L’antagonisme des Etats et de l’Organisation mondiale de la santé envers les fabricants de tabac devient un frein à toutes les innovations destinées à libérer les fumeurs de la cigarette, en leur proposant des produits moins nocifs pour leur santé et leur bien-être. Cette position prive une bonne partie de la population mondiale, surtout des pays pauvres, de l’accès aux produits de substitution à la cigarette et qui ne soient pas dangereux pour la santé.Par M. GUEYE

– Depuis plusieurs années, l’Organisation mondiale de la santé (Oms), imitée en cela par de nombreux Etats de par le monde, a décidé de bannir toutes les innovations proposées par l’industrie du tabac et destinées à atténuer ou éliminer la nocivité de la cigarette combustible. Ce refus de coopérer avec l’industrie du tabac a empêché ses contempteurs de se rendre compte des innovations qui ont été réalisées, et pourrait constituer à la longue une menace pour la santé publique.
Dr Derek Yach, de la Faculté de médecine de l’Université de Capetown, en Afrique du Sud, a dévoilé des chiffres qui indiquent que la cigarette était responsable d’environ 8 millions de décès de par le monde à l’heure actuelle. Si rien n’était fait, ce chiffre pourrait atteindre les 10 millions dans une vingtaine d’années. Par contre, des mesures draconiennes pourraient permettre de limiter de façon significative ce nombre dans le même laps de temps. Pour cela, l’Oms et les Etats devraient accepter de regarder avec moins d’hostilité les produits alternatifs au tabac qui sont proposés aux fumeurs qui recherchent des substituts moins dangereux pour la santé.
Derek Yach, qui intervenait par visio-conférence au cours d’un panel organisé la semaine dernière, lors du dernier Forum mondial sur la nicotine (Global forum on nicotine en anglais), à Liverpool, en Angleterre, a démontré que les compagnies de tabac qui, il y a 60 ans, cherchaient à nier la nocivité de leurs produits, ont ces dernières années énormément misé sur la recherche-développement, pour offrir au public des produits comme la cigarette électronique ou le tabac chauffé qui tendent de plus en plus à prendre la place de la cigarette classique dans leur chiffre d’affaires.
Le rôle de ces produits alternatifs dans la réduction de la nocivité du tabac, affirme Derek Yach, a même été reconnu par la Fda (Food and drug administration) américaine, l’agence de régulation des Etats-Unis chargée d’approuver la qualité des médicaments et des produits alimentaires mis sur le marché. Elle a accepté la mise sur le marché américain de certains produits alternatifs mis au point par certains grands noms de l’industrie du tabac. Pour certaines compagnies de tabac comme Philip Morris Inter­national (PMI), ces produits alter­natifs constituent aujour­d’hui un peu plus du quart de leur chiffre d’affaires. PMI a l’ambition de porter ce chiffre à 50% d’ici 2025.
Si pourtant, dans beaucoup de pays développés, le consommateur a la possibilité de bénéficier de ces innovations, cela n’est pas encore le cas dans la majorité des pays d’Afrique, ainsi même que les moins avancés. Les raisons en sont principalement, comme l’ont noté les Dr Joseph Magero, un activiste anti-tabac du Kenya, ou Sree Sucharita, de l’Inde, un manque de volonté politique de la part des gouvernants de tenter de comprendre les bénéfices sur la santé des produits innovants proposés comme des alternatives à la cigarette classique. Ce manque de volonté politique, qui part souvent de l’idée préconçue selon laquelle rien de bon ne peut venir de l’industrie du tabac, fait qu’il est difficile de trouver ces produits alternatifs sur les marchés des pays en développement et de l’Afrique en particulier.
Pour que les choses changent, les intervenants à la conférence, comme le scientifique Cliff Douglas, estiment que les gouvernants et l’Organisation mondiale de la santé devraient adopter, avec l’industrie du tabac, la voie préconisée dernièrement, à Genève, par le président américain Joe Biden : «Parler avec son adversaire, ne pas lui faire confiance, vérifier ses assertions.»
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