Le verdict de l’affaire Sweet Beauté, qui était mis en délibéré ce jeudi 1er mai, est tombé. Ousmane Sonko est finalement condamné pour le délit de «corruption de la jeunesse» car les faits de viols et menaces de mort ont été requalifiés. A l’Ucad, la décision a été accueillie par des actes de vandalisme et de violence. Par Alpha SYLLA –
«Notre pavillon est très proche de la grande porte et de la route. C’est pour cela que j’ai décidé de m’éloigner. Au moins, dans ces pavillons, on risque moins.» Kounta Daffé est étudiant en troisième année à l’Ucad. Hier, il a quitté sa chambre pour se réfugier dans un autre pavillon. Depuis hier, il a senti les prémices d’une journée difficile et chaotique à l’Ucad. La réalité semble lui donner raison. En effet, à 11h, le verdict du procès de l’affaire Sonko-Adji Sarr bascule le calme qui régnait dans le campus depuis quelques jours. Une véritable rébellion urbaine s’y est déclenchée après la condamnation du leader du parti Pastef et de sa co-accusée, Ndèye Khady Ndiaye, à deux ans de prison ferme respectivement pour corruption de la jeunesse et incitation à la débauche.
Depuis les chambres des pavillons, les étudiants scandent «libérez Sonko». Des chants qui n’ont pas été au goût d’un groupe d’hommes armés de machettes et de marteaux qui sillonnent le campus. «Ce sont des étudiants du Mouvement des élèves et étudiants républicains (Meer), en complicité avec les nervis qui ont menacé en premier et commencé à lancer des pierres sur nos fenêtres», accuse-t-on dans les parages. S’en est suivie alors une «riposte» musclée des partisans de Ousmane Sonko. Des échanges de pierres ont ainsi commencé. «Ils sont dépassés par la foule», témoigne Assane Ba.
Scène de chaos
Au Campus social, des étudiants désertent les chambres de logement et se regroupent sur les différentes voix du campus. Cette forte mobilisation aura pour conséquence des affrontements de manifestants avec les policiers stationnés devant le portail du campus et le saccage de biens publics. Les jardins publics de l’université ont été défigurés, les vitres de la salle Oumar Pène cassées, des véhicules calcinés, des poubelles défoncées. Les routes sont devenues impraticables du fait des barrages érigés par les manifestants. Les restaurants fermés ont été pillés par des individus cagoulés, au grand dam des étudiants.
Les échauffourées à l’Ucad ont fait de nombreux blessés, notamment dans les rangs des manifestants. D’autres étudiants, majoritairement des filles, ont été aussi victimes de la toxicité des gaz lacrymogènes qui pleuvaient sur le campus. Mais «aucun décès», selon le Centre des œuvres universitaires de Dakar, l’autorité chargée de la gestion du Campus social de l’université.
Les salles de cours et autres bâtiments administratifs n’ont pas été épargnés. Dans le campus pédagogique, des gens cagoulés brûlent et saccagent tout sur leur passage. Situés sur le couloir de la mort, les bâtiments et les véhicules du Cesti ont été sauvagement brûlés. Dans les facultés, le décor est désolant. A la Faculté des lettres, les départements de philo et d’histoire attaqués, les vitres des bâtiments cassées. En outre, les véhicules particuliers stationnés devant les édifices administratifs ont été mis à feu.
Avenir incertain
Les scènes de violence constatées dans les campus social et pédagogique de l’université, et le climat politique très tendu n’ont pas laissé indifférente l’autorité rectorale. Ainsi, pour éviter de nouvelles intrusion de ces «casseurs et brûleurs» dans l’espace universitaire, les autorités ne semblent vouloir prendre aucun risque. Dans un communiqué très bref, le Recteur, par ailleurs président de l’Assemblée de l’université, a décidé de suspendre les enseignements jusqu’à nouvel ordre, en raison de la situation de violence qui sévit et du saccage de certains établissements.
Alpha SYLLA