Les rideaux viennent de se refermer sur les élections législatives du 30 juillet 2017 qui ont finalement livré leurs mystères, consacrant ainsi la victoire, sans rémission, de la coalition Bby qui s’est adjugé 127 représentants.
Il serait même mieux à propos de considérer un tel succès électoral comme celui de l’Apr, mais non celui de la coalition Bby composée pour l’essentiel de partis lilliputiens sans le moindre background électoral.
A la limite même, je considère comme un grave déni de démocratie le fait qu’un parti politique, qui ne s’est pas mesuré à l’aune du suffrage universel, puisse disposer d’une représentation à l’Assemblée nationale et au gouvernement par la seule vertu d’un système de quota institué au sein de «l’Entente cordiale» au pouvoir.
Le très remuant avocat, Me El Hadji Diouf, crédité d’avoir été un bon député du Peuple, recalé par le suffrage universel pour n’avoir pas été éligible au plus fort reste, siègerait sans bourse délier à l’Hémicycle s’il avait bénéficié du parapluie de la coalition aux affaires.
Il se susurre même que le Ps a été attributaire d’un quota de seize (16) députés sur les 127 obtenus par la liste Bby.
Rapportés au quotient national qui est de 50 mille électeurs pour un siège de député, la formation verte devrait donc engranger 800 mille électeurs s’il était soumis directement à l’épreuve du suffrage universel.
Personnellement, je ne donnerai pas cher ma peau pour parier sur une telle performance électorale de la part d’un Ps qui n’est plus que l’ombre de lui-même, exsangue et traversé de part en part par des luttes fratricides et des querelles d’ambitions personnelles.
L’acte 2 de la séquence a été constitué par la formation du nouveau gouvernement, dont la configuration devrait tenir en compte l’état réel du rapport des forces établi au terme du scrutin, le dosage géographique, l’équilibre ethnique, etc. et ce, de façon à mettre en place un attelage gouvernemental d’un large spectre, inclusif et représentatif de toutes les sensibilités du pays.
L’autre attraction de ce gouvernement est la représentation hypertrophiée de l’Apr qui se taille la part léonine de 35 postes ministériels contre neuf (9) strapontins réservés aux partis satellisés qui se disputent les restes comme des vautours qui s’acharnent autour de charognes.
Cette situation de caporalisation des institutions républicaines nous plonge dans l’âge d’or du totalitarisme stalinien, où le parti omnipotent, investi de prérogatives exclusives de droit divin, exerce une tutelle pesante sur tous les démembrements de l’Etat.
Pour conjurer les dérives politiques graves sur les institutions républicaines, la Commission nationale de réforme des institutions (Cnri) avait fortement recommandé le principe de la séparation des fonctions de chef de parti et de chef de l’Etat et ce, pour mettre un terme à la primauté du parti sur l’Etat, comme c’est le cas actuellement.
Ce qui retient l’attention dans notre zone, c’est l’absence de ministres d’extraction locale dans le nouveau gouvernement de la République.
Le moins que l’on puisse dire est qu’il s’agit d’un fait gravissime pour une agglomération importante et dynamique aussi bien au plan économique que celui de la population dont le rythme exponentiel d’accroissement démographique évolue annuellement aux taux de 10%, selon les professionnels du sé­rail.
Au plan strictement politique, la mégalopole est également un bassin électoral prolifique dont le vote impacte, pour une grande part, le scrutin proportionnel national.
En tout état de cause, cette forfaiture grave a provoqué un concert de désapprobation de la part de la population qui se considère victime de mesures de rétorsion pour avoir choisi le camp de Wattu Senegaal.
Plutôt que de tuer le microbe en tuant le malade, la coalition au pouvoir devrait opérer une auto critique détachée de toute connotation partisane, de façon à décrypter la part de responsabilité personnelle du camp présidentiel dans les échecs quasiment récurrents de la formation majoritaire.
Une telle introspection, pour être utile, doit être faite de sang-froid, de façon sereine, dépassionnée, humble et modeste, qui sollicite la tête et non les émotions.
En laissant libre cours, sans la moindre réaction, aux bouffonneries, fantasmes et frasques de responsables politiques arrogants, irrévérencieux et irrespectueux, Macky Sall ne s’est-il pas alors aliéné la sympathie de pans entiers de chefs religieux, surtout dans des milieux où il faut marcher sur des œufs et dont il faut respecter les usages, les réalités et les spécificités propres ?
«La vertu est au milieu», dispose un adage qui est également bien prisé chez nous.
En aménageant également des postures de rentes confortables à une étroite couche de dignitaires religieux, le pouvoir a contribué à attiser les inégalités qui se sont finalement cristallisées en un sentiment de défiance sourde qui agit, en lame de fond, contre les intérêts de la formation dominante.
L’expérience atteste et la pratique confirme que le fétichisme des marabouts tête de liste, dont l’investiture pourrait avoir un effet d’entraînement sur les comportements des citoyens, est devenu de nos jours une recette éculée qui a épuisé ses possibilités historiques.
L’intérêt du pouvoir est de rétablir directement le fil du dialogue avec les citoyens qui ont atteint un niveau de maturité telle que rien ni personne ne peut avoir, actuellement, la prétention de suborner leur choix.
La gestion apocalyptique des moyens de la campagne a aussi constitué un autre ferment du vaste mécontentement de segments entiers de population.
A commencer par les militants du rang, aucun citoyen Mbackois n’a apprécié la délégation des fonds de campagne de plusieurs dizaines de millions à des chefs religieux, inconnus du bataillon, qui en disposaient à la tête du client et selon des convenances personnelles.
Plusieurs millions ont été mis ainsi à la disposition d’activistes sans ressorts populaires, au préjudice de responsables qui justifient d’un ancrage profond dans le tissu social.
Les facteurs de défaite ont culminé avec l’enrôlement du maire de Mbacké, affabulé du faux sobriquet de «Général qui gagne les guerres», mais qui s’est révélé, à la réalité, comme un «Général sans armée» dont les vaniteuses prétentions ont été taillées en pièces par la population qui exprime une défiance massive par rapport à sa gestion scandaleuse des affaires locales.
Le pouvoir doit également diligenter des politiques de réduction de la pauvreté dans une agglomération où un îlot d’abondance côtoie un océan de misère.
Le régime de Macky Sall doit redoubler d’efforts en matière d’emplois de jeunes, de dotations d’infrastructures sportives et socio-éducatives, d’infrastructures routières etc. Le gouvernement doit également faire un clin d’œil aux populations de la campagne dont les conditions de vie difficiles doivent retenir l’attention des dirigeants du pays.
Une hypothèque durable pèse sur les activités agricoles et pastorales avec des forages inégalement répartis et concentrés entre les mains d’un cercle de privilégiés qui exigent des paysans et des pasteurs des débours importants pour abreuver le bétail.
Malgré des efforts significatifs, les secours d’urgence à la population (semences- riz-intrants-aliment de bétail) parviennent, au compte-gouttes, aux vrais usagers du fait de modalités de distribution qui ne respectent aucun principe de transparence.
La seule éclaircie sur le ciel sombre des réalisations est re­pré­sentée par l’autoroute Ila Touba dont la grande utilité ne fait l’ombre d’aucun doute, à moins que l’on ne développe des arguments crypto-personnels de politique politicienne pour combattre un adversaire.
L’une dans l’autre, ces petites causes aux grands effets ont contribué à la déroute de la liste Bby qui pourrait vaincre le signe indien, mais pas en engageant un bras de fer avec la population.
Youssou BABOU
Instituteur principal de classe exceptionnelle
Ancien adjoint au maire de Mbacké