Le Sénégal a entamé la célébration de la Semaine mondiale dédiée à l’entrepreneuriat. Célébration ! Modeste celebration, au vu du contexte des milliers de pertes que connaît le Sénégal et dues au phénomène «Barça mbaa Barzak». La jeunesse est à retenir. L’entrepreneuriat y aidera sûrement. Et encore faudrait-il qu’existe un écosystème favorable à l’épanouissement des entrepreneurs.
Le Conseil national du patronat (Cnp) projette de «créer éventuellement un fonds d’appui… ». Par Moussa SECK –
Ils sont de générations différentes, de structures diverses avec des cœurs de métier variés. Ils n’en demeurent pas moins liés par l’esprit d’un mot. Tous parlent entrepreneuriat ! Entrepreneuriat et jeunesse sénégalaise, avec ce que ce couple génère en termes d’actions à mener, de solutions à apporter, d’efforts à saluer, d’autres à entamer… Et avec une nécessité qu’impliquent les ambitions : celle de bâtir un écosystème fort, coordonné et qui puisse profiter aux acteurs qui s’y meuvent, et en particulier aux jeunes. «Ecosystème» et «coordination» ont ainsi été répétés à souhait ce 13 novembre 2023, à l’occasion du lancement de la Semaine mondiale de l’entrepreneuriat. «Les écosystèmes sont très importants, parce qu’ils sont quelque part les moyens directs qui permettent d’accompagner les jeunes dans leurs désirs entrepreneuriaux», a souligné Sobel Aziz Ngom. Le président du Consortium jeunesse Sénégal diagnostique et rapporte que «la réalité c’est que même s’il y a des entités individuelles qui sont fortes, innovantes et performantes, il y a un manque d’alignement et de coordination entre les structures, qu’elles soient de l’Etat, qu’elles soient privées, qu’elles viennent des bailleurs». Et, sans doute, ainsi qu’il le démontre, «ce manque d’alignement ne favorise pas l’efficacité des interventions, et moins les interventions sont efficaces, moins les jeunes ont un accompagnement solide qui leur permette de réussir. Et aujourd’hui, on est face à des enjeux où on ne peut pas se permettre cette déperdition». Pour M. Ngom, le taux de déperdition relatif aux initiatives des jeunes tourne autour de 60, voire 65%. L’idée, le rêve étant permis, est de descendre aux environs de 30%.
Si cette déperdition n’est due qu’à un manque d’expérience, celle des plus anciens peut constituer un remède. Le Conseil national du patronat est pour sa part disposé à aider. «(…) Nous sommes disposés et nous l’avons répété, à participer davantage à du mentorat, à assister les entrepreneurs», a rappelé son président, Baïdy Agne. Le Cnp n’est d’ailleurs pas disposé qu’à faire du mentorat, il projette de «créer éventuellement un fonds d’appui». Fonds qui n’aura pour ambition de concurrencer l’existant, mais de «voir comment nous pouvons coordonner ensemble ces différentes actions pour aller plus de l’avant». Ainsi rejoint-il ce que Karim Sy considère comme maître-mot de la première journée d’une semaine qui a pour theme: «Entrepreneuriat des jeunes: innovation et croissance économique» et conjointement organisée par Jokkolabs et l’Usaid. Ce maître-mot : passer des «égosystèmes» à un écosystème profitable à tous ! Et rajoute le fondateur de Jokkolabs, «je pense que cette logique d’approche collective est directement en résonance avec notre culture initiale et notre culture sénégalaise, africaine de partage, de communauté et, en ce sens, on ne peut qu’y adhérer»…
Baïdy Agne,
l’actualisation d’un argument vieux de dix ans
…Certainement, l’ambition d’aller vers quelque chose de global et de coordonné n’est pas synonyme d’abandonner ces particularités qui constituent le tout. Car «les acteurs de l’écosystème ont chacun une compréhension des enjeux et de la force de l’écosystème qu’il ne faut pas leur enlever», argumente Sobel Aziz Ngom, qui croit que «s’unir est la chose la plus difficile quand on porte aussi chacun des intérêts». Dans ce contexte, à en croire M. Ngom, «il faut donc alors arriver à aligner le principe de la force collective à la compétitivité, puisque c’est quand même un secteur où il y a des acteurs qui sont concurrents, c’est-à-dire ils ont des offres, ils répondent à des opportunités en compétition». Ces pistes : «organiser un écosystème, le structurer, normaliser les pratiques des acteurs, avoir une nomination commune des choses et faciliter à l’entrepreneur son choix», en plus, par exemple, d’«éviter les grandes classes d’accompagnement de trois mois». Tous n’ont pas le temps et les moyens pour. Il parlera aussi de réformes à tenir. Question des politiques publiques. Et pour ça encore, Baïdy Agne et le Cnp se proposent. Il a en effet, proposé il y a de cela plus de 10 ans, une idée-solution : «Qu’on crée un poste de vice-Premier ministre chargé exclusivement de l’entreprenariat et de l’emploi…» Histoire de rassembler, de mieux coordonner, de matérialiser l’idée de l’écosystème voulu. Pour l’heure, des matérialisations sont faites, notamment par la Der/fj, qui a pris part à la journée de lancement tenue au Grand Théâtre national Doudou Ndiaye Coumba Rose. La Der, comme l’a signalé sa représentante Assia Diop Gaye, a aujourd’hui 5 ans. Ainsi faire un bilan s’impose-t-il. «Au-delà des 122 milliards de francs Cfa apportés à l’écosystème entreprenarial, au-delà des 150 mille bénéficiaires qu’on a accompagnés, que ça soit de la formalisation, de la formation, quel est l’impact dans le pays en termes de génération de valeur, en termes de croissance, d’émergence ?», s’est-elle alors interrogée. De cinq ans aussi parle l’Usaid, mais en termes de perspectives. Avec pour objectif le renforcement de la jeunesse par rapport à l’entreprenariat et le renforcement du secteur privé. L’organisation entend de ce fait inspirer la jeunesse en l’aidant à comprendre l’entrepreneuriat et à s’y insérer, avec aussi l’idée de produire, promouvoir et fournir des services et conseils à plus de 5000 jeunes. Et le financement interviendra à travers des mécanismes de financement innovants qui seront mis en place de concert avec les partenaires. Le tout, pour créer un écosystème fort avec des structures telles que Jokkolabs, la Der, l’Adepme, le 3Fpt et d’autres partenaires privés.