L’affaire opposant le promoteur immobilier, Babacar Fall, aux personnes qui ont vendu les terrains aux victimes de la cité Gadaye de Guédiawaye a été jugée hier, devant la Cour d’appel statuant en matière correctionnelle. En première instance, les prévenus poursuivis pour les délits d’association de malfaiteurs et d’escroquerie avaient été condamnés à un an ferme et à payer 800 millions de francs de dommages et intérêts à la partie civile. On leur reproche d’avoir vendu des terrains appartenant à la société Technologie 2000 de M. Fall.
Le procès de l’affaire de la destruction des maisons à Gadaye, sise à Guédiawaye, a atteint un nouveau palier. Jugé hier en appel, Babacar Fall a été condamné à payer 1 milliard de francs Cfa aux 253 victimes. La condamnation pénale confirmée est passée de 2 ans à 6 mois de prison ferme contre le promoteur immobilier. C’est le délit de destruction de biens appartenant à autrui qui avait été retenu contre lui. Ainsi, il a perdu cette bataille judiciaire, du moins pour l’heure, car la Cour suprême a été saisie de l’affaire. Mais dans le même temps, il y avait une autre procédure pour la même affaire. Seulement, celle-ci déclenchée par Babacar Fall vise les nommés Ibrahima Diop dit Pape, Ibrahima Diop dit God et Matar Diop. Ces derniers sont, en effet, accusés par le promoteur immobilier d’avoir vendu ses terrains à des tiers.
Les trois prévenus avaient été condamnés en première instance par défaut le 21 juillet 2016 à une peine d’un an de prison ferme. La somme de 800 millions de francs Cfa leur a été infligée au titre de la réparation du préjudice subi par la partie civile. Le Tribunal avait également décerné un mandat d’arrêt contre eux. Le 1er août de la même année, le sieur Ibrahima Diop dit Pape fait appel. Tout le contraire des deux autres qui ont attendu le 12 juillet 2019 pour relever appel.
Débats houleux entre l’Avocat général et Me Abou Dialy Kane
Hier, devant la Cour d’appel statuant en matière correctionnelle, l’exception d’irrecevabilité de l’appel des deux a été rejetée par le juge. Parce que le délai qui est d’un mois pour relever appel n’a pas été respecté. Du coup, seul Ibrahima Diop dit Pape a comparu finalement. Et les débats ont été par moments très houleux. En effet, l’Avocat général et un des avocats de la défense ont échangé des propos aigres-doux. A l’origine, Babacar Fall, partie civile, s’expliquait en français. Il sera vite interrompu par Me Abou Dialy Kane qui lui recommande de s’exprimer en wolof. Une attitude qui a dérangé l’Avocat général. «La partie civile est dans son droit. Elle parle la langue de travail. Vous ne pouvez pas nous obliger à parler wolof. Vous n’avez pas le droit», vocifère le magistrat Madiaw Diaw. C’est ainsi que le gendarme de l’audience, le juge, dira : «Comportons-nous en responsables ! On parle français. C’est ça le principe. C’est un interprète qui doit traduire, mais vous pouvez parler en wolof.»
«Vous n’avez pas à l’acculer»
Le promoteur immobilier n’a pas pu retenir ses larmes. «Vous n’avez pas à l’acculer», signifiera le représentant du ministère public à Me Abou Dialy Kane. Ce dernier lui demande : «Est-ce que vous avez un problème personnel avec moi ?» Il réplique : «En l’espèce, oui. Toi et moi, ce n’est pas une affaire de femme ou d’argent qui nous oppose.» Un dialogue de sourds s’empare de la salle d’audience, obligeant le juge à faire observer des minutes de suspension afin de calmer les ardeurs.
Alors, les excuses présentées par le maître des poursuites ont été acceptées par Me Abou Dialy Kane. Dans son réquisitoire, l’Avocat général a demandé la confirmation de la décision rendue par le premier juge. Selon lui, les prévenus poursuivis pour association de malfaiteurs et escroquerie «se sont concertés pour vendre des terrains appartenant à M. Fall qui dispose d’un bail». D’après lui, la partie civile a acquis les terrains d’une superficie de 13ha auprès de Abdoulaye Diop, papa de Matar et de Ibrahima Diop dit God. Alors que selon les prévenus, les 4 hectares vendus aux victimes de Gadaye n’ont jamais été cédés à Babacar Fall.
Embouchant la même trompette, les conseillers du promoteur ont estimé que «les faits en l’espèce ne souffrent d’aucune contestation». Mes Djiby Diagne, Amadou Aly Kane et leur confrère ont ajouté que «les prévenus ont effectué des cessions illicites. Ils ont usé de fausse qualité pour céder les terrains de leur client, patron de la société Technologie 2000». Ainsi, ils ont plaidé la confirmation du premier jugement dans toutes ces dispositions.
En revanche, les avocats des mis en cause ont contesté la constitution de partie civile de M. Babacar Fall qui est «irrecevable». Ils ont parlé d’incohérence car, disent-ils, M. Fall n’a jamais disposé d’un bail sur le site. Pour eux, la partie civile n’a subi aucun préjudice.
L’affaire est mise en délibéré au 12 août prochain.
msakine@lequotidien.sn