Amnistie et proposition de loi interprétative : Sonko et Diomaye désavoués et au banc des accusés pour avoir renié leur parole

Si les acteurs politiques, la Société civile et la presse ne se dressent pas contre cette hideuse proposition de loi, elle sera votée le 2 avril par la majorité mécanique de Pastef et sera le cadeau présidentiel empoisonné du 65ème anniversaire de notre indépendance.
Je voudrais tout d’abord remercier la rédaction du journal pour l’opportunité qu’elle m’offre à chaque fois que je veux intervenir dans le débat public. C’est sans doute un privilège accordé à la diaspora.
Je sais que la Rubrique «Opinions» est très sollicitée, et ce n’est pas toujours évident d’avoir sa contribution retenue et publiée.
C’est donc avec humilité que j’apprécie cet honneur.
Avant d’entrer dans le vif de mes 2 sujets, je voudrais me réjouir de l’engagement et du sursaut citoyen de la Société civile, des acteurs politiques et de la presse sur les questions d’actualités.
Le journal Le Quotidien tient sa part importante dans cet élan, depuis fort longtemps d’ailleurs.
Nous avons enregistré la semaine dernière, beaucoup de réactions et d’initiatives relatives à ce qui est en cours dans notre pays.
L’Affaire du dépotoir d’ordures de Tobor/Ziguinchor d’abord
La signature du communiqué conjoint entre Amnesty International Sénégal et la Rencontre africaine pour la défense des droits de l’Homme, concernant le drame écologique qui guette le village de Tobor, victime d’un déversement continu d’ordures ménagères provenant de Ziguinchor, est venue couronner les efforts des uns et des autres pour alerter l’opinion.
Avant, la presse en avait parlé, mais cela n’avait pas beaucoup attiré l’attention de cette dernière. Cette opération décidée par des autorités communales, sans concertation avec les populations, s’est heurtée au refus de ces dernières, malgré les intimidations et arrestations dont certains villageois furent l’objet, notamment le docteur Lamine Diédhiou, enseignant à l’Université d’Ottawa au Canada, venu en vacances dans son village d’origine.
C’est la proximité que j’ai avec ce dernier qui m’amène à parler de cette affaire.
Militant des causes justes depuis de longues années, il est à la tête du mouvement de refus qu’un dépotoir d’ordures soit installé à environ 100 mètres des lieux d’habitation.
Heureusement, après plus de 3 mois de résistance ponctuée par des manifestations diverses suivies d’arrestations, l’opinion est suffisamment imprégnée et appuie la lutte des habitants de Tobor.
La Fédération des Sénégalais de la diaspora (Fsd) dont je suis membre, avait offert, il y’a environ un mois, ses bons offices par l’intermédiaire de son Secrétaire général Pape Sarr de Nantes, en publiant un mémorandum très édifiant pour informer et sensibiliser sur les dangers inhérents à de telles opérations, et ainsi demander la libération des personnes arrêtées et l’arrêt des déversements.
Plusieurs autres initiatives furent prises par des bonnes volontés et des groupes pour aider au règlement du différend.
Finalement, ces personnes arrêtées ont été libérées, mais les opérations se sont poursuivies et les manifestations ont repris, suivies de recherches policières des organisateurs et d’arrestations des personnes à portée de main. Les camions, qui avant venaient par intermittence, se regroupaient sous escorte policière pour empêcher le blocus des routes par les populations.
Une tension explosive pouvant déboucher sur le pire plane actuellement sur ce paisible village. Le Pit-Sénégal a publié une déclaration dans X pour exprimer son entière solidarité à la lutte des populations de la commune de Niamone et du village de Tobor, dénonçant fermement la répression sur les populations et appelant les autorités communales de Ziguinchor à revenir sur leur décision. Toutes ces actions et la signature du communiqué conjoint des 2 organisations de défense des droits de l’Homme vont sans nul doute aider à trouver des solutions.
Signalons néanmoins que le travail d’intimidation par la gendarmerie contre les populations de Tobor continue (voir convocation ci-jointe).
C’est au moment de boucler cet article que j’ai reçu cette information.
Il n’est donc pas exclu que les choses dégénèrent. (A suivre)
Sur la proposition de loi de Amadou Bâ honteusement célèbre
Je félicite le journal Le Quotidien pour son travail remarquable sur ce dossier. Sur 3 éditions successives, nous nous sommes régalés de publications majestueuses :
-Interprétation de la loi d’amnistie n°2024-09 du 13 mars 2024
«La proposition de Amadou tombe bas – Haro sur la proposition de Amadou Bâ» par Justin Gomis
Sénégalaiseries
«Pastef lance sa lessiveuse et son rouleau compresseur»
Par Ibou Fall
«Le Fdr rejette la proposition de Amadou Bâ»
«Le Fdr exige son retrait» Par Malick GAYE
CONTREPOINT -Par Bachir FOFANA
«La grande farce pour se couvrir»
Ces productions ont fini de circonscrire le problème et analyses ne peuvent être plus exhaustives.
J’ai seulement noté que Bachir n’est pas seulement revenu dans Contrepoint sur ses remarques concernant les articles 315 et 316 du Code pénal sénégalais qui protègent les Forces de défense et de sécurité et les autorités légitimes qui leur donnent des ordres.
Par conséquent, la montagne risque d’accoucher d’une souris, car les personnes que Pastef a envie d’atteindre bénéficient d’une immunité par ces 2 articles. Article 315 : «Il n’y a ni crime ni délit, lorsque l’homicide, les blessures et les coups étaient ordonnés par la loi et commandés par l’autorité légitime.»
Article 316 : «Il n’y a ni crime ni délit, lorsque l’homicide, les blessures et les coups étaient commandés par la nécessité actuelle de la légitime défense de soi-même ou d’autrui.»
J’ai beaucoup aimé la réponse servie au ministre Birame Souleye par Me Omar Youm, qui a fait le procès de cette honteuse proposition de loi.
Ces propos ont été d’ailleurs confirmés par le ministre Yankhoba Diémé, il n’a sans doute pas lu l’avocat avant son émission, car il a clairement dit au journaliste Oumar Gningue à Point de vue, que leur prochaine loi interprétative peut servir de fond pour légitimer les indemnisations. Relisez les propos de Me Youm : «En réalité la supercherie est connue, vous êtes démasqués. Vous cherchez juste à régulariser un mécanisme d’indemnisation illégitime et scandaleux, qui méprise toutes les règles et tous les principes du droit de la réparation au Sénégal.»
Tout ce qu’ils sont en train de faire, c’est pour se couvrir sur tous les plans et couvrir leurs arrières. M. le ministre, vous avez essayé de votre mieux de venir à la rescousse de votre camarade Amadou Bâ tristement célèbre, mais vous n’avez convaincu personne, y compris celui qui vous interrogeait.
Vos réponses sont pleines de contradictions et d’amalgames.
Non ! La proposition de loi n’arrange pas tout le monde, comme vous le dites. Ce qui arrangerait tout le monde, y compris les victimes et leurs familles, c’est que la loi d’amnistie soit purement et simplement abrogée, comme vous l’aviez promis à vos électeurs durant les campagnes électorales, présidentielle comme Législatives, et aux Sénégalais tout dernièrement à l’Assemblée nationale par la voix du Premier ministre Ousmane Sonko. Comme d’habitude, vous avez failli à votre parole, et cela ne surprend personne.
L’Exécutif ne pouvait pas déposer un projet de loi à cause de la sensibilité du dossier, il appartenait donc aux députés de proposer une loi. Mais la prise en charge de cette dernière par 2 plaidoiries ministérielles a fini de prouver qu’il s’agissait bien d’une commande politique pastéfienne. La question de l’ancien ministre Omar Youm, au ministre Birame Soulèye, est valable également pour le 2ème secouriste, le ministre Yankhoba Diémé.
Méditez tous les 2 sur ce qui suit : «Est-ce l’image que vous voulez donner de notre République fondée sur l’équilibre, l’égalité devant la loi et le respect de la séparation des pouvoirs que vous violez si allègrement ? N’est-ce pas qu’il s’agit d’une proposition de loi et non d’un projet de loi ? Alors de quoi vous vous mêlez, vous, membres de l’Exécutif, en violation totale du principe de la séparation des pouvoirs ?»
Qui peut empêcher le vote du projet de loi ?
Le rejet est massif, mais Pastef n’est pas prêt à reculer en acceptant que leur démarche est impopulaire.
Seule une forte mobilisation convergente des acteurs politiques, de la Société civile et de la presse peut les amener à jeter l’éponge.
Au fur et à mesure que l’on va s’approcher du 21 mars et du 2 avril, dates respectives de la mise sur pied de la commission ad hoc et de la tenue de la plénière devant voter la loi interprétative, d’autres voix vont s’élever pour s’opposer davantage à leur volonté.
Le dernier Jakaarlo spécial, tenu vendredi passé au Qg, a tenu sa partition. Comme dans un tribunal populaire, les accusations fusaient de toutes parts. Avant cela et après, c’est le même refrain de rejet : dans toutes les émissions, radios comme télévisions, la presse écrite et en ligne, 2 mots : Abrogation Totale.
Il nous appartient, pour le temps qui nous reste, d’amplifier ce mouvement de rejet et de défiance populaire, car nous ne pouvons pas compter sur ces députés acquis à la cause du chef, et c’est là tout le sens des avertissements de la campagne électorale législative sur le danger du contrôle du Parlement par l’Exécutif.
Idrissa SYLLA
New-York
Membre du CC du Pit-Sénégal
idrissasylla902@gmail.com