initiatives politiques destinées à résoudre des conflits de longue date n’a fait qu’aggraver les violences dont les civils étaient continuellement victimes. Cette année encore, les atteintes aux droits humains, y compris les crimes de droit international, commises dans le contexte de conflits sont demeurées impunies», lit-on dans le document.