Le commerce illicite génère chaque année l’équivalent de l’Aide publique au développement de la Communauté des Etats de l’Afrique de l’Ouest (Cedeao), soit 50 milliards de dollars. Construit très souvent autour des trafics de substances illicites, du tabac ou des faux médicaments, ce commerce inquiète la Confédération nationale des employeurs du Sénégal (Cnes) qui organise depuis hier des assises autour de la question.

Trafic d’armes, contrebande d’alcool ou de cigarettes, médicaments contrefaits, le commerce illicite prend de multiples aspects dans la région ouest-africaine. Selon les chiffres, ce type d’activité génère un manque à gagner de 50 milliards de dollars par année, soit autant que toute l’Aide publique au développement (Apd) de la Communauté des Etats de l’Afrique de l’Ouest (Cedeao). Selon l’ambassadeur Bruno Delaye, sur la région ouest du continent, la cigarette de contrebande représente à elle seule 800 millions d’euros, soit plus de 524 milliards de francs Cfa, dont les 10 à 15% finissent dans les caisses des réseaux djihadistes qui sévissent dans le Sahel. Un fléau qui prend de l’ampleur et qui prive les Etats de recettes conséquentes. Et selon le secrétaire exécutif de la Confédération nationale des employeurs du Sénégal (Cnes), ce commerce illicite empêche aussi les entreprises d’exercer leurs activités normalement dans un cadre concurrentiel. «Ce sont des circuits de distribution qui ne sont pas les mêmes et qui biaisent la concurrence et la compétitivité. Quand un produit se soustrait au paiement de ses obligations fiscales, c’est un manque à gagner pour l’Etat. Mais depuis quelques années, nous nous sommes rendu compte que la manne financière générée par ce commerce illicite sert à financer le terrorisme. C’est la raison pour laquelle nous nous sommes dit que si nous avons un phénomène aussi dangereux, il est temps de nous en occuper», explique Mor Talla Kane.
Pour discuter des enjeux autour du commerce illicite, l’organisation patronale sénégalaise organise depuis hier un atelier sur le commerce illicite dans la zone Cedeao.
Globalement, ce commerce vise des produits capables de générer des plus-values financières. «Il y a des produits criminogènes comme la drogue, mais il y a aussi le tabac qui a une possibilité de dégager des marges bénéficiaires importantes et les médicaments qui sont des produits de recettes», indique M. Kane.
Selon l’ambassadeur Delaye, 10% des médicaments en circulation sont des faux et les 42% se retrouvent en Afrique. En outre, en 2015, ce sont 9,2 millions de cigarettes qui ont été débarquées dans les ports libyens en provenance de la Grèce ou des Emirats Arabes Unis. Ces marchandises sont par la suite revendues en Afrique subsaharienne ou en Europe, ce qui fait vivre les quelques 2 000 milices que compte ce pays. Pour y faire face, M. Babacar Sadikh Sy de la Cnes plaide pour une «convergence des énergies».

Nécessité de mettre en place une «coalition forte»
Pour le ministre délégué auprès du ministre de l’Econo­mie, des finances et du plan, en charge du Budget, Birima Mangara, il y a nécessité de mettre en place une «coalition forte» entre l’Etat et le secteur privé. M. Mangara souligne que ces pratiques sont exacerbées par le caractère informel des économies des pays de la région où les paiements en liquide sont facilités par un faible niveau d’inclusion financière. Raison pour laquelle le ministre du Budget plaide pour un système de traçabilité. «Nous avons la ferme volonté d’ouvrir des concertations larges pour apporter des solutions technologiques et opérationnelles», dit-il.
Pour M. Kane de la Cnes, lutter contre le commerce illicite passe par le développement du renseignement. «Il est important de développer le renseignement, mais aussi de discuter entre nous. C’est le renseignement qui est à la base», souligne-t-il.
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