Le juge du deuxième Cabinet d’instruction du Tribunal de Dakar n’a pas pu entendre Me Ngagne Demba Touré, hier. Les greffiers se sont rassemblés en masse devant son bureau pour empêcher l’audition de leur collègue. Le greffier, qui devait prendre l’audition, a tout bonnement refusé de le faire. L’audition est reprogrammée pour aujourd’hui. Me Touré est accusé d’association de malfaiteurs en rapport avec une entreprise terroriste, d’offense au chef de l’Etat, d’actes de nature à compromettre la sécurité publique ou ayant entraîné des troubles politiques graves. Par Malick GAYE –
Me Ngagne Demba Touré devait passer sa première nuit en prison hier. Cueilli à son domicile à Dakar par la Division des investigations criminelles (Dic) dans le cadre de l’exécution d’un mandat d’arrêt international, il devait être entendu par le juge d’instruction du 2ème Cabinet du Tribunal de Dakar et transféré à la Maison d’arrêt et de correction (Mac) de Reubeuss. Mais ses collègues en ont décidé autrement. En effet, ils se sont rassemblés devant le bureau du juge Mamadou Seck pour empêcher l’audition. Le greffier qui était à l’intérieur du bureau a tout bonnement refusé de prendre l’audition.
Devant ce fait, l’audition a été reportée jusqu’à ce matin.
Coordonnateur de la Jeunesse patriotique du Sénégal de l’ancien parti Pastef, Me Ngagne Demba Touré est poursuivi pour 5 chefs d’accusation. Il est accusé d’association de malfaiteurs en rapport avec une entreprise terroriste, d’offense au chef de l’Etat, d’actes de nature à compromettre la sécurité publique ou ayant entraîné des troubles politiques graves. Il est aussi accusé d’atteinte à l’autorité de la Justice et d’outrage à magistrat.
Greffier de formation, Me Touré est revenu au Sénégal dimanche dernier, après un exil de six mois au Mali et au Maroc. Il a été aperçu dans plusieurs vidéos publiées par les médias, dans lesquelles on le voit acclamé par ses partisans célébrant son retour. La scène se serait passée à Grand-Yoff selon plusieurs organes. Dans l’une des vidéos, le leader de la Jeunesse patriotique du Sénégal de l’ancien parti Pastef, vêtu d’un t-shirt avec le nom de Ousmane Sonko dessus, se hisse sur le toit d’une voiture, au milieu d’une foule.
Faut-il le rappeler, Me Ngagne Demba Touré avait quitté Dakar pour rejoindre Bamako le 10 août dernier, après une convocation de la Dic. Il faisait partie des gens qui appelaient les jeunes à faire «de la libération de Ousmane leur combat». Ayant choisi de ne pas déférer à la convocation de la Dic, le juge Mamadou Seck du 2ème Cabinet d’instruction avait émis un mandat d’arrêt international le 22 septembre 2023.
Pour Me Khouressy Ba, son avocat, «divers délits dont la gravité exagérée tranche avec la personnalité du mis en cause pèsent à son encontre». Ce mouvement d’humeur improvisé des greffiers interpelle. En effet, les chefs d’accusation qui pèsent contre Me Ngagne Demba Touré sont des actes posés hors du cadre de la profession. Les greffiers feraient-ils du «corporatisme» ? «Ce n’est pas le cas», a soufflé un greffier joint par téléphone. «Il faut qu’on arrête d’incarcérer les gens pour leur opinion politique. Quand on touche à un membre de la corporation, c’est toute la profession qui est touchée (…). Ils peuvent nous remplacer par les gendarmes s’ils veulent, mais nous allons maintenir la pression jusqu’à ce qu’il soit libre», a-t-il précisé.
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