Le jeune Saër Kébé ne retournera pas en prison, comme l’aurait souhaité le procureur de la République. Con­damné en première instance par la Chambre criminelle de Dakar à 3 mois de prison assortis de sursis pour menaces terroristes, le Parquet, insatisfait de cette décision, a interjeté appel. Et le juge de la Chambre criminelle d’appel n’a pas pris le contrepied de son collègue. En rendant hier sa décision, il a tout simplement confirmé la décision du premier juge.
En fait, l’acte qui a valu à l’étudiant Saër Kébé des poursuites judiciaires pour apologie du terrorisme vient des recherches qu’il faisait sur le net pour les besoins d’un exposé qu’il devait faire  sur «La colonisation et le conflit israélo-palestinien». Ayant vu des images qui l’ont profondément affecté, il n’a pas pu  se retenir. C’est ainsi qu’il a fait des publications sur la toile pour exprimer son courroux.
Comparaissant hier pour les mêmes faits, l’accusé est revenu sur les raisons qui l’ont poussé à poser son acte. «J’étais choqué par les milliers d’enfants et femmes enceintes qui ont été massacrés par l’Armée israélienne et celle américaine. Je voulais juste condamner les images que j’avais vues», a déclaré Saër Kébé, qui s’est empressé de relever son immaturité à l’époque et sa non-maîtrise de soi. «J’étais hors de moi. Je ne mesurais pas la gravité de mes actes. Je ne savais pas que cela aurait un impact sur mon avenir. J’ai passé quatre ans en prison. Pendant ce temps, certains de mes camarades passaient leur Master et d’autres avaient déjà commencé à travailler», a regretté l’étudiant en deuxième année en Adminis­tration des affaires à l’Iam.
A l’en croire,  il n’est affilié à aucune association islamique et n’a jamais visité des sites djihadistes. «J’étais membre du mouvement Moustarchidine, mais je ne le suis plus depuis quelques années pour convenances personnelles», dit-il pour se disculper.
A la question du juge de savoir s’il est un révolutionnaire, Saër Kébé répond par la négative. Toutefois, le juge n’a pas manqué de lui remonter les bretelles. «Vous étiez animé par une idée de révolution quelque part, mais cela a des limites. Un esprit en colère ne réfléchit pas. Il a agi instinctivement. Aujourd’hui, vous vous retrouvez devant une juridiction criminelle uniquement parce que vous avez envoyé des messages à des représentations diplomatiques. On ne peut pas condamner en menaçant les gens. Vous êtes un révolutionnaire de clavier», lui dit-il.
De l’avis du représentant du Parquet général, les éléments constitutifs de l’infraction d’acte de terrorisme sont réunis. Selon lui, l’étudiant a repris sa vie en s’inscrivant dans une école pour poursuivre ses études. Et si tout se passe bien pour lui, il peut devenir quelqu’un dans la vie. Mais «même s’il regrette son acte aujourd’hui, il ne peut pas échapper à une responsabilité pénale», pense-t-il. Ainsi, l’Avocat général reste convaincu que le délit d’apologie du terrorisme est établi à son encontre avant de s’en remettre tout de même à la sagesse de la Cour.
Aux yeux de l’avocat de la défense, Me Moussa Sarr, l’étudiant Kébé a été victime de sa naïveté et d’un défaut d’encadrement en faisant allusion au fait qu’il ait été très tôt orphelin. Suffisant pour la défense de plaider la confirmation du premier jugement et l’acquittement de son client.
Pour son dernier mot, Saër Kébé avoue avoir été perturbé par cette affaire. Il reconnaît ainsi avoir perdu beaucoup de temps en prison. «Aujourd’hui, ma préoccupation est d’obtenir des diplômes et de participer au développement de ce pays», décline-t-il ses ambitions devant la Cour d’appel qui a confirmé le premier jugement, au grand bonheur de ses avocats.
Par Justin GOMIS – justin@lequotidien.sn