Une session d’échanges axée sur le traitement des questions migratoires dans les médias a démontré à travers les interventions des panélistes que les médias se situent dans le «temps court», «le sensationnel» quand il s’agit d’évoquer ce phénomène. Ce panel organisé à Tsaghkadzor, en Arménie, sur le thème «Migrations, ce dont les médias parlent», a notamment montré à travers les différentes interventions que les médias sont dans le «temps court, dans le sensationnel» alors que la question migratoire, «ancestrale et millénaire aux causes variées», devrait être traitée de «façon plus approfondie». «Le journaliste n’est pas toujours dans la réflexion, dans le temps long qui n’est pas économiquement rentable la plupart du temps pour son support», a soutenu l’un des intervenants à ce panel tenu dans le cadre des 47èmes Assises de l’Union de la presse francophone (Upf) ouvertes mardi dans la cette ville, située à une soixantaine de kilomètres de la capitale arménienne. «La problématique des refugiés, des migrants, de milliers de jeunes qui traversent la Méditerranée au péril de leur vie, n’est pas rentable et ne fait pas vendre, mais angoisse plutôt les populations auxquelles les informations sont destinées», a dit Nasser Kettan, directeur général de Beur Fm (France).
Pour le journaliste sexagénaire, «la problématique des gens qui quittent leur domicile, leur travail pour essayer de survivre en traversant la Méditerranée doit être traitée d’une façon plus approfondie par les médias au lieu d’en faire toujours un fait divers, un événement sensationnel».
En effet, une campagne menée en 2016 par le Forum des organisations de solidarité internationale issues des migrations (Forim) a montré qu’il y a «beaucoup de stéréotypes et d’idées reçues par les médias sur les questions migratoires qui ne font pas l’objet d’un travail approfondie, mais d’un traitement sensationnel et ponctuel». «Il n’y a pas de crise des migrations, pas de crise non plus de migrants, mais une crise des politiques migratoires, des politiques humanitaires et structurelles accompagnées par la non volonté et l’hypocrisie des politiciens qui ne souhaitent pas avoir un traitement digne et respectueux de cette question», a dit la chargée de communication du Forum, Nelea Motriuc, française d’origine moldave.
Le Forim est une plateforme nationale qui réunit des réseaux, des fédérations et des regroupements d’organisations de solidarité internationale issues de l’immigration. Les membres sont engagés dans des actions d’intégration en France et dans des actions de développement dans les pays d’origine. Pour étayer cette position, elle a fait savoir que la population des migrants ne constitue que 3% de la population mondiale et ne peut pas constituer un obstacle au développement des pays d’accueil malgré les stéréotypes entretenus, surtout dans les médias.
En effet, ¾ de ces migrants travaillent dans le secteur des services et contribuent aussi bien à l’économie de leur pays d’origine que d’accueil. Pourtant, il y a énormément de préjugés sur les migrants relayés par les médias qui ne traitent pas toujours de «façon objective ces questions».
Il s’agit pour Nelea Motriuc «de porter un discours véridique basé sur les faits. On a fait une campagne en 2016, en France, sur la migration et le développement pour déconstruire dix idées reçues sur la question». «Très peu de médias ont répondu à cette campagne qui s’est voulue participative», a-t-elle déploré, soulignant que dans le contexte de l’élection présidentielle en France, la campagne a voulu également y associer les candidats à ces échanges sur les questions migratoires, mais qu’aucun candidat n’a répondu favorablement à cet appel.
Dans son intervention, elle a battu en brèche «les idées reçues, les stéréotypes aujourd’hui largement repris par les médias» parmi lesquelles le fait de dire souvent que «l’Europe ne peut pas accueillir toutes les misères du monde, l’aide publique au développement peut réduire l’immigration, les migrants ne contribuent que pour leur pays d’origine». «C’est totalement faux ces idées à côté d’autres stéréotypes qui consistent à penser que les migrants sont une menace à l’identité culturelle ou pour la souveraineté du pays d’accueil», a-t-elle encore avancé.
Sur la question de la sécurité sociale dont les migrants bénéficient dans les pays d’accueil, elle est d’avis que le migrant qui arrive par exemple en France ne connaît pas toujours le système de protection sociale très difficile d’accès.
Pour le journaliste Alpha Diallo, membre de la section Upf de Guinée, ce qui manque dans les relations de la presse sur les questions migratoires c’est l’aspect «fraternité et humanisme». Plusieurs intervenants ont souhaité lors des débats que les journalistes s’intéressent de façon «plus approfondie aux questions migratoires».
Il s’agit de ne pas «juste relayer les succes story des migrants dans leur pays d’origine, encore moins d’en faire des faits divers avec les tragédies qui jalonnent la traversée de la Méditerranée par de jeunes migrants». Autant de questions qui seront au cœur des 47èmes Assises de Tsaghkadzor, axées sur le thème «Médias et migrations».
Aps