Analyse – L’art de vaincre sans insultes : Amadou Ba, le flegme qui désarme
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On avait craint, étant donné le contexte, que la Dpg ne transforme encore une fois l’Assemblée en foire d’empoigne. Mais on a eu un Pm qui a fait de sa sérénité son arme de destruction massive.Par Mohamed GUEYE –
On espérait un Nouveau type de Sénégalais à partir de 2012. On ne sait pas s’il viendra un jour, mais on a remarqué qu’il a été précédé, depuis 2019 particulièrement, pas des insulteurs 2.0, qui ont fait des nouvelles technologies leur territoire d’action, au point pour certains, d’avoir pris d’assaut les travées de l’Assemblée nationale. Certains observateurs ont pu craindre qu’à l’occasion de la Déclaration de politique générale hier, tous les mauvais côtés de certains de nos politiciens soient étalés en public.
N’avait-on pas eu à voir certains personnages à l’œuvre lors de l’installation de la nouvelle Législature, ou durant le marathon budgétaire qui vient à peine de se clôturer. On sait que plusieurs élus en ont gros sur le cœur contre le régime de Macky Sall, et que toute occasion est bonne pour le manifester.
Par ailleurs, le souvenir des Dpg passées est venu conforter la crainte que Amadou Ba aussi, succombe à l’envie de rendre coup pour coup. Mais on s’est rendu compte que c’était mal connaître l’homme et sous-estimer ses qualités. Pourtant, il n’a pas manqué, dans son texte liminaire, de mettre les choses au point : «Je viens avec humilité et sérénité, devant cette auguste Assemblée, pour sacrifier au rituel républicain de la Déclaration de politique générale du gouvernement prévue à l’article 55 de la Constitution. La sacralité des institutions de la République, et particulièrement de cet Hémicycle, fait vibrer mon être et me conditionne au respect et à la bienveillance. Je suis convaincu que vous savez en faire autant que moi au regard de la force de vos engagements qui vous valent de représenter le Peuple à l’Assemblée nationale.»
S’il a fait preuve de juste ce qu’il faut d’humilité, Amadou Ba n’a à aucun moment perdu de sa sérénité. Même quand des questions insidieuses venant de certains députés de l’opposition tournaient à des attaques ad hominem, le Premier ministre ne s’est aucunement laissé désarçonner et a tenté de donner des réponses qui convenaient, avec calme et mesure. A tel point qu’un opposant de la trempe de Mamadou Lamine Diallo Tekki, a pu lâcher, désabusé : «Cette Dpg est terne et sans débat !»
M. Diallo se rappelait sans doutes les joutes qui avaient résonné dans le même Hémicycle lors des passages, pour des exercices du même genre, des premiers ministres Abdoul Mbaye, Mahammed Boun Abdallah Dionne, ou même plus loin, Moustapha Niasse, en 2000. Ceux-là avaient pris l’option de la confrontation avec leurs détracteurs. Amadou Ba a désarçonné ceux qui étaient venus avec l’intention de le faire vaciller avec des questions pièges comme celle de la 3ème candidature de Macky Sall, ou sur son patrimoine personnel, par exemple. Tous ceux-là en ont eu pour leur compte. Le Pm est resté droit dans ses bottes. Il est en effet difficile de croiser le fer avec un adversaire qui a la capacité de vous désarmer par son sourire. Ce qui a fini par pousser certains membres de l’Assemblée, comme le non-inscrit Pape Djibril Fall, à lui conseiller de ne plus répondre à des questions qui «concernent les politiciens, comme celle du 3ème mandat».
C’est que Amadou Ba avait une mission en se rendant à l’Assemblée nationale : il s’agissait pour lui de convaincre les parlementaires que son gouvernement, qui venait de se voir doter du budget le plus élevé de l’histoire du Sénégal, avait pour mission, sinon de sortir les Sénégalais de la pauvreté, du moins de jeter les bases pour la construction d’un pays qui réussira son émergence dans la bonne gouvernance. Cela demandera-t-il que soit accordé à son chef un nouveau mandat à la tête de l’Etat ? C’est la seule question qui n’aura pas trouvé de réponse hier soir.
mgueye@lequotidien.sn