Etouffée, la presse du Sénégal entend bien se battre jusqu’au bout. Hier, la Coordination des associations de presse a rencontré les organes menacés de fermeture. A l’issue de la rencontre, un plan d’actions a été rendu public.

Par Mame Woury THIOUBOU – «La presse sénégalaise, aujourd’hui, ressemble à un George Floyd étouffé par les institutions censées la protéger. L’Etat, censé garantir sa liberté et sa sécurité, la matraque, l’empêche de respirer et l’étouffe lentement par des mesures injustifiées (la circulaire du Premier ministre en mai 2024, qui a conduit à la rupture unilatérale des contrats avec des entreprises publiques et parapubliques).» C’est en ces termes que la Coordination des associations de presse (Cap) a lancé hier la résistance face aux décisions controversées du ministre de la Communication, des télécommunications et du numérique dont les services viennent de mettre en branle la police pour faire arrêter l’activité de plus de 300 organes de presses déclarés «non conformes» suite au processus de validation via la plateforme «Déclaration médias du Sénégal».

Ces derniers mois ont été éprouvants pour la profession, et la fermeture annoncée de ces 300 médias est sans doute la goutte d’eau de trop. «Après une asphyxie financière de plus de dix mois, le ministère de la Communication, des télécommunications et du numérique a décidé de passer à la vitesse supérieure. Avec à la clé, la publication de son arrêté du 22 avril 2025 -011059, doublée d’une assignation de la Direction de la surveillance du territoire (Dst) portant cessation immédiate d’activité des entreprises de presse jugées non conformes au Code de la presse», dénonce la Cap, qui a rencontré hier les médias en question. Face à la presse, Ibrahima Lissa Faye, Mamadou Ibra Kane et Moustapha Cissé, Secrétaire général du Syndicat des professionnels de l’information et de la communication (Synpics), ont révélé qu’une vingtaine de responsables de médias ont déjà été convoqués dans les locaux de la Direction de la surveillance du territoire (Dst) pour se voir délivrer ces assignations. «Et, dans les prochaines heures, d’autres vont suivre parce que plus de 200, voire 300 médias devraient être concernés par la mesure.»

Sit-in au ministère de la Communication
Quelle riposte les associations de la presse vont-elles mener ? Déjà, un sit-in devant les locaux du ministère de la Communication est annoncé par la Cap. Mais la bataille sera aussi juridique. «La Cap appelle tous les membres des différentes organisations à se mobiliser pour faire face à ces multiples forfaitures. Un formulaire est lancé à partir d’aujourd’hui pour répertorier toutes les entreprises de presse déclarées «non conformes», afin de les accompagner avec des avocats. Tous les responsables des médias sont appelés à déposer individuellement, le même jour, un recours devant la Chambre administrative de la Cour suprême.» En outre, les organisations de la presse comptent bien se faire entendre. C’est dans ce sens qu’une série de rencontres seront aussi initiées durant tout le mois de mai, «en synergie avec les organisations syndicales, le patronat, les organisations de défense des droits de l’Homme, les membres de la Société civile et d’autres identités remarquables de ce pays».

Il faut rappeler que depuis l’arrivée au pouvoir du Président Diomaye Faye, la presse est soumise à un régime sec. En plus d’avoir rompu de façon unilatérale les contrats publicitaires le liant à ces organes de presse, le nouveau gouvernement a également brillé par un contrôle strict de l’espace public et des libertés d’expression. De plus, le blocage du Fonds d’appui et de développement de la presse (Fadp) ainsi que l’arrêt de l’édition des cartes nationales de presse depuis février 2024 viennent s’ajouter à une fragilisation du Conseil national de régulation de l’audiovisuel (Cnra). Selon la Cap, le Cnra est fragilisé par les actions du ministère et de la Tds, et ne peut actuellement rien faire à cause de la non-installation de son organe délibérant. «Il est même vidé de sa substance par la Commission d’examen et de validation des entreprises de presse.»
mamewoury@lequotidien.sn