Après la mort de Idriss Déby, «rempart» contre le djihadisme : Le Nigeria inquiet pour sa sécurité

Les troupes tchadiennes ont joué un rôle clé pour chasser Boko haram des principales villes de l’Etat de Borno et préserver le pays de l’afflux de terroristes venant du Sahel.
Dès l’annonce de la mort du Président tchadien, Idriss Déby, son homologue et voisin nigérian, Muhammadu Buhari, lui a rendu hommage et a reconnu que son décès laisserait un «grand vide» dans le combat contre le djihadisme qui prospère dans la région, particulièrement dans le nord-est du Nigeria.
Idriss Déby avait fait de l’Armée tchadienne une force motrice contre la menace djihadiste dans la région du Sahel et du lac Tchad. Et pour le Nigeria, géant de 200 millions d’habitants, sa mort pourrait avoir de lourdes conséquences dans la lutte contre Boko haram et le groupe Etat islamique en Afrique de l’Ouest (Iswap).
«L’Armée (nigériane) est en alerte dans le nord-est, surtout à la frontière avec le lac Tchad, a confié à l’Afp un soldat sous couvert d’anonymat. Si le Tchad sombre dans le chaos, ça aura des conséquences directes sur le Nigeria et le Niger.»
Sous Déby, les troupes tchadiennes ont joué un rôle clé pour chasser Boko haram des principales villes de l’Etat de Borno, aux confins du lac Tchad, lors d’une importante campagne militaire menée en 2015 dans le cadre d’un accord de coopération régionale. A plusieurs reprises ces dernières années, l’homme fort du Tchad s’était même agacé publiquement que son Armée se batte «seule» au Sahel et sur le lac Tchad, allant jusqu’à retirer ses troupes du Nigeria tout début 2020.
Déby et Buhari, deux militaires, entretenaient un respect cordial et s’étaient rencontrés le mois dernier. Mais le Nigeria a toujours vu d’un mauvais œil la supériorité militaire tchadienne sur son propre territoire.
«Les terroristes ont peur des Tchadiens»
«Les troupes tchadiennes étaient censées revenir au Nigeria. Elles étaient attendues, explique Vincent Foucher, chercheur au Cnrs et spécialiste de la région. L’Armée nigériane subit de nombreux revers et l’aide des voisins serait sûrement appréciée. Mais maintenant, je pense qu’il est très peu probable qu’ils reviennent.» Face à la potentielle instabilité causée par la mort de son chef d’Etat, au pouvoir depuis trente ans, N’Djamena va certainement «alléger ses positions le long du lac Tchad, donnant plus de marge aux combattants de Boko haram et de l’Iswap pour opérer», commente M. Foucher.
Dans le nord de l’Etat de Borno, les forces nigérianes ont déjà été durement touchées par une récente vague d’attaques de l’Iswap qui a pris d’assaut des villes stratégiques et des garnisons militaires dans la région du lac Tchad. Damasak, dans l’extrême nord-est du Nigeria, avait été libérée par les Tchadiens en 2015 et abrite aujourd’hui un de ces «super-camps» fortifiés de l’Armée nigériane. Toutefois, la ville a été attaquée trois fois la semaine dernière, forçant des dizaines de milliers de personnes à fuir, notamment vers le Niger.
«Le Tchad sous Déby a été un rempart contre l’afflux de terroristes venant du Sahel vers la région du lac Tchad, rapporte à l’Afp un haut responsable du gouvernement de Borno. Les terroristes ont peur des Tchadiens. Mais si cela tombe, ça va affecter chacun d’entre nous dans la sous-région.»
Le Monde