Les députés, dans un rare élan d’unanimité, ont adopté hier le projet de loi n°22/2023 modifiant la loi n°2012-30 du 28 décembre 2012 portant création de l’Office national de la lutte contre la fraude et la corruption (Ofnac) et le projet de loi n°23/2023 modifiant la loi n°2014-17 du 2 avril 2014 relative à la déclaration de patrimoine.Par Ousmane SOW –
Des lois ont été votées, publiées, ratifiées… mais rarement appliquées. Hier, à l’Assemblée nationale, il était encore question pour les parlementaires de se pencher sur le projet de loi n°22/2023 modifiant la loi n°2012-30 du 28 décembre 2012 portant création de l’Office national de la lutte contre la fraude et la corruption (Ofnac) et le projet de loi n°23/2023 modifiant la loi n°2014-17 du 2 avril 2014 relative à la déclaration de patrimoine. Venu défendre ces deux textes, Moustapha Bâ, ministre des Finances et du budget, a rappelé d’abord que plus de 10 ans après la création de l’Ofnac, le constat a été fait de la nécessité d’accroître ses pouvoirs d’anticipation, de médiation, de formation et de lutte contre la corruption. Selon lui, «la corruption est l’une des plus graves entraves au développement économique et social, car elle constitue un frein à la croissance économique, en même temps qu’elle décourage l’investissement privé, surtout étranger, réduit les ressources disponibles pour le développement et menace les fondements de l’Etat de Droit».
A cet égard, il estime que le Sénégal, conscient de cet état de fait, s’est résolument engagé dans la lutte contre ce fléau, en ratifiant la Convention des Nations unies contre la corruption, ainsi que la Convention de l’Union africaine sur la prévention et la lutte contre la corruption, adoptée à Maputo le 11 juillet 2003 et ratifiée le 15 février 2007.
Face aux députés, le ministre des Finances et du budget a indiqué que le présent projet de loi touche 4 domaines précis, à savoir le renforcement des pouvoirs d’investigation de l’Office par la possibilité de prendre des mesures de garde à vue, le délai de prescription de l’action publique, l’enrichissement illicite et les mandats des membres de l’Ofnac. A l’en croire, ces innovations majeures ont pour objet de renforcer les possibilités de recouvrer des ressources et de les mettre dans le budget. «L’objectif est de permettre à l’Ofnac de jouer pleinement son rôle», a-t-il assuré, rappelant que toute ressource recouvrée est intégrée dans le budget et fera l’objet d’une loi de finances rectificative si les conditions y relatives sont réunies.
«L’Ofnac est une entité d’enquête et non une juridiction»
Au-delà de ces innovations majeures, Mamadou Moustapha Bâ a précisé que l’allongement et l’uniformisation des délais de prescription de l’action publique en matière de lutte contre la corruption et les délits assimilés passent désormais de 3 à 7 ans. «Ce nouveau dispositif, qui renforce l’office, améliorera, à coup sûr, la culture d’intégrité et de lutte contre la prévarication des deniers publics», a-t-il précisé, notant aussi que le point de départ des délais de prescription est désormais fixé à compter de la date des faits ou de l’acquisition du bien en cause. «Un point définitivement réglé», note-t-il.
Intervenant à leur tour, les députés se sont réjouis de ce projet de loi qui entre dans le cadre de la lutte contre la fraude, la corruption, et qui milite en faveur de la consolidation de la bonne gouvernance. Dans la même veine, il a été préconisé au ministre de revoir le mode de désignation des membres de l’Ofnac, dans le sens de leur garantir plus d’autonomie et d’indépendance dans l’accomplissement de leur mission. S’agissant du rapport entre le président de l’Ofnac et le procureur de la République, Mamadou Moustapha Bâ a rassuré que la loi a bien délimité le domaine de compétence de chacun. «L’Ofnac est une entité d’enquête et non une juridiction. Mais il peut donner des avis aux autorités administratives. Voilà la quintessence du projet de loi», fait-il savoir, tout en annonçant que la nomenclature budgétaire des collectivités territoriales est en cours de révision.
Combler les lacunes relevées…
De manière similaire, le projet de loi n°2014-17 du 2 avril 2014 relatif à la déclaration de patrimoine a également été adopté à l’unanimité. Ce présent projet de loi, d’après le ministre des Finances et du budget, entend combler les lacunes relevées au terme des 8 années d’application, tout en élargissant le champ d’assujettissement à un certain nombre d’agents publics occupant de hautes fonctions, qu’ils soient gestionnaires de deniers publics ou non. Toutefois, il précise que les dispositions de la présente loi ne s’appliquent pas au président de la République dont le régime de déclaration de patrimoine est prévu par l’article 37 de la Constitution. Il en est ainsi des magistrats de la Cour des comptes, qui déclarent leur patrimoine dans les conditions prévues par la loi organique portant statut des magistrats de la Cour des comptes. Par contre, il rappelle aux députés que ledit projet de loi est le deuxième des repères structurels, en matière de bonne gouvernance, que le gouvernement a inscrit à son mémorandum des politiques économiques et financières 2023-2026. «Les modifications qui sont faites dans ce projet de loi font déjà penser aux articles de 10 à 31, et visent à consolider l’efficacité de la loi existante, mais toujours à travers 3 mesures fortes, notamment l’élargissement de l’assiette des assujettis, le renforcement du régime des sanctions, qui était quasiment inopérant, et la publication de la liste des assujettis en règle et celle des assujettis défaillants», a expliqué le ministre des Finances et du budget, précisant que des mesures coercitives sont prévues désormais à l’encontre des assujettis défaillants, pour déclaration incomplète, frauduleuse ou inexacte. L’unanimité avec laquelle ces deux projets de loi ont été adoptés, envoie un message fort au Peuple sénégalais.