Sur 6 000 bobines renfermant des archives des «Actualités sénégalaises», seules 600 ont pu être sauvées. Et encore, elles sont dans des conditions de conservation qui les mettent en péril. Pour le monde du cinéma, cette situation s’ajoute à celle des archives de l’Afrique occidentale française (Aof) encore aux mains de l’Institut national de l’audiovisuel de France (Ina). Devant le ministre de la Culture et de la communication Abdoulaye Diop, les acteurs du cinéma sénégalais ont invité l’Etat à agir.
Selon le directeur de la Cinématographie, Hughes Diaz, sur les 6 000 bobines de ces «Actualités sénégalaises» filmées entre 1960, 70 et dans les années 80, seules 600 bobines ont pu être sauvées. Mais la question est loin d’être réglée puisque ce patrimoine est toujours en péril. Ces bobines de 16 et 35 mm contiennent des images des activités politiques et socio-économiques du Sénégal dans ces années post-indépendance. Avant les indépendances, durant la période coloniale également, le Sénégal a généré d’importantes archives sur les activités politiques dans la zone de l’Aof. Ces archives sont monnayées aujourd’hui à prix d’or par l’Ina. Une situation qui hérisse le monde du cinéma sénégalais. Ces acteurs n’ont pas manqué de le faire savoir ce vendredi au nouveau ministre de la Culture et de la communication Abdoulaye Diop qui a démarré ses visites de prise de contact par la Direction de la cinématographie (Dci). «Notre patrimoine dors en France. Il faut une décision de l’Etat pour que la France restitue cette mémoire», alerte le Pr Maguèye Kassé, enseignant et critique. Pour le journaliste et critique de cinéma Baba Diop, ces archives sont constituées de toute la mémoire des pays de l’ex Aof. «Une minute d’archives peut coûter plus de 300 mille francs Cfa et ces actualités rapportent beaucoup d’argent à la France». Des pistes de coopération existent, souligne Baba Diop qui cite la Cinémathèque de Bologne qui a déjà réalisé de gros efforts de restauration d’œuvres cinématographiques africaines. Il cite également le réalisateur américain Martin Scorsese, très engagé dans ce combat. Pour le directeur de la Cinématographie Hughes Diaz, cette question de la préservation et de la valorisation du patrimoine audiovisuel sénégalais est au cœur des préoccupations de son département.
Abdoulaye Diop à l’écoute
Devant ces acteurs, le ministre de la Culture et de la communication a adopté une posture d’écoute. Ainsi, Abdoulaye Diop a choisi d’écouter les pistes de solutions offertes par les acteurs du cinéma. «Je suis venu écouter et voir comment le cinéma peut aller de l’avant», a-t-il souligné. A cela, le réalisateur Alain Gomis recommande plus de pragmatisme. «Le Sénégal perd beaucoup de temps.» Il souligne ainsi la nécessité de travailler à structurer le secteur. «Le Sénégal est en position de faire ce grand pas qu’on attend», souligne le double Etalon d’or du Fespaco. A ces questions, Baba Diop ajoute celle de la formation avec la fermeture du Master de réalisation documentaire de l’Université de Saint-Louis. Pour sa part, Maguette Diop de Cinéastes sénégalais associés (Cineceas) rajoute aux doléances la création d’un Centre national du cinéma (Cnc). Il recommande également une réflexion autour des moyens à mettre en œuvre pour financer le cinéma sénégalais dans la mesure où les télévisions ne participent pas aux financements des productions. La Dci, dans ses actions stratégiques, envisage la création d’une Cité du cinéma au Lac Rose, informe le directeur Diaz. De même, une caravane nationale du cinéma est en projet, en alternance avec les Rencontres cinématographiques de Dakar (Recidak). Au terme de sa visite, Abdoulaye Diop a donné rendez-vous au monde de la culture pour des réflexions plus poussées.
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