Assemblée – Budget 2026 du ministère de la Santé et de l’hygiène publique : Entre volonté d’investissement et réalité de la crise sanitaire


Le budget 2026 du Mshp, arrêté à 274, 3 milliards F Cfa en Autorisations d’engagement (Ae) et 217, 3 milliards F Cfa en Crédits de paiement (Cp), est un document de planification stratégique qui révèle la volonté du gouvernement de s’attaquer aux déficits structurels du secteur, tout en suscitant de fortes interrogations sur la gestion des urgences et l’équité territoriale.
Par Justin GOMIS – Le budget 2026 du Ministère de la santé et de l’hygiène publique (Mshp), qui s’élève à 274, 3 milliards F Cfa en Autorisations d’engagement (Ae) et 217, 3 milliards F Cfa en Crédits de paiement (Cp), révèle une orientation claire vers la consolidation du système de soins. Mais, il met également en lumière l’écart persistant entre la stratégie gouvernementale et l’urgence des besoins exprimés par la Représentation nationale.
L’examen de ce projet de loi de finances en commission élargie, le 15 novembre 2025, a été l’occasion d’un face-à-face révélateur entre l’Exécutif et le Législatif sur les priorités du secteur. L’architecture budgétaire du Mshp pour 2026 confirme une approche axée sur l’investissement lourd. Le Programme 3 : Offre de soins de qualité absorbe, à lui seul, 191, 9 milliards F Cfa en Ae, soit près de 70% du budget total.
Des chiffres qui parlent d’investissement… à long terme
Ce programme est dominé par les dépenses de personnel (65, 1 milliards F Cfa), mais surtout par les investissements exécutés par l’Etat (34, 4 milliards F Cfa) et les transferts en capital (59, 6 milliards F Cfa en Ae). Cette dominance des Ae en capital témoigne d’une volonté politique de lancer de grands projets d’infrastructures et d’équipements à financement pluriannuel (Eps de niveau 3, grands hôpitaux).
Cependant, l’écart entre les autorisations d’engagement (59, 6 milliards) et les crédits de paiement (2, 6 milliards) pour les transferts en capital souligne que la majorité de ces grands projets d’investissement ne verra pas ses dépenses engagées en 2026, mais sera échelonnée sur les années suivantes. L’impact réel et immédiat sur la carte sanitaire sera donc limité à court terme.
Il faut savoir que le Programme 2, à savoir la Prévention et la promotion de la santé, est le parent pauvre du budget, avec seulement 23, 9 milliards F Cfa (environ 11% des Cp). Dans un contexte post-crise sanitaire (hypothèse plausible pour fin 2025/début 2026) où la résilience du système devrait être une priorité, la faible allocation à la prévention -malgré sa reconnaissance comme pilier essentiel- interroge. La majeure partie des crédits de ce programme est d’ailleurs consacrée aux transferts courants (14 milliards F Cfa), probablement pour financer les programmes de lutte contre les maladies, plutôt qu’à des campagnes massives de promotion ou d’hygiène publique à grande échelle.
Le cœur du débat s’est focalisé sur les interpellations des commissaires, qui ont agi comme les porte-voix des populations régionales. Leurs préoccupations révèlent une double crise dans le secteur : la litanie des demandes de nouvelles infrastructures (Tambacounda, Bignona, Ziguinchor, Bakel, Mbacké, etc.) est une dénonciation implicite de la forte centralisation des moyens et des structures de haut niveau. La demande d’un Eps de niveau 3 à Tambacounda et Ziguinchor, capitales régionales, est un plaidoyer pour la décentralisation de l’offre de soins spécialisés et pour mettre fin à l’obligation faite aux populations de l’intérieur de migrer vers Dakar pour les traitements lourds. Les demandes d’ouverture de centres déjà construits (Koungheul, Goudiry) pointent, quant à elles, les retards d’exécution et les gaspillages potentiels.
Les préoccupations soulevées par les commissaires sur les conditions de prise en charge sont les plus sensibles : la dénonciation du ticket à 10 000 F Cfa dans certains hôpitaux remet en cause directement l’objectif de Couverture sanitaire universelle (Csu). La cherté est un obstacle majeur à l’accès pour les ménages les plus précaires.
Qualité de l’accueil et des urgences
Par ailleurs, l’interpellation sur le décès d’un nouveau-né devant l’hôpital de Diourbel est un signal d’alarme sur le dysfonctionnement de la chaîne des urgences et l’impératif d’humaniser les maternités. C’est une critique directe de la gestion opérationnelle quotidienne du système.
Le budget 2026 du Mshp est un budget de vision structurelle qui planifie l’amélioration du plateau technique national sur le long terme via de lourdes autorisations d’engagement. Cependant, il semble avoir partiellement manqué l’occasion de répondre aux urgences sociales et opérationnelles soulevées par les députés. le ministre Ibrahima Sy devra démontrer que ces investissements massifs pourront non seulement aboutir, mais aussi s’accompagner d’une politique forte pour réduire le coût des soins et garantir une prise en charge digne et rapide dans toutes les régions, en phase avec les attentes immédiates de la population.
Il faut noter une baisse des crédits budgétaires due au transfert des crédits du Programme de protection sociale au ministère de la Famille, de l’action sociale et des solidarités, avec un montant de 3, 7 milliards de francs Cfa. Le volet construction aussi a été affecté au ministère des Infrastructures, pour un montant de 85 milliards de F Cfa.
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