Lors du vote du budget de son ministère, Sidiki Kaba s’est heurté au refus des députés de l’opposition de le voir organiser la Présidentielle de 2024, avant que les députés de la majorité ne le défendent. Le ministre de l’Intérieur a tenu à rassurer ses détracteurs quant à l’organisation d’une élection «libre et transparente». Par Amadou MBODJI –

Les députés de l’opposition ne rament pas à contre-courant de leurs leaders : ils ne veulent pas d’un ministre de l’Intérieur partisan. Et hier, le vote du budget du ministère de l’Intérieur a été une occasion pour ces parlementaires de remettre sur la table la revendication de leur camp politique.

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Guy Marius Sagna est le premier député de l’opposition à ouvrir les hostilités en remettant en cause la «légitimité» de Sidiki Kaba, tout nouveau ministre de l’Intérieur, pour organiser la prochaine élection présidentielle du 25 février 2024. «Nous n’avons aucune confiance au ministre de l’Intérieur pour organiser l’élection présidentielle», soutient le député hier lors du vote du budget du ministère de l’Intérieur à l’Assemblée nationale. Ouvrant ainsi du coup la brèche à ses autres collègues députés de l’opposition. «Par rapport à l’élection présidentielle, vous êtes de l’Apr, je pense que le Président Macky Sall doit s’inscrire dans ce que le Président Abdou Diouf avait fait, il doit aussi s’inscrire dans ce que le Président Abdoulaye Wade, le grand démocrate, avait fait en 2012 en nommant quelqu’un chargé des élections qui a été  neutre. Vous ne pouvez pas organiser cette élection. Nous vous récusons», charge le député Abass Fall.

L’autre député de Yaw, Ayib Daffé, conforte la position de son collègue. «Il y a une crise préélectorale, on l’a vu à l’occasion du parrainage, notamment le retrait des fiches de parrainage du candidat Ousmane Sonko. On a vu que l’Administration a commis des forfaitures. En tant militant de l’Apr, vous êtes disqualifié pour organiser une élection transparente, inclusive et démocratique. Il nous faut un ministre chargé des Elections, qui est neutre, impartial, comme Abdoulaye Wade avait fait en 2012, comme Abdou Diouf avait fait en 2000 en nommant une personnalité neutre et indépendante pour organiser les élections. Quoi qui puisse arriver, une alternance aura lieu. Vous êtes le régime le plus impopulaire depuis l’Indépendance», appuie le député Ayib Daffé.

Le député Modou  Bara Gaye du même groupe parlementaire s’en mêle aussi : «Monsieur le ministre de l’Intérieur, vous avez la légalité d’occuper le ministère de l’Intérieur, vous êtes un excellent avocat, nous le reconnaissons. Mais il faut avouer et accepter avec nous que vous n’avez la légitimité d’organiser l’élection. Je l’avais dit à votre prédécesseur à la tête du ministère de l’Intérieur, l’année dernière, pour deux jurisprudences : le Président Abdou Diouf avait nommé le Général Lamine Cissé en 1997, c’est lui qui a organisé l’élection de 2000 et nous avons connu une alternance. Le 25 juillet 2011, le Président Abdoulaye Wade, sous la pression de l’opposition -et dans cette opposition il y avait le Président Macky Sall-, avait nommé Cheikh Guèye pour diriger  l’élection. Qu’on ne me dise pas que les élections sont organisées par ces brillants fonctionnaires de l’Etat, car vous serez le ministre chargé des Elections. Vous n’avez pas la légitimité d’organiser cette élection. Pourquoi ? Nous ne sommes pas contre vous. Vous responsable politique de Benno bokk yaakaar (Bby), vous ne pouvez pas être juge et partie», argue le député Bara Gaye.

Les députés de Bby en défenseurs de Kaba
C’est la députée, Adji Mergane Kanouté, du camp de la majorité, qui est la première à prendre la défense du ministre de l’Intérieur, en répliquant à l’opposition. «Monsieur le ministre, vous avez la légalité et la légitimité» d’organiser l’élection présidentielle. «Mon­sieur ministre, avec vous, il y a  autant de brillants cadres qui organisent les élections. Avant vous, il y avait Antoine Diome. Ils ont organisé les élections locales et les élections législatives et ils ont eu ce qu’ils ont eu, un nombre considérable de députés à l’Assemblée nationale et de maires dans les communes. Monsieur le ministre, vous avez la légitimité et vous avez la légalité. Et je voudrais rendre hommage à Thiendella Fall (Directeur de la Dge endeuillé pour avoir perdu son père), qui organise les élections», indique la députée.

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Le président du groupe parlementaire de Bby, Abdou Mbow, se joint à sa collègue Mme Kanouté pour démonter les arguments de leurs collègues de l’opposition. «Mon collègue de Yeumbeul (le député Modou Bara Gaye), tout à  l’heure, vous a dit que vous êtes compétent : «Vous travaillez bien, vous êtes un grand homme, mais vous n’avez pas la légitimité d’organiser les élections.» Moi je m’inscris en faux par rapport à ces déclarations. Monsieur le ministre vous avez les compétences, mais aussi la légitimité d’organiser des élections libres, transparentes et démocratiques dans ce pays. Parce que vous êtes un homme d’une grande valeur et vous tirez votre légitimité de ce grand homme qui s’appelle le Président Macky Sall», mentionne le député Abdou Mbow.

Assurances du ministre
Qualifiant les propos des parlementaires de l’opposition de «discourtois et cherchant à faire mal», Sidiki Kaba donne  des garanties quant à une «élection présidentielle trans­parente» prochainement au Sénégal.

«Pour rassurer les uns et les autres, les élections qui seront organisées au Sénégal se dérouleront dans la transparence. Vous le savez, vous en avez la preuve, ceux qui vont dans les centres de vote, ceux qui vont dans les bureaux de vote à 18 heures, quand on commence le dépouillement, il y a les représentants des candidats, il est clair que ce qui sort du bureau de vote c’est ça le verdict des urnes. Cela sera respecté, je tiens à vous rassurer», fait savoir le ministre de l’Intérieur.

Le ministre de l’Intérieur s’est expliqué sur le refus de remettre les fiches de parrainage à Ousmane Sonko. «On a dit qu’on n’a pas voulu remettre des fiches, mais la Cour suprême a tranché. Vous voulez que je dise quoi d’autre ?», martèle le ministre. «On a dit que l’Etat du Sénégal» est «un violateur des droits». «Mais là où on est partis c’est la Cedeao. Qu’a dit la Cedeao ?»

«Cet Etat, c’est un Etat de droit, il fonctionne sur les principes de l’égalité, sur les principes de l’équité, sur la non-discrimination», souligne le minis­tre.
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