Le climat politique du pays semble voguer vers des horizons de paix et de réconciliation. Du moins, c’est l’objectif avancé par le projet de loi d’amnistie adopté hier, à l’Assemblée nationale, par 94 voix pour, 49 contre et 3 abstentions. L’adoption de ce projet de loi, défendu par le ministre de la Justice, Garde des sceaux, Me Aïssata Tall Sall, va effacer les séquelles des dissensions politiques et sociales qui ont secoué le pays entre 2021 et 2024.

Me Aïssata Tall Sall, ministre de la Justice, Garde des sceaux,

Par Ousmane SOW – «Nous avons le devoir de nous retrouver, de nous rassembler en tant que Sénégalais. Le Président s’en va et veut léguer au futur Président un Sénégal paisible, stable et uni pour un futur rayonnant.» Telle est la conviction du ministre de la Justice, Garde des sceaux, Me Aïssata Tall Sall. Evidemment, c’est avec détermination et éloquence que l’avocate a défendu, hier à l’Assemblée nationale, ce projet de loi dans le but d’apaiser le climat politique et social, renforcer la cohésion nationale, consolider les conclusions du dialogue national et permettre à certains individus de participer pleinement à la vie démocratique. Le projet de loi, a précisé Me Aïssata Tall Sall, intervient pour effacer les séquelles des dissensions politiques et sociales qui ont secoué le pays ces dernières années et couvrant une période allant de 2021 à 2024. Le projet, qui doit notamment permettre à des personnes privées de leurs droits civiques et politiques d’être rétablies dans leurs droits, a été voté dans la division par 94 voix pour, 49 contre et 3 abstentions. Selon la ministre, ce projet de loi n’est pas destiné au Président Macky Sall, aux manifestants ou à ceux qui sont en détention. «Ce projet est pour l’avenir du Sénégal.» Pour conforter ses propos, elle a évoqué le cas emblématique de Nelson Mandela pour appuyer sa plaidoirie en faveur de l’amnistie démontrant que les lois d’amnistie, dans le monde entier, ont toujours été des lois impopulaires, de passion, voire de désordre. Cela se justifie, selon elle, par le fait que chacun se sent concerné et prend parti en fonction de sa propre histoire. A en croire Me Aïssata Tall Sall, Macky Sall a usé de ses pouvoirs constitutionnels pour demander à ce qu’on pardonne. C’est ce qui justifie la ferme volonté du chef de l’Etat, dira-t-elle, «l’urgence du vote de ce projet de loi, afin de pacifier le pays avant l’échéance de son mandat». Revenant sur les manifestations qui ont impacté lourdement le pays entre 2021 et 2024, elle dira que Macky Sall ne souhaite pas que son successeur soit confronté à de pareilles situations. Cepen­dant, elle a précisé que cette loi d’amnistie n’encourage pas l’impunité et ne permet pas non plus d’ignorer la vérité. Au contraire, c’est parce que la vérité est connue qu’il est d’autant plus fondamental de pardonner. «Au moment où je vous parle, j’ai la claire conscience de ce qui s’est passé dans ce pays», assure ATS, tout en annonçant la mise en place d’une commission chargée d’examiner les cas des victimes, démontrant ainsi la volonté de l’Etat de les accompagner dans leur quête de justice. «Les victimes seront assistées et l’Etat sera à leur côté. L’Etat est prêt à cela parce que c’est ça l’esprit du pardon.»

Oui, le projet de loi a été adopté, mais l’opposition reste sceptique face à cette initiative. Ils craignent que le projet n’entrave la poursuite de la Justice pour les crimes les plus graves, notamment ceux impliquant des pertes humaines. En effet, diront-ils, «nous ne sommes demandeurs de rien». Birame Soulèye Diop, président du Groupe parlementaire Yewwi askan wi, dit ne pas «récuser» la loi d’amnistie. «Il y a plusieurs zones d’ombre dans cette loi. Il nous faut savoir la quintessence de cette loi. Je ne dirais pas non à la loi d’amnistie…», admet le parlementaire Birame Soulèye Diop. Député du Parti de l’unité et du rassemblement (Pur), Bara Gaye, comme Abba Mbaye de Taxawu Senegaal, a adopté la posture de refus de son parti concernant la loi d’amnistie. Selon eux, la réconciliation nationale tant souhaitée ne peut se faire en dehors de la vérité. «Oublier sans savoir, nous disons non.» Les députés de la majorité ont, quant à eux, salué cette démarche comme un pas décisif vers la paix et la réconciliation. Ils estiment que dans le contexte actuel, marqué par des tensions sociopolitiques, l’amnistie est un geste politique nécessaire pour unifier le pays et ouvrir la voie à un avenir plus serein. «On est dans un pays qui a besoin de pardon. Un pays réconcilié», a défendu Abdou Mbow, président du Groupe parlementaire Benno bokk yaakaar.