Jugeant prématuré de faire une évaluation de la loi criminalisant le viol, la Secrétaire générale du ministère de la Justice annonce qu’«une baisse sensible des cas de viol suivis de meurtre» a été relevée par la tutelle. Mme Aïssé Gassama Tall plaide pour une sensibilisation de la société sur les agressions sexuelles afin qu’il y ait une meilleure appropriation de la loi criminalisant le viol et la pédophilie.
Le ministère de la Justice a constaté «une baisse sensible des cas de viol suivis de meurtre» au Sénégal, depuis le vote de la loi criminalisant le viol et la pédophilie, a déclaré, lundi, à Dakar, sa Secrétaire générale, Aïssé Gassama Tall. «Il est un peu prématuré de faire une évaluation de cette loi parce qu’il faut au moins cinq à six années d’application pour qu’on puisse mesurer son efficacité (…) Mais sur la base des statistiques disponibles au ministère de la Justice, à la direction des Affaires criminelles et des grâces notamment, nous notons une baisse sensible des cas de viol suivis de meurtre», a révélé Mme Tall. Elle présidait un panel consacré à la loi criminalisant le viol et la pédophilie. Cette loi adoptée par l’Assemblée nationale, le 30 décembre 2019, est en vigueur depuis le 10 janvier 2020.
La perception de ladite loi par les citoyens, son appropriation par eux et son application sont l’objet du panel dirigé par Aïssé Gassama Tall, à l’initiative de l’Association des juristes sénégalaises (Ajs). L’Ajs a publié des statistiques qui semblent confirmer la baisse des violences sexuelles, à la suite de l’adoption de ladite loi.
Les sept boutiques de droit ouvertes par l’Association des juristes sénégalaises à la Médina, à Pikine, Thiès (ouest), Kaolack (centre), Ziguinchor, Kolda, Sédhiou (sud) et Kébémer (nord-ouest) ont recensé 1229 cas de violences exercées sur des femmes, des filles et des garçons, de janvier à novembre 2019, selon un document. En 2020, l’Ajs a recensé 290 cas de violences de même nature, soit le quart environ du nombre de cas dénombrés durant l’année précédente.
De janvier à juin 2021, ajoute le document de ladite association, 167 cas ont été enregistrés. «La lutte contre les violences faites aux femmes et aux enfants a toujours été au cœur des préoccupations des autorités étatiques et n’a jamais cessé de figurer parmi les principaux axes de la politique pénale» sénégalaise, a souligné Aïssé Gassama Tall. Elle estime que «cette volonté politique, qui s’est traduite par plusieurs instruments» juridiques, est à l’origine de la loi criminalisant le viol et la pédophilie. «Aussi devrons-nous avoir à l’esprit qu’un seul cas de viol ou de pédophilie (…) mérite que la société tout entière continue de se mobiliser, afin de combattre définitivement ce fléau», a soutenu Mme Tall. La loi criminalisant le viol et la pédophilie punit ces actes de violence d’une peine pouvant aller jusqu’à la réclusion criminelle à perpétuité.
La Secrétaire générale du ministère de la Justice préconise la sensibilisation des populations sur «la gravité des agressions sexuelles». «Nous avons le défi de l’appropriation de cette loi, le défi de faire en sorte que la société soit sensibilisée sur les agressions sexuelles, pour qu’il y ait une bonne vulgarisation de la loi», a-t-elle insisté, proposant qu’«on aille vers les populations pour les sensibiliser sur la gravité des faits d’agression sexuelle».
«Il y a également le défi de l’application de la loi. Nous pensons que pour qu’il y ait une bonne application, il faut une synergie des actions», a suggéré Mme Tall. «Les gens ont souvent tendance à dire que la justice ne sanctionne pas sévèrement.» Aïssé Gassama Tall estime que «la justice ne peut pas sanctionner si la victime ou ses parents ne portent pas plainte pour les faits de viol [ou de pédophilie]».
«L’objectif général de cette rencontre est d’arriver à une meilleure appropriation de la loi criminalisant le viol et la pédophilie, dans le but de parvenir à une application effective de la loi», a expliqué la présidente de l’Ajs, Aby Diallo. «Il convient d’échanger sur les écueils et difficultés de la mise en œuvre de la loi, afin d’impliquer et de sensibiliser les communautés et les leaders religieux», a ajouté Mme Diallo, invitant ces derniers à «dénoncer» les cas de viol dont ils sont informés.
Plusieurs organisations et associations de femmes de la Côte d’Ivoire, de la Guinée et du Mali étaient représentées au panel.
Avec Aps