Après sa sortie assumée sur l’importance de la réconciliation nationale et à éviter une justice des vainqueurs, Abdourahmane Diouf s’est retrouvé dans le viseur de certains responsables de l’establishment de Pastef. 

Par Justin GOMIS – La sortie très commentée du ministre de l’Environnement a provoqué la colère des responsables de Pastef. Le maire de Dakar Abass Fall a eu des mots durs pour charger le leader du parti Awalé : «Quelle honte et quelle ingratitude !» «L’his­toire me donne raison. J’avais refusé de faire partie de ce groupe qui devait aller rencontrer ce monsieur pour le faire venir dans la coalition, surtout qu’il ne restait que deux semaines pour aller aux élections. J’avais donné mes raisons et elles se confirment aujourd’hui. C’est ce même monsieur qui disait que la candidature du Président Diomaye n’était pas acquise. Les archives sont là. Je n’oublie pas aussi ses accusations à peine voilées contre Pastef à propos de ce prétendu attentat de Yarakh.» Il ajoute : «Il parle de justice des vainqueurs, donc il doute de la capacité de la ministre de la Justice à être juste. C’est discourtois et inintelligent. Nous réclamons justice tout court, pas une justice des vainqueurs.» L’ex-ministre du Travail y va à fond : «Vous surfez certainement sur une supposée brouille entre les deux frères de parti que rien ne pourra séparer. Entre les deux, l’histoire ne se résume pas à un compagnonnage politique. Entre les deux, il y a toute une philosophie de l’amitié et de la considération. Calmez-vous profitards !»

Dans le même sillage, Tous­saint Manga estime que le ministre de l’Environnement s’est trompé dans l’utilisation des mots. «Les mots ont leur sens, il y a un écart considérable entre rendre justice et se venger ; impunité et pardon ; réconciliation et compromission.» Le Dg de la Lonase enchaîne avec une charge plus lourde en wolof : «Si tu n’as pas connu la prison et que tu n’as pas vécu l’injustice, tu peux tout théoriser. C’est aujourd’hui que ces gens peuvent parler.»

Parmi les réactions outrées, il y a aussi celles de Nit Doff : «Nous resterons intransigeants pour préserver ce pour quoi nous avons tout sacrifié. Pas de concession, pas d’hésitation : ceux qui cherchent à nous affaiblir devront mesurer notre détermination. La sortie de Abdourahmane Diouf n’est qu’un premier acte, ils ont leur plan et nous connaissons tous de quoi il s’agit (…) En parlant de réconciliation, de prise de responsabilité et de faire bloc, Abdourahmane Diouf fait un appel à l’opposition et aux éternels haineux pour isoler Pros et le Pastef, faisant sous-entendre qu’ils constituent un obstacle pour la paix et l’union des Sénégalais.»

Cette sortie de Diouf a provoqué aussi la réaction des défenseurs des droits de l’Homme, à l’image de Seydi Gassama qui n’a pas caché sa déception. «La réconciliation sans justice et réparations est une réconciliation entre politiciens pour le partage du gâteau et le pillage des ressources du pays. Lorsque justice aura été rendue, les victimes peuvent pardonner et l’Etat peut prendre des mesures pour une vraie réconciliation», écrit le Directeur exécutif d’Amnesty Sénégal sur X. Alors que Alioune Tine a une position plus accommodante. «Le mi­nistre Abdourahmane Diouf va dans le sens de sortir le Sénégal des psychodrames politiques permanents pour enfin décoller. Le Sénégal a tout, vraiment tout, et surtout les hommes qu’il faut pour décoller», a écrit M. Tine.
Lors d’une émission sur Rsi, Abdourahmane Diouf a insisté sur l’importance de la réconciliation nationale et l’impératif de dépasser les clivages partisans. «Le président de la République ne gère pas un parti, il gère un pays. Ce pays est à un niveau de fracture indésirable, il est temps de décoller», explique le président d’Awalé, membre de la Coalition Diomaye-Président.
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