Arrestation d’un journaliste : Comlan Sossoukpè mis en examen et placé sous mandat de dépôt

Après son interpellation en Côte d’Ivoire le 10 juillet et son extradition au Bénin, le journaliste béninois Hugues Comlan Sossoukpè a été présenté, ce lundi 14 juillet 2025 à Cotonou, au Juge des libertés et de la détention de la Criet. Il est inculpé pour plusieurs infractions. Hugues Comlan Sossoukpè, fondateur du journal Olofofo interdit au Bénin, signait des articles et posts très critiques et accusateurs contre le chef de l’Etat béninois, Patrice Talon.
Le juge a retenu quatre chefs d’inculpation contre lui. Hugues Comlan Sossoukpè est mis en examen pour cyberharcèlement, incitation à la haine et à la rébellion, et apologie du terrorisme. Il est également placé sous mandat de dépôt et retourne à la Maison d’arrêt de Ouidah d’où les gardes pénitentiaires l’ont extrait ce lundi pour l’emmener, menotté, à la Criet. L’audience a duré plus de deux heures à la Commission d’instruction, en présence de cinq avocats représentants un collège d’une dizaine de conseils. Selon des indiscrétions, Hugues Comlan Sossoukpè s’est exprimé juste pour plaider non coupable des faits dont on l’accuse.
Arrêté malgré son statut de réfugié
Ses avocats, pour le défendre, ont insisté sur son statut de réfugié qui le protège, et dénoncé sa remise aux autorités béninoises après son interpellation. Ils ont plaidé la liberté provisoire, la libération sous caution et le placement sous contrôle judiciaire. La Chambre d’instruction ne les suivra pas. «Nous avons plaidé devant des sourds», déplore Me Aboubakar Bah Parapé. Hugues Comlan Sossoukpè restera en détention le temps de l’instruction. En matière de délit, le magistrat instructeur dispose d’un délai maximum de 18 mois pour clôturer l’information. «C’est absolument inédit qu’un Etat livre un journaliste qui a un statut de réfugié dont elle ne peut ignorer qu’il est persécuté et qu’il se retrouverait en prison. Qui plus est, quand ce même Etat, la Côte d’Ivoire donc, l’avait invité officiellement en payant ses frais de transport et son hôtel dans le pays. Puis, autre circonstance quand même très aggravante, les moyens colossaux qui ont été déployés par l’Etat de Côte d’Ivoire pour arrêter ce journaliste, comme si c’était l’un des pires criminels recherchés dans la région, en utilisant ses Forces de sécurité et puis en affrétant un avion privé pour pouvoir le rendre à l’Etat du Bénin. Enfin, on est sur des circonstances qui sont totalement hallucinantes, au mépris des règles les plus élémentaires du Droit international, de la Convention de Genève. On ne peut évidemment pas laisser passer ça quand on défend le journalisme», dénonce Arnaud Froger de Rsf.
Extradé par la Côte d’Ivoire
Il devait couvrir la première édition de l’Ivoire Tech Forum. Comlan Sossoukpè y a été convié par le ministère ivoirien de la Transition numérique, dans une lettre datée du 3 juillet, authentifiée par Rfi. Le directeur d’Olofofo arrive donc de Lomé le matin du 8 juillet, avant de poser ses valises dans un hôtel de Cocody. Dès le lendemain, le journaliste écrit ses premiers articles sur l’Ivoire Tech Forum. En fin d’après-midi, le 10 juillet, Comlan Sossoukpè fait un dernier post sur Facebook. Depuis, ses proches, aussi bien à Cotonou qu’à Abidjan, n’ont plus eu de ses nouvelles. Selon les réceptionnistes de son hôtel, sa chambre a été libérée sans check out, trois jours avant la fin prévue de son séjour, le 13 juillet. D’après les informations de Rfi à Cotonou, le webactiviste aurait été remis aux autorités béninoises dans des circonstances encore à élucider. Contacté par Rfi, le ministère ivoirien de l’Intérieur n’a pas donné suite à nos sollicitations. ( …)
Rfi