«Héritage», c’est le nom de l’exposition du street artiste JoneOne au Musée des civilisations noires de Dakar. Du 12 au 22 novembre, le musée accueille les toiles bariolées de l’artiste d’origine dominicaine qui se réjouit des échanges et expériences offerts par la capitale Sénégalaise.

Comme sur la plage, c’est à l’aide de cals qu’un groupe de pêcheurs fait glisser la pirogue. Centimètre par centimètre, elle est introduite dans l’espace d’exposition du Musée des civilisations noires. Quelques heures auparavant, cette pirogue gisait sur les berges de Soumbédioune, livrée au savoir-faire des charpentiers locaux. D’abord recouverte des couleurs habituelles par les artistes du cru, la pirogue est ensuite devenue une véritable œuvre d’art par le génie de l’artiste américain JoneOne qui, le temps d’une matinée, a laissé libre court à son inspiration. Le résultat sera une des pièces de l’exposition que l’artiste tient au Musée des civilisations noires de Dakar (Mcn). A la veille du vernissage, JonOne, John Andrew Perello de son vrai nom, a installé ses quartiers au cœur du musée. Face à la presse, le street artiste de renommée internationale n’a pas caché son enthousiasme d’exposer ses pièces dans cet endroit. «Nous devons tous quelque chose à l’Afrique», a souligné l’artiste dont l’exposition s’intitule Héritage. «Héri­tage est venu tout naturellement. C’est ma connexion avec l’Afrique, avec mes racines caribéennes», explique l’artiste originaire de Saint Domingue, mais né à New York aux Etats-Unis. JoneOne estime ainsi que sa présence a Dakar «a beaucoup de sens». Au moment où l’Europe, notamment Paris, où l’artiste s’est installé en 1987, vit replié sur elle-même du fait de la pandémie, JoneOne savoure visiblement sa présence en Afrique. «Personne ne fait d’expositions avec Covid-19. Tout est fermé, mais moi je suis ici», s’exclame-t-il tout joyeux. A côté de la pirogue un cercle formé de planches de surf. Ces objets ont la particularité d’avoir été fabriqués en terre africaine par une firme ivoirienne. Sur ces planches, l’artiste a tracé son nom. «Ecrire mon nom, c’est un prétexte, mais ce n’est que de l’abstraction lyrique pour composer une poésie», explique-t-il tout en professant sa fascination pour ce sport. «J’aime le monde de la glisse. Il faut glisser, ne pas être figé et rêver.»
Présent à Dakar après une première exposition à la galerie Art time d’Abidjan du 20 février au 21 mars 2020, JoneOne ne crache pas sur son plaisir. Surtout de rencontrer de jeunes artistes africains. «Ma peinture vient du hip-hop, mais maintenant c’est devenu plus diversifié», expli­que l’artiste dont les premières expériences dans le street art remontent au métro de New York. Au total, l’exposition Héritage propose 26 œuvres sur toiles, 10 planches de surf confectionnées à la main en Côte d’Ivoire par l’atelier The West factory et une pirogue d’un village de pêcheurs redésigné par JoneOne. A l’intérieur du musée, sur un mur de 70 m, le street art a pris place aux couleurs du drapeau sénégalais.
Avec cette exposition qui va durer jusqu’au 22 novembre, la Galerie abidjanaise tenue par deux jeunes galeristes, Guil­laume Studer et Alix Panizzoli, réussit un grand coup. L’artiste ne cesse en effet de gagner de la valeur au fur et à mesure que l’art urbain gagne en notoriété sur la scène mondiale de l’art. «Les prix augmentent de 5 à 20% chaque année en moyenne. C’est un artiste qui ne connaît pas de récession ni de crise dans ses prix. Ces toiles sont vues par certains comme des produits financiers, mais ce n’est pas son objectif premier. Dans dix ans peut-être, les gens diront, cette année il y a très peu de toiles qui ont été produites et donc celles de 2020 seront très demandées», explique M. Studer. Ainsi les œuvres de l’artiste atteignent parfois des sommes folles. La Rolls Royce de Eric Cantona, peinte par le graffeur, a rapporté la somme de 125 mille euros au profit de la Fondation Abbé Pierre.

Exposition majeure
Aussi l’organisation de cette exposition est-elle une œuvre de longue haleine. «Les choses ont commencé à mûrir depuis un an, mais ça a commencé à se mettre en place depuis le début de l’année. Dans des institutions comme ça et avec un artiste comme ça, généralement les choses sont assez longues. Un musée classé par le Times comme le 7e lieu phare à voir au moins une fois dans sa vie, c’est un musée très prisé, qui a beaucoup de demandes et d’évènements. Pareil pour John qui est une star», explique M. Studer. Mais qu’à cela ne tienne, l’audace des jeunes galeristes a payé. «C’est pratiquement impossible de décrocher un artiste comme ça parce que la plupart d’entre eux ont déjà des galeries fixes avec lesquelles ils travaillent depuis des années. Et puis ce n’est pas tous les marchés au monde qui sont attirés par ce type d’art, mais nous on aime prendre des risques, faire des paris et faire confiance à des gens qui nous font confiance également. Lui a vu, comme il l’a dit, des jeunes Africains qui avaient la hargne», souligne M. Studer.

Musée des civilisations noires : Réouverture le 6 décembre

Le Musée des civilisations noires (Mcn) de Dakar, fermé depuis mars dernier, sera rouvert à partir du 6 décembre prochain, annonce sa direction générale dans un communiqué. «La réouverture officielle du Musée des civilisations noires sera effective le 6 décembre 2020», déclare la même source, rappelant que le Mcn a été inauguré à la même date, il y a deux ans. Les horaires d’ouverture sont maintenus, de 9 heures à 19 heures, du mardi au dimanche, selon le communiqué. Un «protocole (sanitaire) strict» sera en vigueur en permanence, au musée, pour la prévention du Covid-19. «Nous comptons sur la coopération de tous pour le respect des mesures barrières, pour rendre vos visites au Mcn agréables et sécurisées», affirme la direction générale du Mcn. En prélude à la réouverture du musée, un «accès libre et gratuit» sera offert au public pour deux nouvelles expositions temporaires. Il s’agit de l’exposition Héritage du graffiteur américain JonOne que l’on peut voir du 13 au 22 novembre, et d’une autre prévue du 27 novembre au 5 décembre, pour la célébration des quarante ans d’activité artistique du peintre sénégalais Kalidou Kassé.
Aps