«L’archéologie au Sénégal» cherche à démocratiser cette discipline «qui essaie d’accéder au passé à travers les sources matérielles», comme l’explique un de ses initiateurs, le Pr Ibrahima Thiaw de l’Unité de recherche en ingénierie culturelle et anthropologie (Urica) de l’Institut fondamental d’Afrique noire (Ifan- Cheikh Anta Diop). Sur neuf bannières, en français et en wolof, sont présentés des objets qui contribuent à la compréhension du passé du Sénégal.Par Mame Woury THIOUBOU –

L’archéologie a toujours été un pont entre le passé et le présent. Mais la discipline n’est pas très bien connue des populations. «L’Archéologie au Sénégal» est une exposition mise en place par l’Unité de recherche en ingénierie culturelle et anthropologie (Urica) de l’Institut fondamental d’Afri­que noire (Ifan- Cheikh Anta Diop), le bureau des partenariats stratégiques du Musée national de l’histoire et de la culture afro-américaine (Nmaahc) et le Service des expositions itinérantes (Sites) de l’Institution Smithsonian, avec le soutien de la Fondation Wenner-Gren pour la recherche anthropologique. «En archéologie, on se moque souvent de ce que nous faisons. Certains pensent que nous passons notre temps à ouvrir des tombes et à collecter des restes humains. Ce qui est totalement faux comme le montre cette exposition. L’archéologie est tout simplement une discipline qui essaie d’accéder au passé à travers les sources matérielles. Et ces sources ont la particularité d’être empiriques, visibles. Vous pouvez les toucher, les palper, les sentir ou même les gouter», a expliqué le Pr Ibrahima Thiaw en marge du lancement de l’exposition au sein du Centre ouest-africain de recherche (Warc). Selon l’archéologue, les objets exposés, fruits de découvertes dans différentes parties du pays, peuvent permettre de déconstruire toute une idéologie qui a été disséminée par le biais de l’écrit et validée par le siècle des Lumières en Europe où le Noir était considéré comme quelqu’un «qui ne pensait pas». «C’est tout le sens de cette exposition, raconter notre histoire à partir des objets. Et nous voulons que ça soit transformationnel et accessible à nos enfants et à toutes les couches de la société parce que c’est le contribuable sénégalais qui paie nos salaires et nos recherches», souligne-t-il. Au total, neuf bannières en français et wolof, permettent d’expliquer comment la culture matérielle contribue à la compréhension des valeurs, des expériences et de la complexité du passé du Sénégal. «Les types d’objets sont très variés. Il peut s’agir de petits fragments de céramique ou de pièces aussi célèbres que le pectoral de Rao ou une perle en or que nous avons trouvée en 2012 dans un tumulus quelque part au centre du Séné­gal», souligne le Pr Thiaw connu pour ses travaux d’archéologie marine autour de la rade de Gorée.
Traduites en wolof, les bannières de l’exposition visent principalement à démocratiser cette discipline. «Nous avons prévu de faire des audios en pulaar et en sérère et c’était mon grand combat. Il est important que l’on valorise nos traditions orales. Il y a une sorte de fétichisation de l’écrit qui nous fait croire que si ce n’est pas écrit, ça n’a pas de valeur. Il y a beaucoup de valeurs dans nos traditions orales et nous devons faire en sorte que ces informations soient plus accessibles à nos communautés.» L’archéologue estime ainsi que pour démocratiser l’archéologie, il faut déjà en comprendre la valeur éducationnelle mais aussi faire de sorte que tout un chacun puisse en tirer profit. «Il n’est pas normal d’aller dans le village le plus reculé de ce pays, faire ses recherches et publier un article dans une revue et que la communauté dans laquelle vous avez fait ces recherches n’ait aucune idée de ce que vous avez trouvé. Pour que l’archéologie soit plus démocratisée, il faut qu’elle soit plus accessible, plus digeste et qu’on puisse montrer sa vraie valeur», plaide le Pr Thiaw.
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