La onzième édition du Salon des arts visuels se tient à Dakar du 17 juillet au 17 août. Entre la Galerie nationale d’art et le Centre culturel Blaise Senghor qui accueille les jeunes révélations, les expositions de cette présente édition donnent un large panorama des arts visuels au Sénégal autour du thème «Benn Bopp».Par Mame Woury THIOUBOU –
«Benn Bopp», c’est ainsi que se décline la proposition curatoriale de cette onzième édition du Salon national des arts visuels du Sénégal. Lancé ce lundi 17 juillet, l’évènement réunit pendant un mois, des dizaines d’artistes plasticiens, sculpteurs, photographes. Pour cette onzième édition, la Galerie nationale d’art accueille l’exposition principale, tandis que le Centre culturel régional Blaise Senghor accueille les jeunes révélations. La cérémonie de lancement a également été un moment de couronnement avec la remise du Grand Prix du président de la République doté d’un chèque de 10 millions de francs Cfa à Alioune Ba pour son installation Mère porteuse. «C’est une interrogation sur l’intervention de la technologie dans la procréation. On savait avant que pour avoir des enfants, il faut un homme et une femme. Aujourd’hui, deux hommes ou deux femmes peuvent avoir des enfants sans passer par les voies traditionnelles», a expliqué l’artiste. Le Prix du Premier ministre est revenu à Mbaye Babacar Diouf avec son œuvre, une installation intitulée Le jardin des vertus. Cette installation est composée d’une multitude de petites calebasses reposant sur du sable dans lequel l’artiste a creusé d’innombrables «puits» contenant des matières diverses. Selon l’auteur, l’installation fait référence à un hadith du Prophète. «Mon travail est toujours marqué par la spiritualité. Jardin des vertus est une œuvre inspiré d’un hadith du Prophète qui, parlant des vertus a ses compagnons, leur a dit : «Il existe 360 vertus. Si vous en possédez une, vous irez au Paradis (…).» C’est pour dire aux gens que dans nos cœurs, on devrait porter ces valeurs nobles qui illuminent la vie humaine, qui sont le socle de l’harmonie de l’humain et sans ces valeurs, on ne saurait même parler d’humanité», souligne l’artiste. Chez les jeunes espoirs, le Prix jeune révélation est revenu à Serigne Gorgui Mbaye pour son œuvre Benn Say et le Prix d’encouragement à Bassirou Ndiaye pour son œuvre Africanus.
Cette onzième édition du Salon des arts visuels tourne autour du thème «Benn Bopp». Selon le commissaire de l’exposition, Massamba Mbaye, ce thème n’est pas un enfermement, mais une ouverture. «Parce qu’il est de la fonction essentielle de toutes les civilisations et de toutes les cultures d’être dans une dynamique, et cette dynamique d’ouverture n’occulte en rien la part fondamentale qui traverse historiquement, quotidiennement et va sûrement traverser nos projections.» Venu présider l’évènement, le Premier ministre Amadou Ba a insisté sur l’opportunité que représente le Salon national des arts visuels pour mettre en lumière le talent et la créativité des artistes sénégalais. «C’est un moment privilégié pour découvrir et apprécier la diversité des expressions artistiques qui caractérisent notre pays. Il est également un moment de rencontre et d’échange entre les artistes, les critiques d’art, les collectionneurs et le public. Il favorise les débats et les discussions autour de l’art contemporain, contribuant ainsi à l’animation artistique du pays», souligne-t-il. Il incite ainsi les administrations publiques du pays à acquérir des œuvres d’art.
Le vivre-ensemble magnifié
Autour du thème «Benn Bopp», les artistes sélectionnés ont décliné des propositions parfois époustouflantes. C’est le cas de l’installation réalisée par l’artiste Papa Samba Ndiaye. Cette œuvre, intitulée Appel à l’entrelacement, est faite d’une multitude de bouts de pneus peints en blanc, représentant un portrait traversé en son centre par des fils entrecroisés. Marie Dione représente sur une matrice circulaire des formes et des symboles. Tous liés, le titre de l’œuvre renvoie, selon elle, aux liens que nous avons entre êtres humains. «Que nous soyons du Nord, du Sud, que nous soyons noirs, jaunes, on est condamnés à être liés. Quand on regarde le tableau, j’ai développé des pictogrammes qui lient des formes végétales, humaines et animales. Parce que nous sommes liés en tant qu’êtres humains, mais nous sommes liés aussi aux animaux et aux végétaux. L’exemple du coronavirus est assez explicite.» Photographe, Baba Diédhiou a décliné le vivre-ensemble autour de la diversité ethnique. Des femmes vêtues des atours caractéristiques de leurs ethnies posent pour l’artiste. «C’est du digital painting. Une façon de révolutionner la photographie et on parle de post-photo. Une fois qu’on a réalisé la photo, on pousse le spectateur à venir vivre l’instant vie de la photographie», explique l’artiste. Dans un autre registre, Abdoulaye Ndiaye, qui navigue entre la musique et l’art plastique, propose une sculpture accrochée au mur. Il s’agit de bâtons de Kinkéliba liés entre eux. «Quand on a un enfant au Sénégal, on ne dit pas qu’on a un enfant, mais «benn bant», un bâton. Ce bâton représente une personne et j’ai utilisé des lianes pour représenter les liens que nous partageons.» Pape Issa Diouf présente Tissé, un portait fait à base de collage de pagne tissé et de pointillés. «Nous avons différentes ethnies qui vivent en parfaite harmonie (…) c’est le brassage, l’union» dit-il.
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