Il est l’un des artistes de l’Ecole de Dakar les plus méconnus. Dans le cadre de la 11e édition du Partcours, l’Atelier céramique des Almadies a accueilli une rétrospective des œuvres de Abou Ndiaye. Hommage rendu possible grâce aux collectionneurs privés, Alioune Thiam et Eiffage.Par Mame Woury THIOUBOU –

Difficile de mettre des mots sur le style de l’artiste Abou Ndiaye. Quand ils s’y essaient, aussi bien Mauro Petroni, un des initiateurs du Partcours, que la galeriste, Khady Thiam, s’arrêtent très vite pour dire que c’est un style particulier à définir. Mais c’est aussi ça le génie de Abou Ndiaye. Cité parmi les artistes de l’Ecole de Dakar, il n’a toutefois pas bénéficié de l’ombre tutélaire du Président Senghor. C’est sans doute ce qui explique le relatif anonymat dans lequel il a vécu. Très peu connu, trop tôt disparu, Abou Ndiaye a été mis à l’honneur par les Ateliers céramiques de Mauro Petroni, ce dimanche dans le cadre de la 11e édition du Partcours. Grâce à une collaboration entre La galerie de mon père et la collection Eiffage, une rétrospective des œuvres de l’artiste a été organisée. «C’est surtout un devoir de mémoire», souligne Mauro Petroni. En effet, Abou Ndiaye est un personnage particulier et sa peinture reflète cette singularité. «Son langage est codé, la forme humaine se fait rare, elle laisse la place à des espèces surréelles de mollusques, d’écorces de fruits imaginaires, de boucliers en cuir ou de selleries touareg», écrit a son propos M. Petroni. Même une 3e place au Grand prix du Président Senghor ne suffit pas à faire décoller sa carrière. Le commissaire de l’exposition fait ainsi le parallèle entre le style du Rufisquois et celui de l’artiste italien de la première moitié du 20e siècle, Alberto Savinio, connu pour sa «peinture métaphysique». «J’aime particulièrement l’univers de Abou Ndiaye, sa technique un peu abstraite, avec beaucoup de relief, et qui ressemble un peu à un art asiatique. Et cette exposition lui rend hommage parce que c’est l’un des artistes de l’Ecole de Dakar les plus méconnus et qui mérite d’être mis en lumière», souligne Khady Thiam, fondatrice de La galerie de mon père.

Malgré tout, la peinture de Abou Ndiaye reste «inclassable». «Il n’est pas dans un style précis et c’est surtout quelque chose qu’on n’a jamais vu au Sénégal, même s’il a travaillé pendant une quinzaine d’années à Dakar, très peu de monde le connaissait. C’est un personnage un peu particulier qui n’a pas fait d’exposition importante et il n’était pas dans le giron des artistes protégés par le Président Senghor, donc il vendait ses tableaux un a un à des collectionneurs. Et c’est grâce à ces collectionneurs que nous avons monté cette exposition», explique Mauro Petroni qui avoue avoir eu même du mal à mettre un visage sur le nom de l’artiste disparu en 2009. Si l’hommage à Abou Ndiaye a été possible, c’est parce que le collectionneur, Alioune Thiam, qui possède un important patrimoine des œuvres du peintre, a donné la main à la Fondation Eiffage qui a récupéré la donation du collectionneur bordelais, Henry Barbier, dans laquelle l’artiste est bien représentée. Frère aîné de Abou Ndiaye, Idrissa Ndiaye a montré toute la surprise de la famille devant cette exposition qui a attiré un nombre important de visiteurs. «Je me rends à peine compte de l’ampleur de tout ça», dit-il en expliquant que son frère, élève à l’école des Beaux-arts, avait été repéré par un de ses enseignants, Pierre Lods. Artiste méconnu, Abou Ndiaye a quitté ce monde sans avoir pu vivre pleinement de son art. Après sa mort, ses peintures inachevées ont été la proue de l’usure du temps. Seules les œuvres aux mains des collectionneurs rappellent encore le génie de l’homme.
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